Pierre voguait au sein d’un rêve indistinct. Une impression de douce quiétude, indicible et inconcevable, prévalait sans qu’il sache préciser pourquoi. Il se sentait enclos dans une bulle protectrice dont il refusait de sortir. La chaleur qui l’environnait participait à cette conjugaison d’éléments fragmentés qui berçaient son corps et son âme. Un sentiment d’intouchabilité, qui se transformait en anormalité au fur et à mesure que sa conscience malmenée refaisait surface.
Une première pensée cohérente frappa soudain son esprit, gâtant de son onde pernicieuse la béatitude où il évoluait. Il se rappelait sa chute. Le choc brutal de sa plongée dans la rivière, l’étau glacial qui s’était immédiatement refermé sur lui au point de lui couper le souffle. Ses vêtements gorgés d’eau et trop lourds, qui l’entraînaient inexorablement vers le fond. Son regard qui se perdait dans une nuit trouble et liquide, aussi sombre que le désespoir
Pierre s’aperçut alors qu’il se trouvait dans une vaste grotte aux parois incrustées de gypse et veinées de longs affleurements d’améthystes d’un joli violet clair. De gigantesques champignons bleus poussaient près d’une source d’eau limpide, tandis que très haut sous la voûte incurvée évoluaient des sortes de lucioles, qui constellaient la roche de la douce lumière clignotante d’un blanc rosé qui émanait de leur abdomen. Émerveillé, le jeune homme se redressa sur les coudes pour mieux admirer ces prodiges. Nul doute qu’il se trouvait en Féérie. Cette évidence ravivait sa curiosité, tout en étayant le bonheur incroyable qui lui arrivait. Près de lui, Gaëlle s’assit, remarquablement belle dans sa nudité impudique, que masquait à peine sa longue chevelure dénouée. Il se retourna complètement vers cette image envoûtante pour déposer un baiser gourmand sur sa hanche blanche. &n
Joachim repoussa discrètement les battants de la fenêtre qu’il venait de fracturer avant de se glisser subrepticement dans le couloir. Dissimulé par une encoignure, il jeta un œil prudent à droite et à gauche. De simples lampes à huile se répartissaient à intervalles réguliers sur les murs. Chichement éclairé, le corridor déroulait son sol de pierre dans une semi-pénombre propice à son intrusion. Il se félicita de son choix. Personne ne se trouvait à portée de vue. Par précaution, il avait décidé de suivre le chemin que les serviteurs empruntaient la journée. Comme il l’espérait, l’heure tardive rendait cette voie déserte. Sortant de sa cachette, il prit la direction qui s’enfonçait au cœur de l’édifice.&nb
Il approchait de la grande salle et les abords de celle-ci étaient toujours gardés. Il pensait progresser encore un peu en se dissimulant dans le couloir, quand une grille vint fort malencontreusement lui barrer le passage. Regardant autour de lui, il avisa sur sa gauche une porte étroite. Il n’avait plus le choix. Il devait s’engager en terrain découvert. Entrebâillant le battant, il jeta un œil de l’autre côté. Comme il l’espérait, il se trouvait au niveau de l’immense pièce centrale où le grand prêtre commémorait les offices sous l’égide de l’Étoile Céleste. Quarante énormes colonnes incrustées de pierreries soutenaient l’imposante coupole oblongue qui abritait le chœur de l’édifice. Taillé avec art, son verre dépoli d&eacut
Kalinda escalada le mur d’enceinte en utilisant ses mains d’assassin. Il faudrait qu’elle pense à remercier son amie Lindless pour ce prêt à son retour. Ces sortes de prothèses, solidement fixées à ses poignets, épousaient comme une seconde peau épaisse le dos de ses propres mains. Elles palliaient avantageusement son impossibilité de se servir de sa magie depuis qu’elle avait pénétré en territoire ennemi. Dotées de griffes rétractiles, elles faisaient plus communément fonction d’armes de défense. Elles étaient néanmoins bien pratiques pour vaincre les obstacles les plus hauts sans se faire remarquer. Avec elles, se faufiler au cœur du royaume des Fées devenait presque un jeu d’enfant. Agile comme un chat, la jeune
Incapable d’obtenir la réponse à cette nouvelle question, elle quitta à son tour de sa cachette. Impressionnée par le réalisme de l’aigle de jaspe sculpté, elle s’approcha lentement de l’autel pour regarder dans le coffret d’argent ciselé. Comme elle s’y attendait, un seul anneau reposait maintenant sur un coussin de soie. Baigné par la lumière lunaire, l’éclat de son or blanc chatoyait doucement. La délicatesse des motifs feuillus qui le composait suscita son admiration, et elle tendit la main avec une pensée déférente pour l’orfèvre qui avait façonné ce joyau. La bague était réellement magnifique. Infiniment plus belle que toutes celles qu’elle avait pu voir jusque-là. Les Fées avaient véritablement le don de d&eac
Joachim jubilait. En tant que membre consultatif du Grand Conseil, sa présence s’avérait souvent indispensable pour discuter de points de détails confidentiels. Il avait donc été tout naturellement convié à la réunion impromptue qui avait suivi l’annonce du report du mariage entre Aëlwenn et Pierre. Généralement, il adorait jouer les éminences grises, mais là, c’était plus son triomphe personnel qu’il espérait secrètement goûter. Comme l’immense majorité des invités, il avait appris la nouvelle par courrier spécial. Durant la nuit, un Mage Gris avait poussé l’audace jusqu’à s’introduire au sein du temple pour dérober les anneaux nuptiaux. Un affront qui ne resterait pas impuni, mais qui transformait en déconvenue monumentale ce qui augurait comme un jour de liesse. Simuler la surprise, feindre l’indignation avait été d’autant plus facile pour Joachim, qu’un élément imprévu était venu s’immisce
Accroupie derrière la balustrade de la galerie qui courait en haut de l’un des murs de l’allée centrale, Kalinda ne perdait pas une miette de ce qui se passait au-dessous d’elle. Cette réunion extraordinaire tombait fort à propos pour la tenir informée de l’avancée des recherches menées par ses adversaires. Elle aurait ri de leur échec et de leur incompétence, sans la découverte du piège évoqué par la future mariée. Cette histoire de charme l’inquiétait. Elle aurait dû se douter que des bijoux aussi magnifiques ne s’offraient pas impunément au premier venu. Si au moins elle savait à quoi elle devait dorénavant prendre garde. L’expression suspicieuse, elle regarda l’anneau à son doigt. Tout à coup, la facture exceptionnelle d
La bienveillance dont Aëlwenn faisait preuve envers Anaël n’étonnait pas Joachim. Elle agissait souvent ainsi avec les plus vulnérables. Autrefois, elle avait longtemps adopté la même attitude à son égard. Ce rappel à sa propre histoire éveilla sa jalousie, et il en voulut presque à l’orphelin d’occuper une place qui, un temps, avait été la sienne. Bien loin de se douter de cette ambivalence de sentiments, le jeune Fée promenait son doux regard bleu de façon un peu perdue sur l’assemblée. Depuis ses faits d’armes, Pierre était devenu son héros. Il comprenait mal le ressentiment du Grand Conseil à l’encontre d’un humain qui avait pourtant évité qu’une partie du royaume ne soit envahie. — Mais Pierre a amplement prouvé son dévouement envers nous, osa-t-il ajouter, en s’adressant piteusement à Almane, avouant ainsi son admiration. — C’est exact, Anaël. Mais Pierre