Les rues animées de Dakar scintillaient sous les lampadaires alors que Nafissatou, ou Nafi comme l’appelaient ses proches, avançait d’un pas rapide, son sac en bandoulière frappant légèrement sa hanche. Les bruits des klaxons et les cris des vendeurs ambulants formaient une symphonie familière, un chaos organisé dans lequel elle avait grandi.
Ce soir-là, elle avait rendez-vous avec Mamadou, son cousin préféré, dans un petit restaurant niché au cœur de la Médina.
Mamadou, toujours plein de projets – certains ambitieux, d’autres douteux – lui avait envoyé un message énigmatique :
“Nafi, j’ai une opportunité qui peut changer nos vies.
Rejoins-moi.”
Nafi n’était pas du genre à se laisser séduire facilement par les promesses de fortune. Mais après des années de petits boulots mal payés, elle commençait à se demander si elle ne passait pas à côté de sa vie. Elle rêvait de voyages, de liberté, et surtout, de sortir sa mère de la maison délabrée où elles vivaient depuis toujours.
En entrant dans le restaurant, elle aperçut Mamadou à une table au fond. Il lui fit un signe de la main, un large sourire sur le visage. Sa posture décontractée trahissait une certaine excitation.
— Tu es belle comme toujours, cousine. Prête à écouter l’idée du siècle ? demanda-t-il en se penchant vers elle.
— Dis-moi tout, mais je te préviens, je n’ai pas de temps à perdre avec tes plans farfelus, Mamadou, répliqua-t-elle en croisant les bras.
Il lui tendit une photo sur son téléphone. Un homme en costume impeccable, debout devant une immense villa, souriait à la caméra.
— C’est Amadou Diouf, l’un des hommes les plus riches de ce pays. Il possède des entreprises dans tout le Sénégal et même à l’étranger.
— Et alors ? Je ne vois pas le rapport avec moi, répondit Nafi, haussant un sourcil.
Mamadou se pencha davantage, baissant la voix.
— Il a une faiblesse : les belles femmes. Et toi, cousine, tu es sa perfection incarnée. Si on joue bien nos cartes, on peut lui soutirer une petite partie de sa fortune sans qu’il ne s’en rende compte.
Un silence pesant s’installa. Nafi fixa son cousin, cherchant à déceler s’il plaisantait.
— Tu veux que je séduise cet homme pour de l’argent ?
demanda-t-elle, sa voix teintée d’un mélange d’indignation et de curiosité.
— Pas juste pour de l’argent, Nafi. Pour changer ta vie.
Notre vie.
Elle détourna les yeux, son esprit tiraillé entre le désir de sortir de la misère et les implications morales de ce qu’il lui proposait. Mamadou la regardait avec insistance, convaincu qu’elle accepterait.
— Réfléchis-y, cousine. Mais souviens-toi : ce genre de chance, on ne l’a qu’une fois dans une vie.
Les mots de Mamadou tournaient en boucle dans l'esprit de Nafi alors qu'elle longeait les ruelles sombres de la Médina pour rentrer chez elle. Le bruit de ses chaussures contre les pavés semblait battre au rythme de ses pensées : Une chance... une fois dans une vie... changer ma vie.
Elle n'était pas naïve. Elle savait que séduire un homme comme Amadou Diouf ne serait pas un jeu d'enfant. Les riches étaient souvent méfiants, entourés de personnes prêtes à profiter d'eux. Mais elle ne pouvait pas nier que l'idée avait une certaine allure. Si elle réussissait, elle pourrait offrir une vie décente à sa mère, payer les soins médicaux de sa tante malade, et enfin poursuivre ses rêves.
En franchissant la porte de leur petite maison, Nafi retrouva sa mère, Fatou, assise sur une natte, en train de recoudre un vieux pagne.
— Tu rentres tard, ma fille. Tout va bien ? demanda Fatou sans lever les yeux.
— Oui, maman. Mamadou avait juste besoin de me parler.
Fatou acquiesça doucement, mais son visage fatigué reflétait les années de luttes silencieuses. C’était pour elle que Nafi considéra sérieusement le plan de Mamadou.
Cette nuit-là, allongée sur son matelas, elle fixa le plafond. Le visage de l'homme sur la photo lui revenait en mémoire :
Amadou Diouf, grand, sûr de lui, le genre d'homme qui attirait l'attention dans une foule. Si elle devait le séduire, il fallait qu'elle entre dans son monde. Mais comment une fille de la Médina pouvait-elle se frayer un chemin jusque-là ?
Le lendemain, elle retourna voir Mamadou.
— Si je décide de le faire, je vais avoir besoin de détails.
Beaucoup de détails. Qui il est, où il va, ce qu'il aime. Je ne vais pas me lancer dans quelque chose que je ne maîtrise pas, déclara-t-elle en s’asseyant face à lui.
Un sourire satisfait étira les lèvres de son cousin.
— Je savais que tu dirais oui, cousine. J’ai déjà commencé les recherches.
Il posa un dossier épais sur la table, rempli de coupures de presse, de photos, et même de documents confidentiels.
— Amadou passe souvent ses soirées dans un club privé à Mermoz. Il adore la musique live, surtout le jazz. Et il est un habitué des galas de charité. Si tu veux l’approcher, il faudra te transformer en femme de son monde. Élégante, cultivée, et surtout, inaccessible.
Nafi feuilleta le dossier, son cœur battant plus fort à chaque page. Amadou Diouf était plus qu'un homme riche. Il était influent, calculateur, et probablement dangereux.
— Et si ça tourne mal ? murmura-t-elle, un frisson lui parcourant l’échine.
Mamadou posa une main rassurante sur son épaule.
— Rien ne tournera mal si tu suis mes conseils. Fais-moi confiance, Nafi. On va réussir.
Mais pouvait-elle vraiment lui faire confiance ?
Les jours suivants, Nafi tenta de rester aussi discrète que possible. Les sorties se faisaient de plus en plus fréquentes, et Amadou continuait à la chercher, sans jamais se douter du plan qu’elle tissait autour de lui.Pourtant, chaque rencontre avec lui laissait une empreinte sur elle. Elle se retrouvait à mentir et à manipuler, à jongler avec ses sentiments et sa mission, tout en essayant de garder son masque intact.Un après-midi, alors qu'elle venait de rentrer après une autre rencontre avec Amadou, elle trouva sa mère dans la cuisine, occupée à préparer le repas du soir. Les arômes d’épices et de riz embaumaient la pièce, et l'atmosphère était chaleureuse, familière. Mais il y avait quelque chose dans l’air qui rendait l’instant un peu plus tendu que d’habitude."Tu es sortie encore ce matin, Nafi," dit sa mère, sans lever les yeux de sa tâche. "Tu ne m'as pas dit où tu allais. C'est presque tous les jours, maintenant. Il faudrait peut-être me dire ce que tu fais à l'extérieur,
La soirée avançait lentement, chaque minute semblant suspendue dans l'air. Nafi s’efforçait de rester calme, malgré l’agitation qui bouillonnait en elle. Amadou semblait plus détendu maintenant qu’il avait pris place sur le canapé, un verre de jus à la main. Il l’observait, comme s’il attendait qu’elle se confie. Mais Nafi savait qu’elle devait rester maîtresse de la situation, ne pas laisser tomber le masque qu’elle avait mis tant d’efforts à construire."Je trouve cet endroit... particulier," dit-il, balayant la pièce du regard. "Il y a quelque chose de mystérieux, de calme.C’est comme si cet appartement avait son propre caractère."Nafi sourit, répondant avec une légèreté étudiée. "C’est un endroit que j’apprécie beaucoup. Il m'apporte latranquillité que je recherche." Elle marquait une pause, luttant contre l'envie de tout dévoiler. "J’aime bien ça me permet d’échapper au quotidien, prendre du recul."Amadou la fixait, son regard plus pénétrant qu’auparavant, cherchant à percer
Les jours suivants la soirée au yacht-club, Nafi se retrouvait submergée par les événements. Chaque interaction avec Amadou, chaque regard qu'il posait sur elle, semblait lui rappeler à quel point son jeu devenait risqué. Elle savait que chaque pas qu'elle faisait vers lui la rapprochait du moment où elle devrait dévoiler la vérité, mais elle n'était pas encore prête.Ce matin-là, alors qu'elle se rendait au marché pour acheter des légumes, son téléphone vibra. C'était Amadou. Elle hésita un moment avant de répondre."Nafi, j’aimerais venir chez toi ce soir. Nous avons beaucoup à discuter, et je pense qu’il serait préférable de le faire en toute intimité. Dis-moi quand ça te conviendrait."Un frisson parcourut son corps. Elle savait que recevoir Amadou chez elle était tout simplement impossible. Non seulement l'endroit était trop modeste, mais il risquait de découvrir qu'elle n'était pas la femme qu'elle prétendait être. Elle n'avait ni l'appartement chic, ni la vie qu'il pensait qu'
La soirée battait son plein, et pourtant, Nafi se sentait de plus en plus étrangère au milieu de cette élite sénégalaise. Les conversations raffinées, les rires maîtrisés, les regards échangés… Tout semblait parfaitement orchestré. Mais sous cette apparence lisse, elle percevait des tensions invisibles, des sous-entendus qui lui échappaient parfois.Alors qu’elle tentait de se mêler à un groupe discutant d’investissements dans les énergies renouvelables, une main légère se posa sur son bras. Elle se retourna pour découvrir Monsieur Diallo, cet homme aux cheveux grisonnants qui l’avait abordée plus tôt.— Madame Diagne, pardonnez-moi de vous interrompre. Puis-je vous emprunter un instant ?Les autres s’écartèrent avec politesse, et Nafi se retrouva seule face à lui. Monsieur Diallo l’entraîna vers un coin plus tranquille de la pièce, près d’une sculpture imposante représentant une pirogue en bois.— Alors, dites-moi, madame, qu’est-ce qui vous a conduit à collaborer avec ces fameuses
Les jours qui suivirent leur rencontre au café furent marqués par une série d’échanges subtils entre Nafi et Amadou. Ils s’appelaient parfois, échangeant des banalités et quelques anecdotes personnelles. Chaque conversation semblait renforcer le lien entre eux, mais Nafi sentait qu’Amadou ne se livrait jamais complètement.De son côté, elle jouait parfaitement son rôle. Mamadou l’aidait à préparer chaque détail, chaque réponse, chaque geste. Pourtant, malgré son calme apparent, Nafi sentait un poids croissant sur ses épaules. Le jeu devenait de plus en plus complexe.Un matin, alors qu’elle se préparait à sortir pour un rendez-vous fictif qu’elle avait mentionné à Amadou, elle reçut un appel inattendu.— Nafi, c’est Amadou. Vous avez une minute ?Sa voix, calme mais autoritaire, la surprit.— Bien sûr, monsieur Diouf. Que puis-je pour vous ?— J’organise une réception privée ce vendredi soir, chez moi. Un petit rassemblement d’amis et de partenaires. J’aimerais que vous soyez là.Le
Nafi passa les jours suivants à réfléchir à sa prochaine étape. La carte de visite d’Amadou Diouf trônait sur la petite table de sa chambre, à côté d’une tasse de thé refroidie. Elle la fixait, le regard chargé d’un mélange d’appréhension et de détermination.Mamadou lui avait conseillé d’attendre avant de le contacter.— Tu ne veux pas avoir l’air trop pressée, cousine. Les hommes comme lui aiment les défis. Laisse-lui croire que c’est lui qui te cherche, pas l’inverse.Elle suivit son conseil, mais l’attente n’était pas simple. Chaque soir, elle repassait dans sa tête leur conversation au club. Elle se demandait si elle avait dit quelque chose qui aurait pu trahir ses intentions. Amadou était intelligent, cela se voyait dans son regard perçant. Mais il semblait aussi curieux d’en savoir plus sur elle.Un matin, alors qu’elle sirotait son café dans la cour, Mamadou arriva avec un sourire triomphant.— Bonne nouvelle, Nafi. Je crois qu’il t’a trouvée intéressante. Il a demandé à que