La lumière du matin baignait la Médina, mais pour Nafi, la journée commençait sous un autre éclairage : celui des néons froids d’un petit salon de beauté. Mamadou avait insisté pour qu’elle commence par soigner son apparence.
— Pour entrer dans le monde d’Amadou, il faut être irréprochable. Pas seulement belle, mais élégante.
Nafi soupira en observant son reflet dans le miroir craquelé.
Sa peau ébène, lisse et naturellement éclatante, était déjà une arme, mais Mamadou était convaincu qu’elle devait aller plus loin.
La coiffeuse s’approcha avec un sourire rassurant.
— Tu es déjà magnifique, ma sœur. Quelques touches ici et là, et tu seras prête à conquérir le monde.
Nafi laissa les femmes du salon s’occuper d’elle, transformant ses cheveux en une coiffure sophistiquée et appliquant un maquillage subtil qui rehaussait ses traits. Lorsque tout fut terminé, elle se redécouvrit.
Mamadou, qui l’attendait à l’entrée, écarquilla les yeux.
— Incroyable, Nafi. Même Amadou aura du mal à détourner le regard.
Mais il ne s’agissait pas seulement d’apparence. Mamadou avait aussi prévu de l’entraîner à se comporter comme une femme de la haute société.
— Tu dois marcher avec assurance, parler avec élégance et maîtriser des sujets de conversation variés.
Les jours suivants furent un véritable marathon. Mamadou l’emmenait dans des lieux qu’elle n’aurait jamais osé fréquenter seule : des boutiques luxueuses pour choisir des vêtements, des restaurants huppés pour observer les riches et leurs manières, et même des cours particuliers avec une professeure de diction qui lui apprit à moduler sa voix.
Nafi se sentit souvent ridicule, mais elle comprit vite que ce n’était pas un simple jeu. Pour réussir, elle devait devenir une autre version d’elle-même, une version capable de rivaliser avec les femmes qui gravitaient déjà autour d’Amadou.
Une semaine plus tard, vêtue d’une robe longue rouge qui épousait parfaitement ses formes, Nafi se tenait devant la grande porte d’un club privé à Mermoz. Mamadou lui avait donné un nom d’emprunt : Madame Diagne, consultante en affaires internationales.
— Tu es prête ? murmura Mamadou à ses côtés.
Elle inspira profondément et hocha la tête.
— Prête.
En entrant, elle sentit tous les regards se poser sur elle.
L’ambiance tamisée, le son d’un saxophone en arrière-plan, et les murmures admiratifs lui donnèrent une poussée d’assurance. Elle balaya la salle du regard, et son cœur rata un battement lorsqu’elle aperçut Amadou Diouf.
Assis près de la scène, un verre de jus à la main, il écoutait la musique, l’air absorbé. Il était encore plus impressionnant en personne : grand, bien bâti, et doté d’un charisme qui semblait commander l’attention de tous.
Nafi savait que c’était le moment. Elle ajusta son sourire et s’avança vers lui, chaque pas calculé, chaque mouvement empreint de grâce.
Elle arriva à sa table, feignant une hésitation.
— Excusez-moi, cette place est-elle libre ? demanda-t-elle doucement.
Amadou releva les yeux, un léger sourire sur les lèvres.
— Pour une femme aussi élégante ? Absolument.
Les mots de sa mère la frappèrent de plein fouet, mais elle n’avait pas tort. Le passé avec Mamadou, avec toutes les manipulations, tout cela semblait maintenant si lointain. Elle avait fait son propre chemin. Et même si une part d’elle était encore attachée à ce cousin, à cette complicité qu’ils avaient eue dans le passé, elle savait que sa vie ne dépendait plus de lui.Nafi prit une profonde inspiration, regardant son fils qui dormait tranquillement. Il était la seule chose qui comptait maintenant. Elle se détourna, un air de résolution dans le regard.« Je dois laisser tout ça derrière moi, maman. Mamadou a fait ses choix. Moi, je vais avancer pour mon fils. C’est tout. »Sa mère lui sourit doucement, fière d’elle.« C’est ce que j’espère, ma fille. Avance, avec la tête haute. Le passé ne doit pas définir ton avenir. »Nafi hocha la tête, ses pensées tournées vers l’avenir, elle avait tout révélé à sa mère un soir. Les liens du passé avec Mamadou se dénouaient peu à peu, laissant p
Les premiers jours chez sa mère avaient été difficiles, mais peu à peu, l’atmosphère dans la maison se radoucit. Sa mère, après avoir observé son comportement et la manière dont elle s'occupait de l'enfant, commença à tempérer ses reproches. Nafi ne se laissait pas abattre ; elle avait pris la décision de se concentrer sur son travail et d’offrir le meilleur avenir possible à son fils. C’est dans ce contexte que sa mère, un soir, vint lui parler calmement."Nafi", dit-elle d'une voix plus douce que d'habitude, "je sais que tu as eu tes erreurs, mais je vois que tu essaies de reprendre ta vie en main. Tu te donnes à fond pour ton bébé, et c’est ce qui compte. Je pense qu’il est temps que tu rentres à la maison, là où tu peux vraiment t’organiser. Je peux t’aider avec le bébé pendant tes heures de travail. Ce sera plus facile pour toi."Nafi resta silencieuse, surprise. Elle avait envisagé ce retour à la maison, mais elle n’osait pas franchir le pas. Elle savait qu’il y avait eu des ten
Un après-midi, alors qu'elle venait de rentrer du travail et était en train de préparer le dîner pour son fils, Nafi reçut un appel inattendu. C'était sa mère. La voix de cette dernière, d'abord hésitante, perça les silences de l’appel."Nafi… tu es là ?"Nafi, légèrement surprise, répondit d’un ton calme mais curieux :"Oui, maman, je suis à la maison. Que se passe-t-il ?"Un silence s’installa pendant un instant, avant que sa mère ne reprenne la parole, cette fois avec une douceur inhabituelle :"Je voulais t’inviter à venir me rendre visite, un de ces jours. On pourrait passer du temps ensemble. Je sais que les choses n'ont pas été simples entre nous, mais… peut-être qu'on pourrait essayer de reprendre un peu de lien."Nafi resta un moment silencieux. Un mélange d’émotions s’empara d'elle. La relation avec sa mère n’avait jamais été facile. Les reproches, les silences pesants, les jugements, avaient souvent érigé des barrières entre elles. Mais au fond de son cœur, Nafi savait que,
Les jours passèrent, et Nafi s’adapta progressivement à son nouveau travail. Même si chaque journée semblait être un défi, entre le bébé, les tâches ménagères et l’inquiétude constante pour l’avenir, elle commença à ressentir une forme de stabilité. Son petit salaire, bien que modeste, lui permettait de respirer un peu plus facilement. Elle parvenait à payer les factures sans s'endetter davantage, et pour la première fois depuis longtemps, elle ne se sentait pas totalement impuissante.Mais les difficultés étaient loin d'être terminées. Un soir, après avoir mis son fils au lit, Nafi se retrouva face à son reflet dans le miroir. Elle observait les traits fatigués de son visage, les yeux légèrement cernés, et se demandait combien de temps elle pourrait tenir à ce rythme. La culpabilité de ne pas avoir pu offrir à son enfant la vie qu'elle lui avait rêvée la rongeait.Elle pensa à sa mère, qui l’avait mise à la porte, et à la manière dont la relation avec elle était restée tendue. Nafi s
Nafi se rendit chez sa mère, mais elle se retrouva devant une porte fermée. Sa mère n’était pas là, et la solitude la saisit de nouveau. Elle hésita, se demandant si elle avait fait le bon choix, mais les derniers mois avaient effacé beaucoup de ses doutes. Elle avait besoin de soutien, même si c’était difficile à accepter.Elle s’assit un moment, le bébé endormi dans ses bras, observant le ciel qui commençait à se teinter d’orange. Elle savait qu’il était inutile de s’apitoyer sur son sort. Elle n’avait plus de temps pour ça. Elle se leva, décida de continuer à avancer, malgré les épreuves. Mais elle ressentait un vide, un poids. Peut-être un jour, elle trouverait une oreille attentive, quelqu’un pour partager un peu de son fardeau. Mais aujourd’hui, tout ce qu’elle pouvait faire, c’était tenir bon et prendre soin de son enfant.***Pendant des heures, Nafi resta là, assise sur le lit, les yeux fixés sur son bébé, se demandant ce qu’elle allait devenir. Les paroles de sa mère en la m
À l’hôpital de maternité, les murs blancs et les bruits de couloirs ne semblaient rien atténuer de la douleur qui la traversait, mais Nafi restait concentrée, sans jamais laisser une larme perler. Elle se battait pour cette vie qui grandissait en elle. La sage-femme et les médecins étaient là, mais leurs voix étaient presque des échos à travers le brouillard de la souffrance. À chaque contraction, Nafi se concentrait uniquement sur un seul but : pousser.L'heure arriva enfin. Dans une ultime poussée, un cri déchira la nuit. Le cri d’un bébé. Son bébé. Nafi sentit un déchirement dans son corps, mais aussi une légèreté infinie. Elle avait donné naissance. Un souffle s’échappa de ses lèvres alors que ses yeux se fermèrent un instant, épuisée, mais sereine.Lorsqu’on lui posa son bébé dans les bras, Nafi hésita un instant. Ce petit être, avec sa peau douce et son regard qui cherchait déjà à comprendre le monde, c’était son tout. Ses yeux se remplirent de larmes, mais cette fois, elles éta