Chapitre 9

« Qu’est-ce que tu veux dire ? »

Le visage de Julien s’est assombri, et ses yeux en amande ont laissé passer une lueur d’agacement et de contrariété.

Elle se poussait donc vers un autre homme ?

Aurélie n’a pas détourné le regard, « L’affaire des détracteurs de Mlle Leroux n’est pas encore élucidée. Il est normal que tu restes à ses côtés. Quant à savoir avec qui je choisis de me retrouver, cela ne te regarde pas. »

Sa voix est restée particulièrement calme, comme si c’était réellement ce qu’elle pensait.

On n’y percevait aucune nuance de colère.

L’agacement de Julien n’a fait que croître.

Depuis quand avait-elle cessé de se disputer à cause de Véronique ?

Était-ce parce qu’elle ne s’en souciait plus… ou bien jouait-elle la comédie ?

Mais à part elle, qui d’autre aurait pu être derrière cette affaire de détracteurs ?

Julien a pincé les lèvres, la fixant sans rien dire.

À côté, Véronique a serré les lèvres. Soudain, ses yeux se sont emplis de larmes, « Mlle Marchand, ne vous fâchez pas, c’est ma faute. Julien est votre mari, je n’ai jamais voulu détruire votre mariage. Ne vous inquiétez pas, je peux gérer cela moi-même… »

« Mlle Leroux joue bien la comédie, » a répondu Aurélie en lui coupant la parole avec un léger sourire, « mais inutile, j’ai d’autres projets avec mes amis. Gardez votre spectacle pour quelqu’un qui appréciera. »

Aurélie n’a plus prêté attention ni à Véronique ni à Julien. Elle est repartie avec Solène et ses autres amis.

Xavier a jeté un coup d’œil à Véronique, un sourire ambigu au coin des lèvres, « Mlle Leroux ne devrait pas être danseuse, mais actrice. Avec un jeu pareil, elle écraserait une bonne partie du milieu du spectacle. »

Julien a regardé s’éloigner les silhouettes d’Aurélie et de Xavier, le visage fermé et glacial.

Lucien a vu toute la scène, puis a tourné les yeux vers Véronique et a dit soudain : « Franchement, que Aurélie soit en colère, c’est compréhensible. Tant que le détracteur qui a proféré des menaces de mort n’est pas arrêté, la sécurité de Mlle Leroux n’est pas assurée. Moi je dis, mieux vaut l’attraper au plus vite. »

« La personne qui a livré le colis est en cours d’identification, on aura des résultats d’ici deux jours. »

Julien, comme s’il se souvenait de quelque chose, a tourné à nouveau les yeux vers Véronique avec un regard adouci, « Sois prudente ces jours-ci, et appelle-moi s’il se passe quoi que ce soit. »

Véronique, en a ressenti une douce chaleur, et a répondu avec douceur : « Je sais, Julien, ne t’inquiète pas. Par contre, pour Mlle Marchand… »

Elle a laissé sa phrase en suspens, mais Julien, la voix plus basse et froide, a dit : « Ne t’occupe pas d’elle. Si ce n’était pas pour elle, tu n’aurais pas eu si peur. »

En entendant cela, Lucien a froncé légèrement les sourcils.

Il avait toujours l’impression que la Aurélie qu’il connaissait n’était pas ce genre de personne.

Pourtant, face à Véronique, il n’osait rien dire de plus.

Julien, inquiet pour Véronique, avait d’ailleurs affecté deux gardes du corps pour elle.

Aurélie, elle, a profité de sa soirée avec ses amis et n’a quitté le lieu qu’après onze heures.

Avant de partir, Xavier l’a appelée.

La nuit était noire comme de l’encre, et ses yeux en amande s’étaient légèrement plissés, un sourire aux lèvres.

Il a secoué la cendre de sa cigarette et a dit : « Tu sembles avoir changé pas mal changé. »

« Vraiment ? » Aurélie a été un peu surprise.

Xavier a hoché la tête et a ajouté : « Comme si tu redevenais l’ancienne Aurélie. »

Indomptable, intrépide, capable de tout.

Aurélie a souri doucement.

À mesure que l’heure de partir approchait, elle se sentait de plus en plus libérée.

« Il se fait tard, je devrais rentrer. »

Elle ne s’est pas expliquée davantage et a simplement pris congé.

Xavier s’est soudain interrompu : « Aurélie, si à l’époque j’avais… »

« Ce ne serait pas arrivé, » Aurélie savait exactement ce qu’il allait dire, et a baissé les yeux et a répondu, « Tu connaissais qui j’étais à l’époque. Rien n’aurait changé. »

L’Aurélie d’alors était vive et courageuse.

Même en connaissant la fin, elle aurait foncé comme un papillon vers la flamme.

Xavier a souri avec résignation, « C’est vraiment ton style. »

Il n’a rien ajouté de plus.

Aurélie a appelé un taxi et est rentrée chez elle.

Léon avait été envoyé chez ses grands-parents. Julien n’était pas encore rentré. Ce soir-là, Aurélie s’est retrouvée donc seule.

Elle a rangé ses affaires et ses vêtements, a préparé soigneusement tout ce dont elle aurait besoin au moment de son départ.

Juste avant de s’endormir, elle a pourtant reçu un message d’un numéro inconnu : « Mademoiselle Marchand, l’état de votre tante semblait inhabituel. Pourriez-vous trouver un moment ces deux prochains jours, pour lui rendre visite ? »

Aurélie a froncé légèrement les sourcils.

Après le scandale qui avait frappé la famille Marchand, sa tante, profondément affectée par le décès de sa sœur, avait sombré dans une grave crise nerveuse et avait été placée dans une maison de repos.

Aurélie avait tenté, autrefois, de l’hypnotiser pour l’aider à retrouver un état normal.

Cependant, à cette époque, sa tante allait très mal et, avec le chaos que la famille Marchand avait laissé, elle n’avait eu d’autre choix que de la faire admettre dans cet établissement.

Il pouvait être arrivé quelque chose à sa tante.

Elle a ressenti une certaine inquiétude, sans même remarquer que le numéro qui lui écrivait n’était pas celui du directeur Vincent Linard.

Au cœur de la nuit, Julien est enfin rentré à la maison.

Son secrétaire lui a transmis les informations recueillies : « Monsieur Bernard, l’incident survenu autrefois à Mademoiselle Marchand était bien un accident. Ce soir-là, elle semblait ivre et est entrée par erreur dans votre chambre. Quant à la personne qui vous avait drogué, l’enquête était toujours en cours. »

Le regard de Julien a glissé sur les messages, et un sentiment complexe l’a envahi.

Si celle qui l’avait drogué n’était pas Aurélie… alors, toutes ces années, il l’avait réellement mal jugée.

« Par ailleurs, nous avions identifié l’homme qui avait envoyé un colis funèbre à Mademoiselle Leroux. Il semblait être un admirateur obsessionnel : il ne manquait aucune de ses représentations. Mais ses motivations restaient floues. Nous suivions actuellement ses déplacements et, pour l’instant, rien n’indiquait que Madame fût liée à cette affaire. »

Alors… il pouvait vraiment l’avoir accusée à tort.

Dans le fond des yeux en amande de Julien a passé une lueur de culpabilité, et sur son visage froid mais d’une beauté saisissante a flotté une expression légèrement adoucie.

Le fossé et les malentendus entre lui et Aurélie étaient trop profonds.

L’image d’Aurélie, ce soir-là, calme et lointaine comme de l’eau, lui est revenue en mémoire, et il a senti son cœur s’attendrir.

Ce soir, Xavier et elle cherchaient sans doute exprès à l’agacer.

Tant pis.

Quand cet individu serait arrêté, il compterait tout lui expliquer au grand jour.

Julien a posé les yeux sur la porte close, le regard adouci.

Le lendemain, lorsque Aurélie s’est réveillée, Julien était déjà parti au travail.

Comme à son habitude lorsqu’elle allait voir sa tante, elle a pris un taxi en direction de la Maison de repos Clairval.

« Monsieur, à la Maison de repos Clairval. »

Elle a hélé machinalement un taxi qui passait à proximité et lui a indiqué l’adresse.

Inquiète pour sa tante, elle n’a pas remarqué que la voiture s’éloignait de plus en plus, jusqu’à atteindre une zone complètement déserte.

Ce n’était pas le chemin vers la Maison de repos Clairval !

« Arrêtez ! »

Le cœur d’Aurélie s’est emballé, son visage s’est figé, mais, l’instant d’après, l’homme a immobilisé le véhicule, a saisi un spray et l’a dirigé vers elle.

Une odeur étrange s’est diffusée rapidement, Aurélie a bientôt ressenti un vertige oppressant avant de perdre complètement connaissance.

Dix minutes plus tard.

Dans le bureau du PDG, la secrétaire est entrée précipitamment, poussant la porte, « Monsieur Bernard, vite ! Mademoiselle Leroux a eu un problème ! »