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Chapitre 2

Monsieur L m'a donc demandée de m'asseoir sur une chaise et a mis sur mon bras une petite machine reliée par un fil à son oreille. Son visage est devenu sérieux pendant une longue minute pendant laquelle je n'ai pas osé parler ni même respirer. Je commençais à manquer d’air quand il finit heureusement par se lever et est allé chercher une autre machine, puis encore une autre. Quand il a terminé son examen, il m'a regardée dans les yeux avec un petit sourire rassurant :

« Atalante, j'ai trouvé la présence d'une serrure en toi.

-Une serrure ?

-Oui. Un verrou magique qui bloquerait tes pouvoirs.

- Que fait-il là ?

-Tu l'as créé.

-J'ai fait quoi ?

-Tu as donné naissance à cette serrure. Tu n’es pas la seule dans ce cas. À la suite d’un traumatisme, de nombreux enfants enferment leurs pouvoirs dans des serrures comme celle-ci. Est-ce qu'il t’es arrivé quelque chose dans ton enfance qui aurait pu provoquer l'apparition de cette serrure ? »

J'ai secoué la tête automatiquement mais d’un coup j'ai su exactement quand j'avais installé cette serrure. Monsieur L a vu la réalisation sur mon visage et a souri tendrement.

« Pouvez-vous l'enlever ?

-Non, ce genre de serrure ne peut être ouverte que par toi mais d'après ce que je vois la serrure a été fissurée. Sûrement à la suite de ce dont tu as été témoin à ton université.

-Sûrement...

-Si tu veux l'ouvrir à tout prix je peux te guider mais c'est ta décision. Tu ne dois pas te sentir forcée. »

Il me fallut un moment pour réfléchir. Ma vie avait déjà changée alors je ne voulais pas revenir à ce qu'elle était avant. Je voulais de la magie. Je voulais me sentir originale. J’étais sûre de ma décision. J'ai hoché la tête. Sur ce, Monsieur L se leva et me dit de le suivre.

« Nous allons aller dans une pièce isolée. Parfois, l’ouverture d’un verrou peut provoquer une surtension et donc le corps essaie de l'expulser par tous les moyens. Ne t’inquiète pas, tu ne seras pas en danger. Mais les machines autour de toi pourraient. »

Nous sommes donc entrés dans une grande salle vide coupée en deux par un verre par balle. Arsène nous avait suivis sans un mot et alla aussitôt se placer derrière la vitre. Quant à moi, Monsieur L me conduisit jusqu'au seul meuble de la pièce. Je me suis assise sur le siège et il m'a dit de fermer les yeux. Une fois en sécurité derrière la vitre, Monsieur L me demanda :

« Tu m'entends bien ?

-Oui.

-Très bien. Alors pense à ce qui t’a poussée à mettre ce verrou en place. »

Je me suis figée. Je n'avais pas vraiment envie de partager ça avec eux.

« Ne t'inquiète pas, j'ai un diplôme en psychologie. Ce n'est pas la première fois que j'aide quelqu'un à ouvrir une serrure. Tu peux me faire confiance. »

J'ai essayé de me détendre dans mon siège. Je soupirai longuement. Ce n’était pas parce qu’il avait un diplôme que j’étais rassurée. Mon passé ne me regardait que moi après tout et je n’en avais jamais parlé à personne. Je soupirais de nouveau. De toute façon ils ne me connaissaient pas. Je me fichais de ce qu’ils savaient de ma vie.

« Une personne à qui je tenais énormément est morte. »

Je fus surprise de la facilité avec laquelle j’en parlais. Est-ce que j’étais bizarre ? C’était comme si je ne ressentais rien. Comme si je parlais simplement de la météo. J’étais un monstre.

« Ce jour-là, tout est devenu vide.

-Je vois... Avec la mort d'une personne importante pour toi tu as refusé l'existence de quelque chose de si beau et qui aurait peut-être même pu la sauver. »

Les larmes montaient mais je ne les laissais pas couler. Je fus même rassurée. Je n’étais pas bizarre. Je souffrais de sa disparition. Je le sentais.

« Mais maintenant, je me sens mal d'avoir oublié la magie à cause de ça. »

J’étais sûre qu’elle n’aurait pas voulu que je me referme sur moi-même. Elle avait été une personne magique à mes yeux.

« Quelqu’un dans votre entourage est-il détenteur de pouvoirs ?

-Peut-être elle l’était. Je ne me souviens pas clairement. »

Je me souvenais que chaque matin elle se levait avant moi et je la trouvais en train de se coiffer dans la salle de bain. Ses yeux brillaient dans la lumière de l’ampoule et je la regardais faire pendant un moment avant de lui dire bonjour. Je me souvenais aussi qu'elle me lisait Tarzan dans un fauteuil la nuit. Ou qu'elle me coupait des pastèques en été. Mais je ne me souvenais de rien d’autre. D'aucune magie. Tout était magique à ses côtés mais je n’avais pas vu d’objets voler etc. Peut-être qu'elle avait emporté la magie avec elle dans la tombe ... Mais je voulais m’accrocher à la magie à présent. Quelque chose au fond de moi m’y poussais et j’en devenais folle. Si j’avais des pouvoirs, ce serait comme si elle était toujours en vie.

J’avais de plus en plus de mal à retenir ma respiration alors je tournais la tête de l’autre côté. Elle me manquait tellement. Cela faisait si longtemps que je n’avais pas pleuré sa disparition. Que m’était-il arrivé ?

Soudain, je sentis une chaleur inconnue se propager de ma tête à tout mon corps. Puis j'ai été soudainement parcourue de vent. Oui de vent. Je n’avais pas de meilleurs mots pour décrire ce sentiment. Je le sentais couler dans mes veines en me chatouillant et je retenais un rire. J'ai à peine eu le temps de me rendre compte de sa présence qu'une énorme explosion s'est produite et que toute la pièce a volée en éclats.

Le verre s’est brisé, les murs se sont effondrés. Mais la poussière de l'explosion n'a pas eu le temps de retomber qu’elle s’est mise à tourbillonner autour de moi, à l’intérieur. Je ne savais pas ce qui se passait et je ne savais pas comment sortir de cette cage à poussière. Je criais pour savoir si Monsieur L allait bien mais je n'ai pas eu de réponse. Tout s’était passé tellement vite qu’il me fallut du temps pour m’en souvenir. Soudain, tout est devenu subitement sombre et je me suis réveillée peu de temps après dans un lit avec la tête lourde.

Arsène et une dame m'ont regardée me réveiller en silence. La dame m’a sourie et m'aida à m'asseoir avec douceur. Je me suis rendu compte que j'étais dans une sorte d'infirmerie et j'ai tout de suite demandé comment allait Monsieur L.

« Il va bien. Il s’est pris un débris et s'est évanoui instantanément mais il n'a rien de grave. Il s'est réveillé il n'y a pas longtemps.

-Ouf… Je suis rassurée. Que s’est-il passé ?»

La voix d'Arsène était beaucoup plus chaude qu'avant. J'avais l'impression qu'il était même curieux. Quoi que c’était dure à dire. Il n’était pas des plus expressifs. Peut-être même qu’il me détestait encore plus qu’avant. J’avais vraiment du mal à savoir alors que j’avais toujours été très forte pour lire les pensées des autres.

« Tu as fait exploser la pièce.

-Moi ?

-Yup. Tu as libéré une telle quantité d'énergie que même la salle renforcée n'a pas tenue le coup. »

Il a fait un geste vers mon poignet alors j'ai baissé les yeux et j'ai vu que je portais un bracelet en cuir épais.

« Je t’ai fait perdre connaissance après avoir passé la barrière de poussière et en ai profité pour te mettre ce bracelet.

-Qu'est-ce que c'est ?

-Il absorbe ta magie. Il te permet de t’habituer petit à petit et à apprendre à la contrôler. Comme ton bracelet absorbera de moins en moins tu deviendras maître de tes pouvoirs. »

Monsieur L a fini par venir me rendre visite et je lui ai présenté mes plus sincères excuses. Il ne semblait pas du tout en colère contre moi et m'a même proposée de venir dans cet institut tous les jours pour m'entraîner à utiliser mes pouvoirs.

Monsieur L a désigné Arsène comme volontaire pour m’aider alors il dut accepter. C'est ainsi que j'ai commencé à m'entraîner. Quand je n'avais pas de cours, je me rendais tous les jours dans ce bâtiment délabré pour essayer encore et encore de contrôler mes pouvoirs. Je progressais à grande vitesse mais ce n'était rien comparé à ma quantité totale de magie.

Arsène a été le plus patient possible et il y a eu des moments où je voulais l'étrangler mais je ne l'ai pas fait. Malgré son manque de diplomatie, il était vraiment là pour moi et dans cette période, je le vis plus que ma propre famille.

Nous sommes devenus amis quand même et mes autres amis me voyaient tellement avec lui qu'ils étaient convaincus que nous étions ensemble et ne voulaient pas me croire quand je leur ai dit que nous ne l'étions pas. J'ai donc décidé de les laisser croire. Ainsi, c'était plus facile d'expliquer pourquoi je le voyais tous les soirs. De plus, comme ils pensaient que j'étais en couple, ils avaient cessé de vouloir me forcer à me mettre en couple avec quelqu'un.

Ma fac a été attaquée une deuxième fois peu de temps après la première. Chaque fois que je pensais à Arsène, cet événement était la première chose qui me venait à l'esprit. Tout comme la dernière fois, il n'y avait eu aucun signe avant-coureur de l'attaque. J'étais assise dans une salle de conférence écoutant avec plus ou moins d'intérêt le cours lorsque les portes se sont ouvertes et cinq étrangers sont entrés à tour de rôle. Surpris d'être dérangé, le professeur se tut et tous les regards se tournèrent vers ces étrangers. Parmi eux se trouvaient trois femmes et deux hommes tous vêtus de couleurs variées n'ayant pas peur de se faire remarquer.

Deux d'entre eux sont restés près de l'entrée tandis que les autres s'avançaient et scannaient les étudiants à la recherche de quelqu'un. J'ai tout de suite su que cette personne était moi et ce sentiment s'est confirmé lorsqu'ils ont appelé mon nom.

« Atalante ? Nous savons que tu es ici alors ne nous fais pas perdre de temps et suis-nous. »

Je ne savais pas ce qu'ils me voulaient ou qui ils étaient mais quelque chose me disait qu'il valait mieux ne pas les suivre. Les étudiants qui me connaissaient me regardèrent perplexes alors que le professeur criait aux étrangers choqué de leur courage :

« Qui êtes-vous ? Nous sommes en plein cours et vous venez de nous interrompre. Je ne sais pas ce qui vous amène ici mais vous devrez attendre la fin de l'heure pour régler vos affaires. »

Les étrangers semblaient irrités par le professeur et je sentais que si je ne faisais pas quelque chose ça allait mal finir alors j'ai sauté sur mes jambes le fracas de mon siège retournant à sa place attirant tous les regards. En me voyant, les étrangers arborèrent un sourire plein de malice.

« Enfin. Si tu ne veux pas que nous blessions ce gentil professeur ou quelqu’un d’autre dans cette pièce, tu ferais mieux de nous suivre gentiment.

-Ne vous avisez pas de toucher à qui que ce soit. »

Ils rirent tandis que les étudiants et le professeur regardaient la scène en arrière-plan ne sachant vraiment quoi faire.

« Qu'est-ce que tu vas faire chérie ? Tu es en infériorité numérique. Allez sois sage et suis-nous sans faire d’histoires. »

J'ai souris.

« Comme si je n'avais pas le choix. »

Mon interlocuteur semblait frustré que je n'aie pas exprimé le moindre signe de peur devant eux et le ton a commencé à monter.

« Suis-nous tout de suite ou ton professeur perdra sa tête ! »

Accompagnant ses propos, la jeune femme prit position aux côtés du professeur. J'étais hors de ma rangée mais n'étais pas assez rapide pour atteindre le professeur en première. Je me figeai sur une marche, jaugeant l'inconnue du regard tandis que derrière moi j’entendis des cris étouffés.

« Lâche-le immédiatement. Ils n’ont rien demandé. C’est moi que vous voulez. »

L'inconnue rit.

« De toute évidence, tu n’es plus en position de donner des ordres. Sors de l’amphithéâtre et je libérerai ton gentil professeur. »

J'ai donc commencé à descendre les escaliers en levant les mains en signe de pais mais sans pour autant quitter la femme des yeux une seconde. Une fois arrivée au niveau de ses acolytes, le sourire de la femme s'élargit et je vis sa main bouger. Devinant ce qu'elle allait faire, je me dégageais de l'étreinte des acolytes et en un saut je me trouvais à la hauteur de la femme. Je lui ai tordu le bras et j'ai éloigné le professeur d'elle. La femme se dégagea de mon emprise et nous reculâmes pour être à une distance raisonnable l'une de l'autre.

Les deux hommes qui l'accompagnaient ont avancé vers moi pour m'entourer. Soudain, j'ai entendu les murmures dans les rangées et je me suis tournée vers le professeur. Mon cœur a raté un battement quand j'ai vu le sang. J'avais empêché la femme de lui trancher la gorge, mais une plaie épaisse s'étendait le long de son cou et si le saignement ne s'arrêtait pas rapidement, il allait mourir.

Je me suis tournée vers mes amis dans l'amphithéâtre et leur ai ordonné d'appuyer sur la plaie pour arrêter le saignement et d'appeler vite une ambulance. Mes amis se sont immédiatement levés et ont couru vers le professeur en prenant soin de passer le plus loin possible des assaillants.

À la vue du sang, de nombreux membres de l'amphithéâtre ont commencé à crier et à paniquer. Je ne pouvais pas m'occuper d'eux pour le moment. Sachant que le professeur était entre de bonnes mains, je devais maintenant m'occuper de ces cinq-là.

Voyant que je n'étais pas déterminée à les suivre, ils m'ont sautée dessus tous les trois en même temps laissant deux personnes derrière pour surveiller la porte par laquelle j'aurais pu m'échapper. Même si j'avais fait des progrès incroyables avec Arsène, je ne pouvais toujours pas bien contrôler mes pouvoirs et je risquais de blesser les élèves plus qu'autre chose si je les utilisais. Je me suis donc entièrement reposée sur mes connaissances en arts martiaux et j'ai projeté au sol deux des attaquants sans aucun problème.

Cependant, alors que j'étais concentrée sur eux, le troisième m'a touchée à la nuque et je me suis étalée au sol. J'ai immédiatement roulé sur le dos et j'ai esquivé son coup suivant avant de me lever. Visiblement désireuse de s'amuser, la jeune femme n'a pas non plus utilisé sa magie et s'est contentée de m'envoyer des coups plus puissants que les autres. Je les ai presque tous bloqués et j'ai fini par l'envoyer valser par la fenêtre avec un coup de pied retourné. Les deux personnes restantes ont décidé de jouer la valeur sûre et m'ont attaquée avec leurs pouvoirs.

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