MasukDianeLa nuit s’étire, un désert de larmes salées et de draps froids. Je pleure jusqu’à épuisement, jusqu’à ce que mes yeux soient brûlants et secs, jusqu’à ce que ma gorge soit une plaie rugueuse. Je pleure Liam. Je pleure mon père, quelque part, ignorant tout. Je pleure la femme que j’étais avant d’être amenée ici, une femme dont le visage commence à se brouiller dans ma mémoire.L’aube filtre enfin à travers les lourds rideaux, grise et lâche. Je suis allongée sur le côté, les yeux ouverts, fixant le mur. La fatigue est un poids de plomb dans chaque os, dans chaque muscle. Une torpeur morne a remplacé la tempête. Je n’ai plus de larmes. Il ne reste qu’un résidu, un calcaire émotionnel qui pèse sur mes paupières.La porte de la chambre s’ouvre sans un bruit.Je ne bouge pas. Je ne tourne même pas la tête. J’entends ses pas feutrés sur le tapis, s’approchant du lit.Il s’arrête à côté de moi. Je perçois son regard sur mon dos, sur la nuque que je lui offre, une cible passive.— Debou
DianeD’un mouvement fluide et d’une force qui me coupe le souffle, il se lève de son fauteuil, me tirant avec lui. Il me force à me relever, puis, d’une torsion sèche de mes poignets, il me fait pivoter et me plaque le dos contre son torse, mes bras toujours tordues derrière moi. Sa poitrine est un mur contre mon dos. Son souffle est chaud contre mon oreille.— La pulsion est compréhensible, chuchote-t-il, sa voix un velours dangereux. Après la nuit que tu as eue. Mais c’était stupide. Tu n’es pas une tueuse. Tu es une petite fille en colère avec un jouet.Le mépris dans sa voix est pire qu’un coup. Il me détache le couteau des doigts engourdis. Je l’entends tinter lorsqu’il le jette négligemment sur la table basse.— Tu vois ? poursuit-il. Même endormi, je suis plus fort que toi. Même désarmé, je te contrôle. Tu ne pouvais pas gagner. Tu ne gagneras jamais.Il relâche soudainement une de mes mains, mais seulement pour enrouler son bras autour de ma taille, m’enserrant contre lui. So
DianeL’aube est une trahison. Elle n’apporte pas la lumière, seulement des nuances de gris, détaillant avec une cruelle précision la scène de mon emprisonnement : les dorures froides, les étoffes luxueuses qui étouffent, la silhouette assoupie du monstre dans son fauteuil. Son souffle est régulier, profond. Un ronflement léger, presque humain, s’échappe de ses lèvres. Cette normalité est la pire des insultes.Mon corps est toujours allongé sur le lit, immobile comme un gisant. Mais à l’intérieur, tout est mouvement frénétique, un tourbillon silencieux qui brasse les cendres de Liam et les forge en une lame unique, en un besoin irrépressible et primal. La hâte, soudain, est tout. L’idée d’attendre un jour de plus, une heure de plus, dans cette bulle où son odeur, son souffle, son simple existence souillent l’air, est insupportable.Le plan n’en est pas un. C’est une pulsion. Une faille dans le mur de glace que je viens de construire. La créatrice de vengeance est brièvement submergée
DianeMais ce n’est pas la fatigue ou l’horreur qui frappent. C’est l’expression. Ou plutôt l’absence d’expression. Le visage est lisse, comme sculpté dans de l’albâtre. Les yeux, pourtant immenses, ne reflètent rien. Ils regardent, ils absorbent, mais ils ne rendent rien. C’est le regard d’un prédateur qui a vu son propre reflet dans le sang.Je fais couler l’eau dans le bassin en or massif. Elle est brûlante. Je trempe une serviette en lin fin et je commence à frotter. Je frotte mon genou d’abord, avec une énergie méthodique, jusqu’à ce que la peau soit rouge et irritée, jusqu’à ce que la dernière trace de lui ait disparu. Puis je nettoie mon épaule, la morsure. La douleur est vive, précise. Je la ressens comme une délimitation. Ici, c’est la blessure de Volkov. Ici, c’était le sang de Liam. Je les sépare. Je les catalogue.Je ne prends pas de bain. L’immersion serait trop intime, trop proche du pardon. Je me lave au gant, debout, comme un soldat après une bataille. Chaque mouvement
DianeLe silence après le coup de feu est une entité vivante. Il s’installe, dense, lourd, remplaçant l’air même. Il absorbe le dernier écho de ma propre voix brisée, les grognements des gardes, le souffle de Volkov. Il s’accroche aux murs capitonnés, aux tentures de soie, et le rend tout sourd, étouffé, irréel.Mes genoux sont incrustés dans le froid implacable du marbre. La sensation, tranchante et nette, est la seule chose réelle. Elle m’ancre à cet instant, m’empêche de basculer dans le néant où mon esprit voudrait fuir. Devant moi, la forme de Liam. Je ne le regarde pas. Je ne peux pas. Si je regarde, ce sera vrai. Alors je fixe la jonction entre deux dalles, une fine ligne de mortier gris.Le sang, cependant, ne demande pas la permission. Il avance, lent, inexorable, traçant un chemin sinueux dans les veinures blanches du marbre. Un lacet sombre et brillant qui cherche son chemin vers le vide. Bientôt, sa lisière touche ma peau. Une chaleur visqueuse, intime, se répand contre mo
DianeLes coups pleuvent, méthodiques, professionnels. Ils ne visent pas à assommer tout de suite, mais à faire mal. À humilier. Un genou dans le ventre. Un coup de pied derrière le genou qui le fait s’effondrer sur le sol en marbre. Ils le relèvent pour mieux le frapper encore. La tête de Liam se balance d’avant en arrière sous les impacts. Le bruit des poings sur la chair, des os qui craquent, est horriblement intime.— S’il vous plaît ! Arrêtez ! Je vous en supplie ! Je hurle, je pleure, je me tords dans l’étreinte de Volkov. Mes cris résonnent dans la suite immense, se mêlant aux grognements sourds des coups et au souffle rauque de Liam.Liam ne crie pas. Il encaisse en silence, les yeux mi-clos, le regard parfois perdu, parfois trouvant le mien dans un éclair de conscience. Et dans ce regard, à travers la douleur, je vois quelque chose qui achève de me déchirer : pas de reproche. Une étrange pitié. Comme s’il voyait que ma souffrance, à cet instant, était pire que la sienne.— Tu







