LOGINGrâce
Il m’épuise.
Ou peut-être que c’est moi, qui m’épuise à lui résister.
À faire comme si tout allait bien.
Comme si rien ne vibrait, rien ne frôlait, rien ne tremblait.
Mais tout tremble.
Il est partout.
Dans le couloir quand je sors de la salle de bain.
Dans la cuisine quand je pense être seule.
Sur le canapé quand je reviens avec un livre en main, espérant un peu de calme.
Dans le reflet des vitres. Dans les ombres des pièces que je traverse.
Toujours là. Toujours précis. Toujours mesuré.
Je ne peux plus respirer normalement quand il entre dans une pièce.
Je retiens mon souffle. Je ralentis mes gestes.
Mon corps devient terrain miné.
Ce matin, j’ai voulu le devancer.
Je suis descendue tôt. Avant le chant des oiseaux, presque. Les rideaux flottaient encore entre nuit et jour.
Juste un thé. Juste un instant à moi. Rien de plus.
Mais il était déjà là.
Assis. Décontracté. Sa tasse entre les mains. Un calme étudié.
— Tu t’es levée tôt.
Sa voix. Inadmissiblement douce.
— Toi aussi, ai-je dit, sur la défensive, en m’occupant du moindre geste comme d’un refuge.
Il n’a pas insisté. Il a juste tendu la bouilloire, avant même que je la cherche.
Un détail. Un geste. Il sait.
Il sait ce que chaque mouvement provoque en moi.
Et il s’en sert. Pas pour me conquérir. Non.
Pour me dérouter. M’éroder. Me fissurer doucement.
Je me suis assise à la table. Loin. Pas trop. Juste assez.
J’ai bu mon thé.
Lui aussi. En silence.
Mais ce silence… ce n’était pas une paix. C’était une vibration contenue. Une tension saturée.
Puis, alors que je me levais pour partir, il a murmuré presque trop bas pour être entendu :
— Tu es encore plus belle quand tu fais semblant de ne rien sentir.
Mon cœur a arrêté de battre pendant une seconde.
Je ne me suis pas retournée. Je ne devais surtout pas.
Mais j’ai senti mon sang, partout. Mon souffle se rompre.
Et ma culpabilité s’infiltrer sous ma peau comme une sueur glacée.
Je suis montée sans répondre.
Mais mes jambes tremblaient.
Et ce n’est que dans ma chambre, la porte close, que j’ai laissé couler les larmes.
Pas pour lui.
Pour moi.
Parce que je n’ai rien dit.
Et parce qu’au fond… je ne veux pas qu’il s’arrête.
Florent
Elle se bat.
Mais de moins en moins.
Je le lis dans chaque battement de cils, chaque respiration retenue, chaque posture trop rigide.
Elle garde la tête haute, mais son corps parle pour elle.
Il ralentit quand je suis là. Il frissonne à mes mots. Il me fuit… mais reste.
Elle croit que je veux l’avoir.
Elle ne comprend pas encore que ce n’est pas ça.
Je veux la décaler.
Je veux la faire chanceler d’elle-même.
Je veux qu’elle me donne sa chute, pas que je la lui prenne.
Aujourd’hui, j’ai avancé d’un pas.
Noura voulait une sortie. Des boutiques. De la lumière.
Silvio a prétexté un appel. Grâce a hésité. Elle a presque trouvé une excuse.
Mais Noura l’a happée avec enthousiasme.
Et moi, je me suis glissé dans la faille.
Une balade à quatre.
Des vitrines, des éclats de voix, des blagues légères.
Et moi, juste derrière elle.
À quelques centimètres.
Je ne l’ai pas touchée.
Mais je sais qu’elle m’a senti.
Son dos était droit, trop. Ses bras croisés comme un rempart.
Et quand nos regards se sont croisés par hasard dans la vitre d’un magasin, elle a détourné les yeux… trop lentement.
Dans la boutique de vêtements, j’ai su que le moment était là.
Elle a choisi un manteau, presque machinalement.
Elle l’a essayé.
Et s’est tournée vers le miroir.
J’étais juste derrière elle.
Et là… tout s’est suspendu.
Nos regards se sont croisés dans le reflet.
Elle a tressauté.
Mais elle n’a pas bougé.
Je n’ai pas parlé. Pas un mot.
J’ai regardé. Sa nuque. Le creux entre ses épaules. La lenteur de ses doigts sur les boutons.
Son souffle légèrement coupé.
Je l’ai vue se voir à travers moi.
Et elle n’a pas fui.
Pas cette fois.
Grâce
C’était quelques secondes. Peut-être moins.
Mais je me suis vue à travers ses yeux.
Et c’était insupportable.
Et délicieux.
Il ne m’a pas touchée.
Mais c’est comme s’il l’avait fait.
Je me suis sentie nue.
Exposée.
Et j’ai compris que je n’avais plus de force pour reculer.
Je suis ressortie la première, sans même attendre les autres. J’ai dit que j’avais besoin d’air.
Mais c’était un mensonge.
Je n’avais pas besoin d’air.
J’avais besoin de distance.
Et il n’y en avait plus.
Florent
Elle vacille.
Elle est encore debout, oui. Mais elle tangue.
Je n’ai rien précipité. Je ne précipiterai rien.
Je veux qu’elle vienne à moi comme on glisse dans une mer trouble, les pieds d’abord, puis le ventre, puis la tête.
Sans s’en rendre compte.
Et quand elle s’apercevra qu’elle est immergée…
Il sera trop tard pour revenir à la surface.
Je suis patient.
Je suis cette faille.
Et elle…
Elle est déjà en train d’y vivre.
LinaLe regard d'Ervan me transperce avant même que ses doigts ne frôlent ma joue. Nous sommes dans ma chambre, l’air épais, chargé de cette tension qui ne nous quitte jamais. Les murs semblent trop proches, le lit derrière moi trop présent. Lui, debout à quelques centimètres, les épaules raides sous sa chemise impeccable, la mâchoire verrouillée comme s’il retenait quelque chose de brutal. Moi, dos contre le mur, la robe collée à ma peau moite, le cœur battant à un rythme qui n’a rien de normal.Il se penche vers moi. Je sens son après-rasage, bois et épices, cette odeur sombre qui me fait toujours vaciller.— Ne fais pas ça.Sa voix râpe ma nuque. Un doigt glisse sur ma joue, lentement, jusqu’à mon menton qu’il relève sans douceur, m’obligeant à croiser son regard.— Pas maintenant.Je détourne les yeux. Pas par provocation. Parce que s’il me regarde trop longtemps, il verra tout. La colère. Le désir. Cette guerre qui me déchire.— Je ne fais rien.Je mens. Ma voix tremble. Il le sa
LinaIl grogne contre ma peau, le son vibrant contre mon sein, avant de passer à l’autre, lui offrant le même traitement. Mes cuisses se serrent l’une contre l’autre, désespérées, mais c’est pire que tout. Le frottement du tissu de ma culotte contre mon clito déjà gonflé me fait presque jouir sur-le-champ.— Tu es si réactive, murmure-t-il en relevant la tête, ses lèvres brillantes de salive. Comme si tu avais attendu ça toute ta vie.Je ne réponds pas. Je ne peux pas. Parce que c’est vrai.Ses mains glissent le long de mon ventre, tracent des motifs invisibles sur ma peau, avant de s’arrêter à la taille de ma culotte. Il hésite une seconde, une seule, avant de tirer d’un coup sec. Le tissu se déchire presque. Je sursaute, mais il est déjà à genoux devant moi, ses doigts agrippant mes hanches pour m’empêcher de reculer.— Regarde-moi, ordonne-t-il.J’obéis.Et puis sa bouche est là.Sa langue me lèche d’un seul coup, large, plate, du bas de ma fente jusqu’à mon clito, et je crie. Vrai
LinaLa pénombre enveloppe ma chambre comme un voile épais, filtrant les derniers rayons du soleil couchant à travers les rideaux tirés. L’air est lourd, chargé d’une tension électrique qui me fait frissonner malgré la chaleur étouffante. Je suis assise sur le bord du lit, les doigts crispés sur le tissu froissé de ma robe d’été, trop légère, trop transparente. Pourquoi je l’ai mise, celle-là ? Une question stupide. Je connais la réponse. Parce que je savais. Parce que je l’ai voulu.La porte s’entrouvre sans un bruit, comme si le bois lui-même retenait son souffle. Mes épaules se raidissent, mais je ne me retourne pas. Je ne peux pas. Pas encore. Pas avant qu’il ne soit trop tard pour reculer.Ses pas sont feutrés, presque imperceptibles, mais je les sens vibrer dans chaque terminaison nerveuse de mon corps. Il s’approche. L’odeur de son parfum, boisé, épicé, avec cette pointe de tabac froid qui me fait toujours tourner la tête, m’enveloppe avant même que ses doigts n’effleurent mon
EvanJe mens avec une facilité déconcertante. C’est devenu une seconde nature. Mentir à Jade est comme respirer. Mentir à Lina… c’est un sport. Un art. Elle, au moins, sait que je mens. Elle voit les ficelles. Cela rend le jeu bien plus excitant.Je l’ai observée ce matin. Les cernes sous ses yeux. La pâleur de son visage. La façon dont elle évitait tout contact, même visuel. Elle est détruite. Pas par la violence, mais par la révélation. La révélation de sa propre faiblesse. De son désir pour le loup dans la bergerie.C’est parfait.La fragiliser était nécessaire. Maintenant, elle sait. Elle sait qu’elle n’est pas aussi forte qu’elle le croit. Qu’elle n’est pas immunisée contre moi. Le mépris est toujours là, je le sens. Mais il est mêlé à la peur, et à quelque chose d’autre… de la fascination. Une fascination répugnée, mais réelle.Le plan initial reste le même : protéger mon image, mon couple avec Jade, mon intégration dans cette famille confortable. Lina était une menace. Elle l’e
LinaLe soleil perce à travers les lattes des volets, striant le lit de bandes de lumière crues. Je suis éveillée depuis des heures, immobile, les yeux grands ouverts fixant le plafond. Mon corps est un champ de ruines. Chaque muscle est douloureux, chaque nerf à vif, comme si on m’avait battue. Mais les pires blessures sont invisibles. Elles brûlent à l’intérieur, honteuses et profondes.La nuit a été un long cauchemar de veille. Chaque fois que je fermais les yeux, je le revoyais. Sa silhouette dans l’ombre. Sa main sur ma peau. La chaleur de sa langue. Le son de ma propre voix, brisée par le plaisir. Je me suis levée à l’aube pour prendre une deuxième douche, froide celle-là, frottant ma peau jusqu’à ce qu’elle soit rose et douloureuse, essayant de me laver de lui. En vain. La sensation est gravée. L’odeur de son savon, mêlée à celle de mon propre désir traître, semble imprégnée dans les murs.Un bruit dans le couloir. Des pas légers. Jade.Mon cœur se serre à s’arrêter. La culpabi
LinaLe retour est un brouillard. La voiture de Théo, l'odeur de son après-rasage trop doux, le bruit du moteur… tout semble étouffé, lointain. Mon corps est encore une plaie vive, chaque nerf vibrant du choc de la confrontation avec Evan. La victoire dans les toilettes du bar a un goût de cendres. C’était une retraite, pas une défaite pour lui. Je l’ai senti.Devant ma porte, Théo me sourit, doux, prévisible. Il se penche et pose ses lèvres sur les miennes. C’est un baiser gentil, pressant, plein d’une intention tendre. Je devrais m’y accrocher. Je devrais y chercher un refuge, un antidote. Mais mon sang reste de glace. Ma peau est sourde. Il n’éveille rien, si ce n’est une vague gratitude teintée de culpabilité. Je réponds par politesse, par devoir, par l’espoir fou que quelque chose, enfin, s’enflamme.— À demain, Lina ? murmure-t-il contre ma bouche.—À demain, Théo.Je monte l’escalier, chaque marche un poids supplémentaire. La maison est silencieuse, endormie. La chambre de Jade







