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Home / Loup-garou / Une nuit de sang et de désir / Le nom qu'il ne dit pas

Le nom qu'il ne dit pas

2025-06-15 22:47:21

Chapitre 3 : Le nom qu’il ne dit pas

Isis, Leïla

Le matin est gris. Encore.

Mais cette fois, je me force à ouvrir les volets. La lumière du jour, même blafarde, est un rempart contre l’ombre qui me suit depuis deux nuits. J’ai mal dormi. Ou peut-être que je n’ai pas dormi du tout. J’ai attendu. Qu’il revienne. Qu’il frappe. Qu’il murmure encore mon nom.

Mais rien. Le silence.

Et ce silence, c’est pire.

Parce qu’il ressemble à l’attente.

Parce qu’il donne l’illusion que tout est normal, alors que rien ne l’est plus.

Je descends dans la cuisine, un café brûlant entre les mains. Mes doigts s’accrochent à la tasse comme si elle pouvait me retenir en ce monde. J’ai les yeux rougis. Les gestes trop mécaniques. Et surtout, cette boule dans la gorge qui m’empêche d’avaler. Je n’arrive même pas à goûter le café. Il est amer. Comme tout.

Je ne veux pas y penser.

Mais je ne fais que ça.

Il est là. Partout.

Dans mes pensées.

Dans ma peau.

Dans ce battement d’air qui fait frémir le rideau.

Alors j’envoie un message.

Viens. J’ai besoin de te parler. Urgent.

Leïla répond en moins d’une minute.

J’arrive. 20 minutes. Tu tiens ?

Non.

Mais je réponds quand même :

Oui.

Quand elle arrive, elle frappe à peine. Elle entre comme si elle sentait déjà l’urgence. Elle n’a même pas enlevé son manteau qu’elle me serre dans ses bras. Longtemps. Fort. Elle sent le froid, le dehors, le monde normal. Celui qui semble si loin de moi.

— Tu vas me faire peur, murmure-t-elle contre mes cheveux. Tu as une tête de film d’horreur, Isis.

Je ris. C’est bref, sec, presque douloureux.

— J’ai l’impression d’en être un. Ou d’en vivre un.

Elle se détache légèrement, me dévisage, puis hoche la tête comme pour dire je t’écoute.

On s’installe sur le canapé. Je tremble. Elle le remarque tout de suite. Ses yeux s’assombrissent. Elle prend mes mains dans les siennes, les frotte doucement.

— Raconte. Dis-moi tout.

Je fixe le mur un instant. Ce point fixe qui m’aide à ne pas vaciller. Puis je parle.

Je raconte tout. Le rêve. Le souffle contre ma joue. Le murmure de mon nom. Les réveils en sueur. L’impression d’être suivie. La bibliothèque. Le silence. La lumière dorée qui ne me rassure plus. Puis… lui.

Je parle lentement. Parce que chaque mot me coûte. Parce que les souvenirs sont encore trop brûlants. Comme sa présence.

Elle m’écoute sans rien dire. Pas une fois elle ne m’interrompt. Pas une fois elle ne me prend pour une folle. Elle hoche simplement la tête parfois. Ses doigts se crispent un peu quand je parle du contact, de la chaleur sur ma peau, de ses yeux qui semblaient pleins de choses qu’il ne disait pas.

Quand je termine, j’ai l’impression de m’être vidée. D’avoir retourné l’intérieur vers l’extérieur. Et pourtant, ce n’est pas un soulagement. Plutôt une mise à nu.

Leïla reste immobile. Son visage s’est fermé.

— Tu penses que c’est un rêve lucide ? demande-t-elle enfin, sa voix hésitante.

Je secoue la tête.

— Non. Je l’ai vu. Je l’ai touché. Il m’a parlé. Il m’a attendue. Et… il savait mon nom.

Elle fronce les sourcils.

— Tu ne le connais pas ?

— Jamais vu. Jamais entendu. Et pourtant, j’ai cette impression que… que je le connais depuis toujours.

Elle se lève, fait les cent pas, ses pas résonnant dans le silence tendu de la pièce. Je vois qu’elle essaie de ne pas paniquer pour moi. Je reconnais cette façon qu’elle a de respirer lentement, profondément, quand elle tente de rester rationnelle.

— Et tu dis qu’il a dit : “Ce n’était pas censé se produire” ?

— Oui.

Elle se retourne vers moi, son regard sombre.

— Isis… Tu crois au destin ?

Je fronce les sourcils.

— C’est censé me rassurer, ça ?

— Non. Mais je me demande si ce type… il n’est pas simplement humain.

Un frisson me parcourt. Je me redresse, plus droite.

— Pas humain ?

Elle s’assied lentement, le regard grave.

— T’as toujours attiré les choses étranges. Les gens, les rêves, les coïncidences… Peut-être que ça, c’est juste la suite logique.

Je veux protester. Mais quelque chose en moi sait qu’elle a raison. Je l’ai toujours senti. Des choses m’échappaient. Des sensations. Des visions. Des impressions que je ne savais pas nommer.

— C’est un peu tôt pour partir dans un délire surnaturel, non ?

— Peut-être. Mais je préfère ça à l’idée que tu es en train de perdre la tête.

Je souris faiblement. Ce genre de sourire qui vient avec l’épuisement.

— Merci, ça me rassure.

Un silence s’installe. Dense. Lourd. Même le tic-tac de l’horloge semble s’être arrêté.

Puis elle ajoute :

— Tu veux que je reste chez toi cette nuit ?

Je secoue la tête.

— Non. Je dois voir s’il revient.

Elle me fixe. Longtemps.

— Isis. Tu veux qu’il revienne ?

Je ne réponds pas.

Parce que la vérité, c’est que oui.

Oui, je veux.

Je veux le revoir. Je veux sentir à nouveau ce contact brûlant. Je veux comprendre pourquoi il me fixe comme s’il m’avait cherchée depuis toujours. Pourquoi il semble si proche. Si triste. Si dangereux.

Je veux savoir ce qu’il sait de moi que j’ignore encore.

— Isis…

— Je suis pas folle, Leïla.

— Non. Juste… marquée.

Elle me serre contre elle. Plus fort que tout à l’heure. Comme si elle voulait me protéger d’un ennemi invisible.

Et au creux de son épaule, dans un souffle que moi seule entends, une voix me traverse. Une voix grave. Lointaine. Venue d’ailleurs.

Isis…

Je me fige.

Et je sais.

Il m’a trouvée. Même ici. Même maintenant.

Il ne me quittera plus.

Et je ne sais pas encore si je dois en trembler…

…ou en frémir.

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