Aeris
La journée s’étire lentement, son poids lourd sur mes épaules. Je tourne en rond dans la chambre, mes pas résonnant sur le sol en pierre. Les murs, ornés de tapisseries sombres, me donnent l’impression d’être enfermée dans une toile d’araignée. Je frôle du bout des doigts les couvertures de velours, leurs textures épaisses et froides sous ma peau. À chaque mouvement, chaque souffle, je sens ce château autour de moi, presque vivant, respirant dans ses entrailles sombres. Ce n’est pas une prison, pas exactement. Mais ce n’est pas non plus la liberté que je désire.
Je m’arrête devant la fenêtre, regardant les nuages sombres s’amonceler à l’horizon. Le vent fait frémir les arbres, et une inquiétude sourde me serre la poitrine. Ce lieu est rempli de secrets, d’ombres, de mystères. Et je suis seule dans cette immensité froide, captive de cet endroit dont je ne connais pas encore la véritable nature.
La porte s'ouvre sans prévenir, et une tension se fait sentir dans l'air. Mon cœur accélère, mais je ne me retourne pas immédiatement. Je sais qui c’est.
Damián entre dans la pièce, une silhouette imposante et élégante qui semble défier le temps lui-même. Son regard se fixe sur moi, lourd de promesses silencieuses, d’une intensité qui m’ébranle à chaque fois. Ses yeux noirs ne me quittent pas, me transpercent comme une flèche.
— Tu t’habitues à l’endroit ? Il parle d’une voix basse, mesurée, mais sous ses mots, une chaleur glaciale semble percer.
Je relève le menton, un défi silencieux dans mes yeux.
— Peut-on vraiment s’habituer à être retenue contre son gré ?
Un sourire énigmatique se dessine sur ses lèvres, aussi fugace qu’il est dérangeant.
— Tu es plus libre que tu ne le crois.
Ses mots résonnent dans ma tête comme une énigme. Plus libre ? Il ne peut pas être sérieux. Je suis enfermée ici, sans aucune possibilité de fuir. Mais il ne semble pas prêt à laisser tomber.
Je serre les poings, la colère grondant en moi comme une mer déchaînée.
— Alors laissez-moi partir.
Le silence qui s’installe est lourd, presque suffocant. Il s’approche alors, sans un bruit, son pas mesuré et silencieux comme celui d’un prédateur. Il semble s’amuser de ma tentative d’évasion, mais il n’est pas pressé. Il prend son temps, comme s’il savait déjà que je ne pouvais aller nulle part.
Quand il s’arrête au centre de la pièce, il inclines légèrement la tête, un geste lent et calculé.
— Viens avec moi. Sa voix n’admet aucun refus.
Un frisson d’appréhension parcourt mon échine. Je l’observe en silence, mes yeux se haussant, mon corps réticent à répondre. Mais quelque chose dans son regard me force à obéir. C’est une force invisible, comme une corde tendue entre nous, qui m’attire malgré moi.
— Pourquoi ? Ma voix sort plus faible que je ne l’aurais voulu. Pourquoi m’emmener ailleurs ?
Il ne répond pas immédiatement, mais ses yeux s’intensifient, comme s’il lisait dans mes pensées. Il y a une vérité que je n’arrive pas à saisir, une vérité qui me fait me sentir vulnérable dans sa présence.
— Parce que tu veux comprendre. Un sourire se forme sur ses lèvres, cette fois plus franc, mais il n’éclaire pas ses yeux sombres. C’est un sourire de défi, de certitude. Et cette certitude me dérange profondément.
Il me tourne le dos, et je sais qu’il attend que je suive. Une part de moi hésite encore, mais l’envie de savoir, de comprendre ce que cache ce château, me pousse à avancer à ses côtés. Sans un mot, je sors de la chambre, ma volonté vacillante mais déterminée.
Les couloirs du château sont aussi sombres et imposants que l’extérieur. Une lumière tamisée filtre à peine entre les volets, dessinant des ombres longues et inquiétantes sur les murs de pierre. Rien n’éclaire véritablement, à peine un éclat d’ambre qui semble refléter une réalité plus lointaine. Chaque pas que je fais m’éloigne un peu plus de ma chambre et du confort illusoire qu’elle m’offrait.
Nous avançons en silence. Ses pas sont fluides, silencieux, comme s’il était une ombre lui-même. Je le suis, mes yeux accrochés à son dos, mais mes pensées dispersées. Une question brûle sur mes lèvres, mais je la garde pour moi. Pas encore.
Nous arrivons dans une grande galerie. Des portraits anciens, de nobles visages figés dans le temps, ornent les murs. Leurs regards me fixent avec une intensité glaçante. Ils semblent suivre chacun de mes mouvements, leurs yeux perçants scrutant mon âme.
— Qui sont-ils ? Ma voix tremble légèrement, trahissant une curiosité que je ne veux pas lui montrer.
Damián s’arrête devant l’un des portraits, les yeux rivés sur l’image d’un homme aux traits sévères et aux yeux aussi sombres que les siens. Un homme qui semble bien plus âgé, mais dont la ressemblance avec lui est indéniable.
— Ceux qui ont régné avant moi. Sa voix est calme, mais il y a quelque chose dans ses mots qui me fait frissonner. Ce n’est pas une réponse complète, juste un fragment.
Je scrute le tableau un instant. Je vois la même froideur dans les yeux de l’homme, mais aussi un pouvoir, une domination qui me fait frémir. Il y a une lignée derrière Damián, une histoire qu’il n’est pas pressé de partager.
— Votre famille ? Je demande, mais ma question semble se perdre dans le silence.
Il tourne légèrement la tête vers moi, et un éclat d’amusement passe dans ses yeux. C’est si fugace que j’aurais presque cru l’avoir imaginé.
— En un sens.
Sa réponse est évasive, presque délibérée. Il n’a pas l’intention de me dévoiler quoi que ce soit de plus. Il n’a jamais eu l’intention de me rendre les choses faciles.
Mais une autre question s’impose dans mon esprit, plus insistante.
— Pourquoi votre village nous envoie-t-il des jeunes femmes ? Le ton de ma voix est direct, audacieux même. Si quelqu’un peut m’en donner la réponse, c’est lui. Il sait tout, il comprend tout.
Il s’arrête un moment, et je sens ses yeux se poser sur moi avec une attention particulière. L’amusement disparaît presque instantanément.
— Tu es la première à poser cette question si directement. Sa voix est presque un murmure, mais l’ironie qui s’y cache me fait me tendre davantage.
Je m’avance un peu plus, mes yeux toujours fixés sur lui, mes lèvres frémissant d’impatience.
— Et allez-vous me répondre ? Je souffle presque, une légère provocation dans la voix. Il m’intrigue, me captive, et je veux plus. Je veux comprendre.
Il me fixe un instant, et dans ses yeux, je vois une brève étincelle. Mais il garde le silence. Il me tourne le dos à nouveau et reprend sa marche, son pas toujours aussi implacable.
— Pas encore. Il parle à peine, et pourtant ses mots frappent comme des chaînes invisibles qui m’empêchent de répondre.
Je serre les dents. Ce jeu me met en colère, mais je n’ai pas le choix. Je dois le suivre, même si chaque mouvement qu’il fait semble m’éloigner de ma propre liberté.
Nous avançons encore. Et alors que je m’apprête à poser d’autres questions, une porte entrebâillée attire mon regard. Une pièce plongée dans l’obscurité la plus totale. Je la vois à peine, mais quelque chose m’en empêche de détourner le regard. Une force, une pression que je n’arrive pas à comprendre.
Je m’approche de la porte instinctivement, mais Damián s’arrête soudainement.
— Ne t’approche pas de cette porte.
Il parle d’un ton tellement ferme, tellement froid que je frémis. Son regard est aussi glacial que sa voix. Il n’est plus l’homme amusé de tout à l’heure. Il est devenu un seigneur, un maître. Et sa volonté se fait sentir de manière irrésistible.
Je m’arrête, m’éloignant un peu de la porte.
— Qu’y a-t-il à l’intérieur ? Ma voix tremble d’une curiosité irrationnelle. Quel est ce secret que cette porte cache ?
Il ne répond pas tout de suite, son regard fixe toujours la porte, comme s’il y avait quelque chose là-dedans qui dépassait tout ce que je pourrais comprendre. Puis, lentement, presque à voix basse, il murmure :
— Le passé.
Ces deux mots résonnent dans ma tête, lourds de mystère et d’avertissement. Avant que je n’aie pu poser d’autres questions, il me prend par le bras, me tirant vers l’avant. Le château semble se refermer autour de moi, me laissant avec plus de questions que de réponses.
Je ne sais pas ce que cache cette pièce, mais je suis certa
ine d’une chose : ce château, ce seigneur, tout ici est plus dangereux que je ne l’aurais jamais cru.
AerisLes jours passent, mais une nouvelle lumière semble envahir ma vie. Damián et moi, nous avons traversé tant de turbulences, tant de doutes, que l'idée d'une paix durable semblait presque inatteignable. Pourtant, il est là, à mes côtés, et pour la première fois depuis longtemps, je ressens la chaleur d’un amour qui ne me fait pas peur. Un amour sincère, débarrassé de manipulations, de mensonges et de trahisons. Un amour que nous avons construit patiemment, dans l’ombre de notre passé, mais avec la volonté de ne jamais retourner à ce qui nous a brisés.Je me tiens face à lui, les yeux emplis d'émotion, en voyant l'homme qu'il est devenu. Il n'est plus le seigneur cruel qui a décidé de ma destinée, ni celui qui a cru que la manipulation était le seul moyen de m'approcher. Il est simplement Damián, l’homme qui m’a montré que même les âmes perdues peuvent se retrouver.Je me rappelle de ces moments où je croyais que l’amour ne pouvait exister entre nous, où je croyais que nous n’étio
AerisJe me suis longtemps demandé si l’amour pouvait réellement être une force assez puissante pour briser les chaînes de la douleur, pour effacer les cicatrices du passé. Mais chaque jour qui passe à ses côtés, je réalise que la réponse n'est pas aussi simple. Damián est une contradiction. Il est l'homme qui m'a donné des promesses d'éternité, mais qui a aussi brisé tout ce que j'avais cru connaître du monde. Son amour est aussi intense que ses secrets, aussi profond que ses mensonges.Nous sommes là, dans l’obscurité d’une chambre qui respire encore la tension de nos derniers échanges. La lumière tamisée filtre à peine à travers les rideaux, et je suis perdue dans l'abîme de mes pensées. Est-ce que je devrais lui donner une chance ? Peut-être qu'il a changé, peut-être qu'il est capable de m'aimer véritablement. Mais à chaque pensée qui effleure mon esprit, je me rappelle de tout ce qu'il a fait. Je me rappelle des mensonges, de la manipulation, de cette sensation de me retrouver to
DamiánLe silence entre nous est lourd, presque palpable. Je peux sentir sa respiration irrégulière contre mon épaule, un murmure d’émotions qui cherche à s’échapper, mais se heurte à l’indécision. Aeris, cette femme complexe et belle, me brise à chaque instant. Elle est une énigme que je n’ai jamais pu résoudre, et je commence à douter si je veux réellement en connaître la solution. Elle a le pouvoir de m’échapper, de faire vaciller tout ce que j’ai construit, et pourtant, je suis incapable de me détourner d’elle.Elle pleure, et c’est moi qui ai causé cette douleur. Pas par malice, mais par la nécessité de mes choix. J’ai manipulé les fils de sa vie pour que ses yeux restent fermés, pour qu’elle ne voie pas la réalité de ce que j’étais, de ce que j’ai dû devenir pour survivre dans ce monde où tout est jeu de pouvoir et de manipulation. Et maintenant, tout ce que je peux faire, c’est la tenir, l’apaiser, espérer que l’amour que j’ai pour elle soit suffisant pour guérir les blessures
AerisJe suis assise dans l’obscurité de ma chambre, seule avec mes pensées. La lumière tamisée des bougies dansantes ne parvient pas à apaiser l’angoisse qui me ronge. Les échos de la bataille contre mon ombre résonnent encore en moi, mais ce n’est pas cela qui me tourmente. C’est la conversation que j’ai eue avec Damián, quelques instants après la défaite de l’entité obscure.Il m’a dit des choses que je n’ai pas voulu entendre, des vérités qui me frappent de plein fouet, et je ne peux les ignorer. Des vérités sur lui. Sur nous. Des révélations sur ce qu’il a vécu, sur les sacrifices qu’il a faits et sur les choix qu’il a dû prendre pour arriver là où il est aujourd’hui.Je me suis sentie envahie par un tourbillon d’émotions contradictoires, et il a vu l’hésitation dans mon regard. Il a vu cette étincelle de doute que je croyais cachée. Comment ne pas être bouleversée par les révélations qu’il m’a faites sur son passé, sur ses actions, sur les vies qu’il a prises pour s’assurer sa p
AerisL’énergie dans l’air vibre autour de moi, une chaleur presque insupportable qui semble brûler chaque particule de ma peau. La lumière que j’ai invoquée dans mes mains pulse, elle aussi, comme un cœur battant. J’ai senti la puissance, cette magie ancienne et sauvage qui me traverse, se mêlant à l’essence même de mon être. Ce n’est pas seulement de la magie. C’est la manifestation de tout ce que je suis devenue, tout ce que j’ai vécu.Et pourtant, face à l’ombre de moi-même, je me sens vulnérable, comme une petite flamme fragile face à un océan de ténèbres. Mais je refuse de reculer. Je refuse de laisser cette version déformée de moi m’envahir, de laisser cette obscurité détruire ce que j’ai construit avec Damián.Le sourire de la créature se tord, se fait plus menaçant. "Tu penses vraiment pouvoir m’échapper ? T’es-tu jamais demandé pourquoi tes ténèbres te suivent ? Pourquoi elles semblent toujours être un pas devant toi, comme une ombre qui ne se dissipe jamais ?" Sa voix, d’ab
AerisLa lumière vacille autour de nous, à peine suffisante pour dévoiler les contours du monde qui s’étend devant nos yeux. Les ténèbres ont été repoussées, mais l’air reste lourd, saturé de cette aura magique étrange. Le sol, autrefois solide et sûr, se transforme sous nos pieds en un terrain instable, fissuré, comme si le monde lui-même tentait de se rebeller contre notre victoire.Je me relève lentement, mes jambes encore tremblantes sous le poids de ce que nous venons de traverser. Le souffle m’arrache la gorge, une douleur sourde au creux de l’estomac. Ce n’est pas seulement la magie qui m’a épuisée. C’est cette bataille, cette guerre contre des ombres que nous pensions pouvoir contrôler. Nous avons gagné, oui, mais à quel prix ?Damián se tient à mes côtés, son regard sombre perdu dans l’horizon brisé. Il semble si distant, comme si la lutte de ce soir avait ouvert une brèche dans son âme. Pourtant, il ne dit rien, comme toujours, préférant le silence à tout autre moyen d’expre