CENDRILLON đ
JâĂ©tais assise devant mon ordinateur, plongĂ©e dans mes rĂ©visions, quand la porte sâouvrit brusquement, faisant sauter ma concentration. Ma belle-mĂšre entra dans ma chambre comme une furie, ses yeux rouges de larmes et son visage dĂ©figurĂ© par la panique. Elle se jeta sur moi, mâattrapant violemment par les Ă©paules. Sa prise Ă©tait si ferme quâelle me fit presque vaciller sous le poids de sa frayeur.
Sa voix, tremblante et dĂ©chirĂ©e, sâĂ©chappa dans un cri qui me fit sauter sur place :
â Cendrillon, quâallons-nous devenir ? Ton pĂšre est mort !Un instant, le monde sembla se figer autour de moi. Je restai figĂ©e, les yeux Ă©carquillĂ©s, incapable de saisir la gravitĂ© de ses paroles. Mon pĂšre⊠mort ? Cela ne pouvait pas ĂȘtre possible. Je cherchai des signes dans ses yeux, un indice qui me dirait quâelle plaisantait, mais rien. Rien que du vide, de la peur et de la douleur. Je sentis une vague de chagrin mâenvahir, comme si le sol venait de se dĂ©rober sous mes pieds. Mais avant que je puisse rĂ©agir, avant que mes pensĂ©es ne puissent se poser, elle continua, sa voix brisĂ©e par les larmes :
â Nous sommes ruinĂ©es, Cendrillon. Ton pĂšre nous a laissĂ©es avec des dettes Ă©normes. Que vais-je faire ? Comment allons-nous survivre ?
Ses mots me frappĂšrent comme une claque. Je nâarrivais pas Ă comprendre. Mon pĂšre, mort, et tout ce qui allait avec. Je nâavais pas de repĂšres, tout mâĂ©chappait. Elle tremblait de plus en plus, se laissant submerger par lâeffroi. Ses mains sâĂ©taient resserrĂ©es sur mes bras, mais je ne les sentais plus, absorbĂ©e par le tourbillon de pensĂ©es qui se bousculaient dans ma tĂȘte. Tout semblait flou, irrĂ©el, et pourtant, lâexpression dĂ©sespĂ©rĂ©e sur son visage me disait que tout Ă©tait bien trop rĂ©el
Elle me secoua lĂ©gĂšrement, ses yeux remplis de larmes et de panique. Je pouvais voir la peur dans son regard, mais aussi une dĂ©termination froide. Elle avait toujours Ă©tĂ© une femme calculatrice, et je savais quâelle trouverait un moyen de sauver sa situation, mĂȘme si cela signifiait sacrifier quelquâun dâautre.
â Je... je ne sais pas, balbutiai-je, encore sous le choc de la nouvelle.
Ma belle-mÚre me lùcha et commença à faire les cents pas dans la chambre, ses mains tremblantes passant nerveusement dans ses cheveux.
â Il doit y avoir une solution, marmonna-t-elle. Il doit y avoir un moyen de sortir de cette situation.
Je la regardai, impuissante, tandis quâelle continuait Ă rĂ©flĂ©chir Ă voix haute. Mon esprit Ă©tait encore en train de digĂ©rer la nouvelle de la mort de mon pĂšre, et je ne pouvais pas penser clairement. Tout ce que je savais, câĂ©tait que ma vie venait de basculer et que rien ne serait plus jamais comme avant.
Mon pĂšre sâĂ©tait remariĂ© lorsque jâavais dix ans. Il Ă©tait directeur dâagence dans une banque de la ville voisine.
â Comment est-ce arrivĂ© ?
â Il sâest suicidĂ© en voyant les dettes quâil avait faites. Il nous a ruinĂ©s. Tes sĆurs, je vais faire comment pour payer leurs Ă©tudes !
Jâavais du chagrin. Mon pĂšre venait de se tuer et elle ne pensait, comme toujours, quâĂ ses filles !
Je sentais des larmes couler le long de mes joues.
Je la laissai seule au milieu de ma chambre. Jâavais besoin de prendre lâair !
Je mâĂ©tais toujours demandĂ© comment cette femme frivole et mauvaise avait pu sĂ©duire mon pĂšre, lui si bon et si gĂ©nĂ©reux !
Ă la mort de ma mĂšre, jâavais peut-ĂȘtre sept ou huit ans. Mon pĂšre, dĂ©vastĂ© par sa solitude, ne trouvait pas en moi, une simple enfant, le rĂ©confort dont il avait besoin. Je comprenais sa douleur, mais lorsquâil mâa prĂ©sentĂ© cette femme en disant :
â Cendrillon, voici ta nouvelle maman, ainsi que tes sĆurs, Anastasia et Druzilla !
Je restai silencieuse, mon cĆur se serrant Ă chaque mot prononcĂ©. Mon instinct, qui ne mâavait jamais trahi jusque-lĂ , mâindiquait que quelque chose ne tournait pas rond avec elles. Ces trois-lĂ , j'en Ă©tais certaine, Ă©taient loin d'ĂȘtre des personnes bienveillantes.
Druzilla, la plus jeune des deux sĆurs, nâavait que dix ans, mais son attitude Ă©tait dĂ©jĂ celle dâune petite fille capricieuse et totalement Ă©goĂŻste. Ses cheveux blonds bouclĂ©s encadraient un visage angĂ©lique, mais ses yeux bleus, dâune intensitĂ© presque glaçante, brillaient dâune malice Ă©vidente. Son sourire, celui d'une enfant trop gĂątĂ©e, masquait Ă peine la cruautĂ© qui se cachait derriĂšre. Elle avait fait un caprice monstrueux pour obtenir ma chambre, et, contre toute logique, on lui avait cĂ©dĂ© sans hĂ©sitation. Elle nâavait mĂȘme pas lâair gĂȘnĂ©e de me voler mon espace privĂ©, comme si câĂ©tait son dĂ». Toujours vĂȘtue de robes somptueuses, elle se pavanait dans la maison comme une princesse dĂ©chue, mais lâarrogance qui Ă©manait dâelle ne faisait quâaggraver la dĂ©testation que je ressentais Ă son Ă©gard. Elle se comportait comme si elle Ă©tait nĂ©e pour rĂ©gner, sans jamais un mot de compassion ou dâhumilitĂ©.
Anastasia, quant Ă elle, semblait plus mature et plus rusĂ©e. Ă douze ans, elle Ă©tait dĂ©jĂ grande pour son Ăąge, avec de longs cheveux bruns raides qui tombaient sur ses Ă©paules, et ses yeux marrons avaient toujours cette lueur calculatrice, comme si elle Ă©tait constamment Ă la recherche de quelque chose Ă voler ou Ă manipuler. Elle ne se contentait pas de prendre ce quâelle voulait ; elle avait ce talent inquiĂ©tant pour dĂ©tourner les choses en sa faveur. Tout ce quâon mâoffrait, elle me le subtilisait, sans scrupule, et ce sans que personne ne lĂšve le petit doigt pour la stopper. Mon pĂšre, en particulier, ne disait jamais un mot. Il la dĂ©fendait toujours avec des paroles qui me paraissaient fausses, comme si la simple mention de la perte de son propre pĂšre suffisait Ă justifier ses actes. âElle a perdu son papa et ne sâen remet pasâ, disait-il inlassablement. Cette excuse, toujours la mĂȘme, Ă©tait devenue un moyen pour lui de fermer les yeux sur son comportement, aussi mauvais soit-il.
Anastasia, avec sa ruse et son air supĂ©rieur, savait comment manipuler les autres pour parvenir Ă ses fins. Elle sâadaptait Ă chaque situation pour en tirer le meilleur parti, et moi, jâĂ©tais la cible parfaite pour ses intrigues. Ses sourires Ă©taient pleins de fausse douceur, mais je savais au fond de moi quâils dissimulaient des intentions bien plus sombres. Elle Ă©tait une maĂźtresse de la manipulation, et je redoutais chaque interaction avec elle
Ma belle-mĂšre, une femme dâune cinquantaine dâannĂ©es, Ă©tait une crĂ©ature de glace, froide et calculatrice. Ses traits anguleux, sa peau pĂąle, et ses yeux perçants lui donnaient un air de prĂ©dateur, toujours en quĂȘte de la moindre faiblesse. Son regard Ă©tait tranchant, comme une lame, et son expression semblait figĂ©e dans une Ă©ternelle sĂ©vĂ©ritĂ©. Elle ne souriait jamais, et chaque mouvement de son corps trahissait un contrĂŽle strict, comme si elle Ă©tait toujours en train de peser chaque mot, chaque geste, chaque dĂ©cision.
CENDRILLONOn arriva au bar-hĂŽtel au petit matin, le ciel gris perlant de pluie fine. Les planches sur les fenĂȘtres donnaient Ă lâendroit un air de bunker, mais câĂ©tait toujours debout, toujours Ă nous. Marie gara la voiture en travers du parking, et on sortit pĂ©niblement, comme des soldats rentrant dâune guerre quâon avait pas vraiment voulue. Ethan boitait, soutenu par Roland. Mica grognait en tenant son Ă©paule, refusant lâaide de quiconque. Moi, je guidai mon pĂšre, son bras autour de mes Ă©paules, son poids lĂ©ger mais pesant sur mon cĆur.Ă lâintĂ©rieur, ça sentait encore la biĂšre et le bois, mais yâavait une odeur de cendres aussi, un souvenir de lâincendie quâon avait Ă©teint avant de partir. On sâeffondra tous autour dâune table, un tas de corps cassĂ©s mais vivants. Marie sortit une bouteille de whisky de sous le comptoir et servit des verres sans demander, mĂȘme Ă mon pĂšre, qui trembla en prenant le sien.â Ă nous, dit-elle, levant son verre. Les emmerdeurs qui survivent.On trinqu
MICAHLes premiers hommes arrivĂšrent, armes dĂ©gainĂ©es, et le chaos explosa. Je tirai, visant la tĂȘte, et un type sâeffondra. Ethan plongea sur un autre, son couteau trouvant une gorge. Cendrillon couvrit son pĂšre, tirant maladroitement mais touchant un bras. Le bruit des balles et des cris remplit la cave, et moi, je riais presque â câĂ©tait ma guerre, ma putain de danse.Mais yâen avait trop. Un coup me frappa Ă lâĂ©paule, et je grognai, le sang chaud coulant sous ma veste. Ethan prit une balle dans la jambe, tombant Ă moitiĂ©. Cendrillon cria, et son pĂšre la poussa derriĂšre lui, frappant un type avec son bout de mĂ©tal. On Ă©tait foutus, mais je voyais pas encore la fin.Et puis, une dĂ©tonation plus forte Ă©clata dehors, suivie dâun hurlement. Les hommes de Darius hĂ©sitĂšrent, et une silhouette descendit lâescalier, un revolver fumant Ă la main. Marie. Putain, Marie, avec Roland derriĂšre elle, une carabine dans les mains tremblantes.â Bougez vos culs ! cria-t-elle, abattant un autre type.
MicahLe sous-sol du pub puait la peur et le sang, un mĂ©lange qui me rappelait trop de nuits oĂč jâavais dĂ» jouer les bĂȘtes pour survivre. Darius Ă©tait lĂ , dos au mur, mon flingue collĂ© Ă sa tempe, son sourire de serpent toujours vissĂ© Ă sa gueule. Autour de nous, ses hommes gisaient dans leur propre merde â morts pour les chanceux, gĂ©missants pour les autres. Ethan saignait dâune entaille au bras, mais il tenait debout, son couteau dĂ©goulinant dans sa main. Cendrillon, elle, serrait sa bouteille brisĂ©e comme une arme, ses yeux brĂ»lant dâune rage que je connaissais bien. On avait gagnĂ© cette manche, mais ce connard de Darius avait encore un as dans sa manche, je le sentais.â Parle, ordonna-t-elle, sa voix claquant comme un fouet.Putain, jâĂ©tais fier dâelle. Elle tremblait plus, ma princesse. Elle avançait vers lui, et moi, je reculai juste assez pour le garder en joue, laissant Ethan lâattraper par le col pour le tenir en place. Darius ricana, un son qui me donnait envie de lui explo
On dĂ©barqua Ă lâaube, et putain, cette ville puait la pluie et le dĂ©sespoir. Le ciel Ă©tait gris, lourd, comme sâil allait nous tomber sur la tronche. Marie nous avait filĂ© une adresse â un entrepĂŽt pourri dans lâest, prĂšs des docks. Je garai la bagnole le long dâun mur taguĂ©, Ă lâabri des curieux, et on sortit dans lâair froid qui vous mordait la gueule. Cendrillon resserra son manteau, Ethan planqua son flingue dans sa ceinture, et moi, je scrutai les environs.â Ăa pue la merde, marmonnai-je. Trop calme.â Câest les docks, rĂ©pondit Ethan, toujours calme comme un moine. Câest toujours mort Ă cette heure.Je grognai, pas convaincu. Les docks, ouais, mais yâavait un truc qui clochait. Trop de silence, trop dâombres. LâentrepĂŽt se dressait lĂ , une ruine de ferraille avec des fenĂȘtres explosĂ©es qui vous fixaient comme des yeux crevĂ©s. La porte grinçait dans le vent, et je vis Cendrillon serrer les poings. Elle avança dâun coup, sans attendre.â Allons-y, dit-elle, et elle fila vers lâentr
CENDRILLONOn passa lâaprĂšs-midi Ă prĂ©parer nos affaires. Quelques vĂȘtements, des armes que les jumeaux avaient gardĂ©es de leur passĂ©, et un plan griffonnĂ© sur une serviette en papier. Londres. Darius. Le serpent et la couronne. Chaque mot pesait comme une pierre dans ma poitrine, mais je refusais de flancher. Pas avec Ethan et Mica Ă mes cĂŽtĂ©s. Pas avec ce bĂ©bĂ© qui me donnait une raison de plus de me battre.Vers le soir, alors quâon chargeait la voiture, je pris une seconde pour regarder le bar. Notre refuge, notre rĂȘve. Les planches sur les fenĂȘtres lui donnaient lâair dâune forteresse, mais il restait debout. Comme nous.â PrĂȘte ? demanda Ethan, sa voix douce derriĂšre moi.â Ouais, murmurai-je. PrĂȘte.Mica klaxonna depuis le volant, un sourire sauvage aux lĂšvres.â Alors bouge, princesse. On a un roi Ă dĂ©capiter.Je montai dans la voiture, le cĆur battant, et alors quâon sâĂ©loignait dans la nuit, je sentis une Ă©trange certitude sâinstaller. Peu importe ce qui nous attendait, on af
CENDRILLONâ Et nous ? demanda Ethan, ses yeux sombres fixĂ©s sur elle.â Vous sĂ©curisez cet endroit, rĂ©pondit-elle. Barricadez les fenĂȘtres, vĂ©rifiez les clients. Si les hommes de Valerian veulent jouer, ils viendront ici. Câest votre chĂąteau, protĂ©gez-le.Roland releva enfin la tĂȘte, ses mains agrippant sa canne comme sâil puisait sa force dans le bois usĂ©.â Je reste avec vous, murmura-t-il. Si câest ma faute, je vais pas vous laisser seuls.â Tâes sĂ»r que tâes en Ă©tat ? lĂącha Mica, sans filtre. Tâas lâair dâun mort qui marche, Roland.â Mica ! sifflai-je, mais il me coupa dâun regard.â Quoi ? Câest vrai. On a besoin de combattants, pas de poids morts.Roland esquissa un sourire triste, presque amer.â Tâas raison, petit. Mais jâai encore un ou deux tours dans mon sac. Laissez-moi une chance de me racheter.Le silence revint, lourd, chargĂ© de tout ce quâon ne disait pas. Marie Ă©crasa sa cigarette Ă moitiĂ© fumĂ©e et se leva.â Reposez-vous ce soir, ordonna-t-elle. Demain, on entre en