LOGINFlorent
C’est imperceptible, mais ça commence.
La faille.
Elle n’explose pas. Elle ne crie pas. Elle s’élargit doucement, comme une fissure sous la peinture, invisible à l’œil nu mais mortelle sur le long terme.
Et moi… j’attends.
Je ne précipite rien. Je ne force rien. Je laisse faire. Parce que je sais que certaines choses ne se prennent pas.
Elles se laissent tomber, lentement, entre vos mains. Comme une évidence. Comme un fruit trop mûr.
Grâce est ce fruit.
Elle lutte, bien sûr. Elle est pleine de principes, de droiture. Elle veut être bonne, fidèle, loyale. Mais la vérité, c’est qu’elle est en train de dériver. Et que personne autour ne le voit.
Sauf moi.
Et je l’admire presque pour ça : elle ne se rend pas. Elle ne cède pas. Pas encore.
Mais chaque jour, elle s’éloigne un peu plus de ce qu’elle croit être.
Et moi, je suis là, à la frontière.
À l’endroit exact où elle vacille.
Silvio, lui, commence à sentir.
Je l’ai vu, au restaurant.
Son regard posé sur moi, par éclairs. Sa main un peu plus ferme sur la taille de Grâce. Son dos un peu plus droit, comme un réflexe animal.
Il doute.
Mais il ne dit rien. Pas encore. Il est de ceux qui retardent l’inévitable. De ceux qui préfèrent la paix apparente à la guerre du vrai.
Et c’est parfait.
Parce que moi, j’avance dans son silence.
Je ne fais pas d’erreurs.
Je ne la touche pas. Je ne suis jamais seul avec elle trop longtemps. Je ne provoque rien d’ouvertement condamnable.
Mais je la vois. Et elle sait que je la vois.
Et ça suffit.
Ce matin.
Elle était dans la cuisine, de dos. Un pull trop large. Les cheveux attachés en une queue souple. Pieds nus.
Elle tournait machinalement sa cuillère dans une tasse vide. Comme si elle cherchait à se raccrocher à un geste ordinaire.
J’ai attendu quelques secondes dans l’embrasure de la porte. Juste pour la voir. Pour sentir son trouble avant même qu’elle ne m’entende.
Puis je suis entré.
— Tu veux du café ? ai-je demandé.
Elle a sursauté.
Juste un tressaillement d’épaule, une crispation de la nuque. Mais c’était là. Le corps parle toujours avant la bouche.
— Oui… merci, a-t-elle murmuré.
Je l’ai servi doucement. Sans la regarder, mais en sachant qu’elle, si.
Je connais ses silences. Ils vibrent. Ils parlent pour elle.
Je lui ai tendu la tasse. Elle l’a prise à deux mains, ses doigts frôlant les miens. Contact trop court pour être suspect. Trop long pour être neutre.
Je me suis accoudé au plan de travail.
— Tu dors mal.
Elle a hoché la tête, presque imperceptiblement.
— Ça se voit.
Un blanc.
— Tu veux que je t’aide ?
Elle a relevé les yeux, cette fois.
Ce regard. Ce foutu regard. Il contient tout : la peur, le refus, la soif, le refus du refus.
— Arrête, Florent.
Je n’ai pas bougé. Je n’ai pas répondu. Je l’ai laissée entendre son propre aveu dans le "arrête".
Elle aurait pu dire : "Ne recommence pas", "Tu te fais des idées", "Tu me déranges".
Mais elle a dit "arrête".
Comme si j’étais déjà en elle. Comme si ce que je déclenche était déjà actif, déjà réel.
Je me suis approché d’un pas.
— Tu sais que je ne te veux pas de mal, ai-je soufflé.
Elle a serré sa tasse plus fort.
— Tu veux me détruire.
— Non. Je veux que tu cesses de te mentir.
Elle a fermé les yeux. Longtemps.
Puis elle a tourné les talons. Elle est sortie sans un mot.
Mais moi, je suis resté dans la cuisine, victorieux.
Parce qu’elle ne m’avait pas repoussé.
Elle avait fui.
Et la fuite, c’est l’aveu.
Noura, plus tard, dans le jardin.
Elle m’a rejoint en riant. Elle portait une robe d’été. Léger parfum de figue et de menthe. Elle m’a parlé d’une ancienne colocataire, m’a pris la main.
Elle est belle. Vraie. Vivante.
Et totalement aveugle.
Je l’ai embrassée doucement sur la tempe. Un geste mécanique, naturel. Parfait pour maintenir l’illusion.
Puis j’ai levé les yeux vers la maison.
Grâce était là. À l’étage. Derrière la vitre. Figée.
Et j’ai su.
Il y avait dans son regard une colère. Une jalousie, peut-être. Un vertige, c’est sûr.
Elle me regarde vivre avec sa meilleure amie. Elle me regarde jouer à l’homme aimant, détendu.
Et ça la brûle.
Elle voudrait pouvoir me haïr pleinement.
Mais elle ne peut plus.
Je suis une fracture en elle.
Et c’est trop tard.
Le soir, je me suis permis un geste.
Dans le couloir, alors que Silvio s’était enfermé pour un appel, je l’ai croisée.
Elle portait une chemise blanche. Trop fine. Trop transparente dans la lumière.
Je me suis arrêté.
Elle aussi.
— Tu crois qu’on peut survivre à ça ? ai-je demandé.
Elle m’a fixé.
— À quoi ?
— À ce qu’on ne dit pas.
Elle a cligné des yeux. Deux fois.
Puis elle est passée à côté de moi, sans répondre.
Mais j’ai entendu sa respiration s’accélérer.
J’ai senti son parfum se fixer à mon col.
J’ai su qu’elle ne tiendrait pas quatre mois.
Elle est déjà en train de tomber.
Et moi, je tends les bras.
LinaLe regard d'Ervan me transperce avant même que ses doigts ne frôlent ma joue. Nous sommes dans ma chambre, l’air épais, chargé de cette tension qui ne nous quitte jamais. Les murs semblent trop proches, le lit derrière moi trop présent. Lui, debout à quelques centimètres, les épaules raides sous sa chemise impeccable, la mâchoire verrouillée comme s’il retenait quelque chose de brutal. Moi, dos contre le mur, la robe collée à ma peau moite, le cœur battant à un rythme qui n’a rien de normal.Il se penche vers moi. Je sens son après-rasage, bois et épices, cette odeur sombre qui me fait toujours vaciller.— Ne fais pas ça.Sa voix râpe ma nuque. Un doigt glisse sur ma joue, lentement, jusqu’à mon menton qu’il relève sans douceur, m’obligeant à croiser son regard.— Pas maintenant.Je détourne les yeux. Pas par provocation. Parce que s’il me regarde trop longtemps, il verra tout. La colère. Le désir. Cette guerre qui me déchire.— Je ne fais rien.Je mens. Ma voix tremble. Il le sa
LinaIl grogne contre ma peau, le son vibrant contre mon sein, avant de passer à l’autre, lui offrant le même traitement. Mes cuisses se serrent l’une contre l’autre, désespérées, mais c’est pire que tout. Le frottement du tissu de ma culotte contre mon clito déjà gonflé me fait presque jouir sur-le-champ.— Tu es si réactive, murmure-t-il en relevant la tête, ses lèvres brillantes de salive. Comme si tu avais attendu ça toute ta vie.Je ne réponds pas. Je ne peux pas. Parce que c’est vrai.Ses mains glissent le long de mon ventre, tracent des motifs invisibles sur ma peau, avant de s’arrêter à la taille de ma culotte. Il hésite une seconde, une seule, avant de tirer d’un coup sec. Le tissu se déchire presque. Je sursaute, mais il est déjà à genoux devant moi, ses doigts agrippant mes hanches pour m’empêcher de reculer.— Regarde-moi, ordonne-t-il.J’obéis.Et puis sa bouche est là.Sa langue me lèche d’un seul coup, large, plate, du bas de ma fente jusqu’à mon clito, et je crie. Vrai
LinaLa pénombre enveloppe ma chambre comme un voile épais, filtrant les derniers rayons du soleil couchant à travers les rideaux tirés. L’air est lourd, chargé d’une tension électrique qui me fait frissonner malgré la chaleur étouffante. Je suis assise sur le bord du lit, les doigts crispés sur le tissu froissé de ma robe d’été, trop légère, trop transparente. Pourquoi je l’ai mise, celle-là ? Une question stupide. Je connais la réponse. Parce que je savais. Parce que je l’ai voulu.La porte s’entrouvre sans un bruit, comme si le bois lui-même retenait son souffle. Mes épaules se raidissent, mais je ne me retourne pas. Je ne peux pas. Pas encore. Pas avant qu’il ne soit trop tard pour reculer.Ses pas sont feutrés, presque imperceptibles, mais je les sens vibrer dans chaque terminaison nerveuse de mon corps. Il s’approche. L’odeur de son parfum, boisé, épicé, avec cette pointe de tabac froid qui me fait toujours tourner la tête, m’enveloppe avant même que ses doigts n’effleurent mon
EvanJe mens avec une facilité déconcertante. C’est devenu une seconde nature. Mentir à Jade est comme respirer. Mentir à Lina… c’est un sport. Un art. Elle, au moins, sait que je mens. Elle voit les ficelles. Cela rend le jeu bien plus excitant.Je l’ai observée ce matin. Les cernes sous ses yeux. La pâleur de son visage. La façon dont elle évitait tout contact, même visuel. Elle est détruite. Pas par la violence, mais par la révélation. La révélation de sa propre faiblesse. De son désir pour le loup dans la bergerie.C’est parfait.La fragiliser était nécessaire. Maintenant, elle sait. Elle sait qu’elle n’est pas aussi forte qu’elle le croit. Qu’elle n’est pas immunisée contre moi. Le mépris est toujours là, je le sens. Mais il est mêlé à la peur, et à quelque chose d’autre… de la fascination. Une fascination répugnée, mais réelle.Le plan initial reste le même : protéger mon image, mon couple avec Jade, mon intégration dans cette famille confortable. Lina était une menace. Elle l’e
LinaLe soleil perce à travers les lattes des volets, striant le lit de bandes de lumière crues. Je suis éveillée depuis des heures, immobile, les yeux grands ouverts fixant le plafond. Mon corps est un champ de ruines. Chaque muscle est douloureux, chaque nerf à vif, comme si on m’avait battue. Mais les pires blessures sont invisibles. Elles brûlent à l’intérieur, honteuses et profondes.La nuit a été un long cauchemar de veille. Chaque fois que je fermais les yeux, je le revoyais. Sa silhouette dans l’ombre. Sa main sur ma peau. La chaleur de sa langue. Le son de ma propre voix, brisée par le plaisir. Je me suis levée à l’aube pour prendre une deuxième douche, froide celle-là, frottant ma peau jusqu’à ce qu’elle soit rose et douloureuse, essayant de me laver de lui. En vain. La sensation est gravée. L’odeur de son savon, mêlée à celle de mon propre désir traître, semble imprégnée dans les murs.Un bruit dans le couloir. Des pas légers. Jade.Mon cœur se serre à s’arrêter. La culpabi
LinaLe retour est un brouillard. La voiture de Théo, l'odeur de son après-rasage trop doux, le bruit du moteur… tout semble étouffé, lointain. Mon corps est encore une plaie vive, chaque nerf vibrant du choc de la confrontation avec Evan. La victoire dans les toilettes du bar a un goût de cendres. C’était une retraite, pas une défaite pour lui. Je l’ai senti.Devant ma porte, Théo me sourit, doux, prévisible. Il se penche et pose ses lèvres sur les miennes. C’est un baiser gentil, pressant, plein d’une intention tendre. Je devrais m’y accrocher. Je devrais y chercher un refuge, un antidote. Mais mon sang reste de glace. Ma peau est sourde. Il n’éveille rien, si ce n’est une vague gratitude teintée de culpabilité. Je réponds par politesse, par devoir, par l’espoir fou que quelque chose, enfin, s’enflamme.— À demain, Lina ? murmure-t-il contre ma bouche.—À demain, Théo.Je monte l’escalier, chaque marche un poids supplémentaire. La maison est silencieuse, endormie. La chambre de Jade







