JadeLe soleil filtre doucement à travers les rideaux, déposant sur notre peau une caresse dorée, légère et timide. La chambre est baignée d’une lumière douce, presque irréelle, comme si le monde extérieur attendait en silence que nous reprenions notre souffle. Une trêve fragile, suspendue entre ce qui fut et ce qui pourrait être.Je sens son corps chaud contre le mien, sa respiration régulière qui s’apaise peu à peu, une mélodie familière qui me berce et m’apaise. Il dort encore, paisible, sans la moindre trace de douleur ou d’ombre sur son visage. Mais moi, je reste éveillée, prisonnière d’un paradoxe cruel : je savoure cette paix retrouvée, tout en sachant qu’elle est aussi fragile qu’un cristal sur le point de se briser.Instinctivement, je glisse mes doigts dans ses cheveux, caresse lente, tendre, presque maternelle. Son souffle s’accélère imperceptiblement, ses lèvres s’entrouvrent, et un soupir s’échappe, doux, presque un murmure. Ce murmure, comme un aveu silencieux, me rappel
JadeJe le vois là, affaibli, presque brisé, prisonnier de ses propres démons. Pourtant, ce soir, je refuse de le laisser tomber, de le laisser se noyer dans ce passé qui le dévore. Ce soir, je serai sa force. Son rocher. Son ordre inébranlable.Mes pas sont sûrs, décidés, tandis que mes mains effleurent doucement son visage, cherchant à rallumer cette étincelle vacillante dans ses yeux fatigués. Son souffle est court, ses épaules tremblent, mais je ne lui laisse aucune échappatoire.— Éric, oublie tout, murmurai-je, toute la douceur d’un ordre dans la voix. Oublie Clara, oublie la douleur qui te déchire, oublie chaque murmure de ce passé qui te ronge. Ce soir, tu n’as qu’une seule mission : me choisir, m’aimer, te perdre en moi.Je serre doucement son poignet, l’entraînant hors de la salle de bain, au travers du couloir silencieux. Chaque pas que nous faisons résonne comme un serment. Ses hésitations vibrent dans l’air, je sens ses mains trembler, son cœur battant à tout rompre sous
ÉricJe suis affalé contre le mur froid de la salle de bain, le carrelage dur mordant ma peau, mais je ne ressens rien d’autre que ce vide abyssal qui m’aspire tout entier, ce gouffre qui avale mon souffle, mon être, ma volonté. Mes paupières se ferment comme pour fuir le spectacle incessant de Clara, son regard brûlant, son silence qui hurle. Cette image est une lame plantée dans mon esprit, un poison qui se répand, une brûlure qui ne cicatrisera jamais.Jade est là, debout, droite, imposante, sa silhouette domine la pièce comme une reine qui contrôle son royaume sans concession. Ses yeux ne sont plus seulement en colère, ils sont durs, tranchants, glaçants. Une détermination féroce qu’elle déploie sans retenue, elle ne cherche plus à cajoler, elle commande, elle dicte, elle impose.— Éric, ordonne-t-elle d’une voix ferme, lève-toi. Regarde-moi. Tu vas m’oublier Clara, tu vas me choisir, et tu vas la laisser disparaître, sinon tu perdras tout ce que nous avons construit.Je lève la t
ClaraJe serre doucement ma fille contre moi, ce petit corps chaud et fragile qui dort sans souci, ignorant les déchirures de ce monde que je quitte encore une fois, mais cette fois, c’est pour de bon, ou du moins, je l’espère. Je descends les escaliers sans bruit, les murs semblent retenir leur souffle, comme s’ils savaient ce qui se trame, je fuis les regards, les mots non dits, les blessures invisibles qui saignent sans cicatrice, je pousse doucement la porte, sens l’air froid de la nuit glisser sur ma peau nue, cette fraîcheur comme une caresse cruelle qui me rappelle que je suis bien vivante malgré tout. Je ferme la porte derrière moi sans un bruit, et puis je marche dans la nuit, l’obscurité douce comme un voile protecteur, un manteau qui m’enveloppe et me cache, jusqu’à la maison de la voisine, là où les murs ont des oreilles mais pas de jugements, là où je pourrai enfin pleurer, sans masque, sans retenue, sans que personne ne me voie m’effondrer.Je sens ses petits doigts se r
ClaraJ’ai pas frappé.Je suis montée comme une étrangère.Mais c’est bien moi, ici.Moi, dans cette maison.Moi, dans cette vie qu’on a commencé à me voler sans même me demander si j’étais prête à partir.Il ne m’avait pas verrouillé la porte.Évidemment.Parce qu’on verrouille une maison quand on a peur qu’on entre.Lui, il a peur qu’on reste.Et moi, je suis restée.Dans les murs.Dans les tiroirs.Dans sa mémoire.Dans ses silences.Je monte. Pieds nus.Pas par précaution.Par choix.J’ai pas besoin de faire de bruit pour déranger.Ma présence suffit.La salle de bain.Le temple.C’est là qu’il me disait que j’étais belle quand je ne l’étais pas.Là qu’il me lavait les cheveux après mes insomnies.Là qu’il posait sa main sur mon ventre quand je doutais d’être assez.Et c’est là qu’elle l’a pris.Je le vois.Il est là, trempé, appuyé contre le carrelage comme un homme éteint.Elle est sur lui, enroulée, glorieuse, nue.Ils ne m’ont pas vue.Pas encore.Mais moi, je vois tout.Éric
ÉricElle est là , nue contre moi . Et je n’ai plus aucune excuse.Je devrais sortir , m’enrouler dans une serviette. Partir.Trouver un endroit où Clara ne plane pas au-dessus de mes pensées.Mais je suis là, immobile, les paupières lourdes, la respiration bloquée dans la gorge, à sentir Jade coller son corps trempé au mien.Et je ne bouge pas.Elle ne force rien.Ses gestes sont précis, paisibles, calculés sans avoir l’air de l’être.Ses mains, chaudes malgré l’eau, remontent lentement sur mon ventre, puis longent mes côtes.Elle m’effleure comme si elle me reprogrammait.Comme si, en passant ses doigts sur moi, elle gravait une nouvelle version de moi-même.Sans Clara.Je suis debout, adossé au mur de la douche, et elle est contre moi.Elle ne parle pas.Elle respire.Et moi, je ressens.Sa peau ruisselle d’eau tiède. Sa poitrine s’écrase doucement contre mon torse, sa hanche épouse la mienne, son front touche mon épaule.Je veux dire quelque chose.Mais quoi ?Que je pense encore