Vendredi matin, 08h00 précises. Comme un ballet bien chorégraphié, la voiture noire attendait devant la maison de Léna, les vitres teintées reflétant le ciel pâle du matin. Camila, tirée à quatre épingles, portait un tailleur sobre mais élégant prêté par Léna. Un nœud d’angoisse mêlé d’excitation s’était installé dans son ventre, mais elle l’ignorait, décidée.
Léna lui fit un dernier câlin. — Tu m’envoies un message dès que t’es arrivée. Et rappelle-toi… — Oui, oui, dit Camila avec un sourire forcé. “Au moindre souci, je me barre.” Je sais. Mais t’inquiète pas. Je sens que tout va bien se passer. Le même chauffeur, impassible comme un sphinx, l’accueillit d’un sobre signe de tête avant de démarrer en silence. À travers les vitres teintées, la ville défilait, distante, comme si elle appartenait à une autre vie. La maison — ou plutôt le manoir — était exactement la même. Une froide majesté, une atmosphère pesante, presque mystique. Camila fut conduite cette fois dans un salon baigné de lumière tamisée. Madame E l’attendait, assise, un contrat épais en main, une tasse de thé fumante devant elle. — Bonjour Camila. Prête à signer ta nouvelle vie ? Camila hocha la tête. — Mais avant de signer, il y a d’autres clauses à connaître. Ce contrat dure 91 jours, renouvelable selon… certains résultats. Durant cette période, tu ne dois ni tomber amoureuse, ni t’attacher émotionnellement à qui que ce soit. Tu ne dois servir qu’une seule cause : nous. Camila avala difficilement sa salive. L’interdiction de s’attacher... c’était plus dur qu’elle ne l’avait imaginé. — Tu auras le droit de vivre avec une seule personne, un membre de ta famille… mais pas plus. Elle sentit son cœur bondir. — J’ai pas de vraie famille… mais j’ai une sœur de cœur. Elle s’appelle Léna. Elle m’a toujours protégée. Si je peux vivre avec elle, je signe tout de suite. Madame E esquissa un sourire presque… humain. — Léna est la bienvenue. Camila prit alors le stylo posé sur le dossier et signa, ligne après ligne, avec la sensation étrange d’ouvrir une porte qu’elle ne pourrait plus refermer. — Très bien, dit Madame E en rangeant le contrat. Il est temps que tu fasses la connaissance de Seth, ton superviseur. Et… mon neveu. La porte s’ouvrit doucement. Un homme entra.le même homme de la dernière fois.Grand, élancé, une aura magnétique. Peau dorée, regard perçant et noir comme une nuit sans lune. Ses cheveux, d’un marron profond, étaient attachés à l’arrière de sa tête, et son costume noir parfaitement ajusté trahissait une élégance presque sauvage. Il s’avança lentement, comme un félin sûr de lui. — Camila, je présume ? — Seth ? demanda-t-elle en se levant. Leurs regards se croisèrent. Choc. Une étrange sensation dans le ventre. Il avait quelque chose de dangereux… mais aussi de fascinant. — Enchanté, murmura-t-elle. — Le plaisir est partagé, répondit-il avec un sourire énigmatique. Le courant passa. Électrique, ambigu, brûlant sous la surface. Madame E, impassible, reprit la parole : — Tu auras une panoplie de personnes sous tes ordres pour te servir. Seth te montrera tout ce que tu dois savoir. Tu commences Lundi, prépare toi. Elle se leva sans un mot de plus et quitta la pièce, laissant derrière elle un silence presque solennel. Seth fit signe à Camila. — Viens. Je vais te faire découvrir ta nouvelle demeure. Ils descendirent les escaliers en silence. La tension entre eux était palpable, comme une corde tendue prête à claquer. Une luxueuse berline noire les attendait à l’entrée. Cette fois, Seth prit le volant. Camila monta côté passager. — Tu veux de la musique ? demanda-t-il en démarrant. — Non, je préfère entendre ce que tu as à me dire. — Sage décision. Il jeta un bref regard vers elle. — Alors, Camila… tu sais dans quoi tu t’embarques ? — Pas vraiment. Mais j’ai signé. Trop tard pour faire marche arrière. Il rit doucement. Un rire chaud, presque moqueur. — Tu es courageuse… ou inconsciente. Je ne sais pas encore. Mais tu vas vite comprendre que ce monde fonctionne selon des règles bien à lui. Et moi, je suis là pour t’apprendre à les respecter. Elle le fixa. — Et toi ? Tu les respectes, ces règles ? Il haussa les épaules, un sourire au coin des lèvres. — Disons que je m’amuse à les contourner. La voiture roulait à travers une route bordée de palmiers et de hautes grilles. Camila observait l’homme à ses côtés, chaque geste, chaque mot. Il la troublait. Il la mettait en garde. Il la fascinait. — Tu me fais un peu peur, avoua-t-elle. — C’est bon signe, répondit-il sans la regarder. C’est quand tu n’as plus peur qu’il faut commencer à t’inquiéter. Ils arrivèrent devant une immense résidence moderne, entourée d’un mur en pierres noires et d’un portail automatique. Seth descendit et ouvrit la portière à Camila, gentleman brutal. — Bienvenue chez toi. Elle inspira profondément. Sa nouvelle vie commençait. Une vie où l’amour était interdit… mais où le danger, lui, était déjà là.Le couloir résonnait encore du claquement brutal de la porte que Seth avait laissé derrière lui en sortant de la réunion. Ses pas, rapides, nerveux, l’amenèrent vers l’aile privée de la demeure. Mais à peine eut-il franchi le premier virage qu’une voix familière, sucrée mais irritante, l’interpella. — Seth, attends ! Éléa accourait derrière lui, ses talons claquant contre le marbre. Elle avait ce sourire figé qui lui donnait l’air de croire que tout venait enfin de s’arranger. Seth se retourna d’un coup, son regard noir la clouant sur place. — Ne m’appelle pas, lança-t-il sèchement. Éléa haussa un sourcil, piquée. — Tu es mon fiancé, j’ai bien le droit de t’appeler… mon amour. Le terme lui arracha un soupir agacé. Il s’approcha d’elle, baissant la voix mais laissant éclater sa colère : — Ne joue pas à ça avec moi. Je sais ce que tu as fait. — De quoi tu parles ? feignit-elle, l’air innocent. — Ne me prends pas pour un idiot, Éléa ! La lettre, le colis… c’était toi. Tu as mena
Éléa claqua la porte de son appartement si violemment que le vase en cristal posé dans l’entrée se renversa. Elle tremblait de rage. Son maquillage légèrement brouillé témoignait de ses larmes, mais dans ses yeux brûlait surtout une fureur qu’elle ne cherchait plus à dissimuler. Elle traversa le salon, saisit son téléphone et composa sans hésiter le numéro de son père. — Papa, gronda-t-elle dès qu’il décrocha. Seth m’humilie ! Il refuse encore de m’épouser, il me repousse comme si j’étais… rien ! Et tout ça à cause de cette Camila ! Silence au bout du fil. Puis une voix grave, froide, tranchante : — Calme-toi, Éléa. Je t’avais prévenu. Les hommes comme lui ont besoin d’être mis au pas. — Mais il ne comprend rien ! Il dit qu’il ne m’aime pas, qu’il n’acceptera jamais… Tu te rends compte ? Moi ! Sa future épouse ! Henri Valmont laissa échapper un souffle bref, presque un rire amer. — Très bien. S’il veut jouer à ce petit jeu, nous allons lui rappeler à qui il a affaire. Quelques
Camila gara sa voiture devant la grande maison, ses mains crispées sur le volant. Tout le trajet, elle n’avait cessé de repenser à ce baiser volé. Ses lèvres tremblaient encore du contact brûlant de Seth. Elle avait presque senti son cœur exploser lorsqu’il l’avait plaquée contre lui. Une part d’elle voulait le rappeler. Lui dire de venir. De finir ce qu’ils avaient commencé dans cette salle de bain. Mais une autre voix, plus raisonnable, lui martelait qu’elle ne devait pas. Pas après l’annonce de Madame E. Pas après tout ce chaos. Elle monta dans sa chambre, laissa tomber sa robe sur le fauteuil, et s’assit sur le bord du lit, nue dans la pénombre. Ses doigts glissèrent inconsciemment sur ses lèvres. Si Lena n’avait pas frappé à la porte… Elle secoua la tête, honteuse de la tournure de ses pensées. Un bruit sourd retentit. La sonnette. Son cœur bondit. Et si c’était lui ? Si Seth avait, lui aussi, cédé à la tentation et décidé de la rejoindre ? Elle descendit en hâte, réaju
Camila s’était enfermée dans les toilettes, fuyant le tumulte de la salle de réception. Son cœur battait à tout rompre, son souffle court. Elle s’adossa contre la porte et ferma les yeux. Les mots de Madame E résonnaient encore dans sa tête comme un coup de poignard : Seth épousera Éléa. Ses jambes tremblaient, ses mains étaient moites. Elle s’accrocha au lavabo, comme si le marbre froid pouvait la retenir de s’effondrer. Mais les larmes finirent par jaillir, incontrôlables, brûlantes. — Pourquoi… pourquoi ça doit toujours finir comme ça ? murmura-t-elle en sanglotant. Elle tenta de se calmer, d’essuyer ses joues du revers de la main, mais chaque fois qu’elle reprenait son souffle, une nouvelle vague de désespoir l’envahissait. Puis la poignée tourna. Camila sursauta, le cœur au bord des lèvres. La porte s’ouvrit. Et ce fut Seth. Il entra d’un pas lent, referma derrière lui et s’arrêta en la voyant. Son regard sombre se posa sur ses yeux rougis, ses joues encore humides. — Cam
La fête battait son plein. Lena n’arrêtait pas de répéter combien elle était émue par cette soirée incroyable. Ses yeux brillaient de larmes, et son sourire radieux suffisait à illuminer la salle entière. Pourtant, elle restait intriguée par un détail qu’elle n’arrivait pas à ignorer : la présence de Madame E. Elle se tourna vers Damien alors qu’ils venaient de trinquer. — Damien… qu’est-ce qu’elle fait là ? Pourquoi ta mère est venue ? Damien eut un léger sourire, nerveux, comme si cette question n’attendait qu’un signal pour éclore. — Lena… il y a quelque chose que je voulais te dire depuis longtemps. Le brouhaha autour d’eux sembla s’atténuer d’un coup. Camila, qui observait la scène un verre à la main, fronça légèrement les sourcils. Seth, lui, se raidit, comme s’il pressentait une catastrophe imminente. Damien reposa son verre, inspira profondément et se mit à parler, la voix plus ferme qu’à l’accoutumée : — Lena… depuis le premier jour où je t’ai rencontrée, tu as bouleve
Les jours s’enchaînèrent comme des dominos, chacun semblant précipiter Camila vers un rôle qu’elle n’avait pas choisi : celui d’alliée temporaire de Damien. Ensemble, ils mirent en place chaque détail de la fête secrète pour Lena, et plus le projet avançait, plus Camila constatait que Damien faisait des efforts sincères pour plaire à son amie. Un après-midi, alors qu’ils étaient dans une salle de réception luxueuse à inspecter la décoration florale, Camila finit par rompre le silence. — Tu sais, Damien, je vais être honnête. J’ai du mal à croire à ton changement. Il la regarda avec un demi-sourire, presque triste. — Je sais. Et je ne te blâme pas. Je n’ai pas été l’homme le plus fiable par le passé. — C’est le moins qu’on puisse dire. — Mais… Lena m’a transformé, Camila. Avec elle, je suis différent. Elle croit en moi, et ça me donne envie d’être quelqu’un de meilleur. Camila le fixa longuement, cherchant à percer cette sincérité dans ses yeux. — Tu parles bien, Damien. Mais e