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Chapitre 7

Author: FlemmeDeNom
Alexandre a tendu la main pour prendre les résultats. En voyant les mots « grossesse intra-utérine » inscrits en haut de la feuille, son regard s'est légèrement assombri.

Amélie, qui l'observait avec attention, a vu qu'il restait silencieux, les yeux fixés sur le document. La panique l'a saisie, et elle s'est empressée de balbutier : « Monsieur Beaumont, cet enfant… c'est le vôtre. Je… je n'ai connu que vous. »

Dès qu'elle eut prononcé ces mots, son visage est devenu cramoisi, incontrôlable.

Le regard d'Alexandre a enfin quitté le papier pour se poser sur elle.

Bien sûr… Voilà pourquoi elle était si nerveuse depuis le début.

Elle n'était qu'une étudiante de vingt et un ans, encore au tout début de sa vie. Apprendre sa grossesse avait dû être un choc terrible, un mélange de peur et de solitude. Et s'il n'y avait pas eu d'autre solution, elle ne serait sans doute jamais venue le trouver.

À cet instant, Alexandre s'est maudit en silence. Une seule perte de contrôle, et il avait bouleversé la vie de cette jeune fille.

Il a déposé calmement les résultats sur la table, et a demandé d'une voix douce :

« Qu'est-ce que tu envisages de faire ? »

Le ton trop apaisé d'Alexandre a laissé Amélie interdite, incapable de deviner ce qu'il pensait.

Elle a tout de même secoué la tête, la voix tremblante :

« Je… je ne sais pas. J'ai peur. »

Alexandre observait ses mains qui s'entortillaient nerveusement l'une dans l'autre, et un élan de compassion lui serra le cœur.

« C'est normal d'avoir peur. À ton âge, n'importe qui se sentirait terrifié face à une situation pareille. »

Amélie a gardé la tête baissée, sans un mot.

Alexandre a repris, le ton calme, presque analytique : « Tu n'as que vingt et un ans. Tu es encore à l'université, et pour l'instant, il n'y a rien de plus important que tes études. La meilleure option… ce serait d'interrompre cette grossesse. »

Ces mots, même s'ils étaient attendus, ont fait trembler son cœur. D'une voix basse, Amélie a murmuré : « Je n'ose pas le dire à mes parents… Et il faut une signature pour l'intervention. »

Alexandre a remarqué le léger frémissement de ses cils.

« D'abord, je veux m'excuser. Ce soir-là, j'avais bu. J'avais perdu le contrôle… » Il s'est arrêté, incapable d'aller plus loin. « J'aurais dû me maîtriser, j'aurais dû faire attention. »

Les joues d'Amélie ont viré au rouge, et elle s'est empressée de secouer la tête : « Ce n'est pas que de votre faute… J'ai ma part de responsabilité aussi. »

« Si tu décides d'interrompre la grossesse, je t'accompagnerai du début à la fin. Je prendrai en charge les frais, l'intervention et ta convalescence, jusqu'à ce que tu sois complètement rétablie. » La voix posée d'Alexandre, d'une stabilité presque irréelle, a réussi à calmer un peu l'angoisse qui nouait le cœur d'Amélie.

Au moins, elle n'était plus seule.

Amélie a mordu sa lèvre et a hoché la tête : « D'accord. »

Ce qu'il proposait était la meilleure solution. La question de la signature et celle des frais, qui la hantaient depuis le début, trouvaient enfin une réponse.

Mais Alexandre a continué, le regard toujours posé sur elle : « Je n'ai pas terminé. Il y a une deuxième option. »

Amélie a cligné des yeux, surprise : « Quoi ? »

Une deuxième option ?

Il l'a regardée sans ciller, sa voix ferme et calme : « Nous pourrions nous marier. »

Quoi ???

Amélie a écarquillé les yeux, comme si elle avait mal entendu, et l'a fixé sans voix.

Lui, de son côté, restait parfaitement calme, comme si ses mots n'ont rien eu de bouleversant.

« Une interruption de grossesse laisse toujours des traces sur le corps. Si nous nous marions, l'enfant pourra naître sans problème et j'assumerai mon rôle de mari et de père. Pour tes études, tu pourras mettre ton cursus en pause pendant le dernier trimestre. Après l'accouchement, tu reprendras les cours. Le bébé, je m'en occuperai. Et pendant que tu seras à la maison, je pourrai aussi t'aider pour tes devoirs. J'ai confiance, tes études n'en souffriront pas. »

Alexandre a croisé le regard choqué d'Amélie.

« Bien sûr, tu peux trouver que j'ai beaucoup plus d'années que toi. Mais ce n'est pas forcément une mauvaise chose. J'ai traversé certaines étapes avant toi, je peux te partager mon expérience pour t'éviter des détours inutiles. Et puis… ma retraite arrivera plus tôt que la tienne. »

Quel humour absurde.

Amélie n'aurait jamais imaginé qu'en quelques minutes, Alexandre puisse non seulement accepter l'idée d'être père, mais aussi proposer deux solutions, dont une qui impliquait le mariage, et qu'il ait déjà réfléchi à tout : ses études, le bébé, même le soutien scolaire.

Les professeurs avaient vraiment l'esprit qui allait plus vite que les autres.

Amélie, encore secouée, a senti la panique remplacer peu à peu la stupeur : « Monsieur Beaumont, ne plaisantez pas avec ça. »

« Je ne plaisante pas. »

Le sérieux dans le regard d'Alexandre a figé Amélie.

« Laisse-moi me présenter, Alexandre Beaumont, vingt-neuf ans, natif de Saint-Roch. Doctorat en poche, actuellement en poste à la Faculté de Médecine Saint-Roch. Mon salaire est correct, suffisant pour faire vivre une famille. Comme je viens juste de rentrer en France, je loue un appartement pour l'instant, mais je peux en acheter un à tout moment. J'ai une voiture. Je ne fume pas, je ne bois pas, je n'élève jamais la main, et je n'ai aucune tendance violente. Mes loisirs sont simples : lire, courir. Mes parents gèrent une petite entreprise, leur retraite est assurée, donc aucune inquiétude de ce côté-là. Après le mariage, nous n'aurons pas à vivre avec eux. Je viens juste de reprendre mon poste, donc je suis un peu occupé, mais ça va se stabiliser. Et avec les week-ends libres, les vacances d'été et d'hiver, j'aurai largement le temps d'être là pour toi et pour l'enfant. »

Tellement terre-à-terre que ça ressemblait à une annonce pour un site de rencontres.

Amélie s'est sentie comme foudroyée. Aucun mot n'est sorti de sa bouche pendant de longues secondes.

Alexandre a observé son air absent, sans perdre une once de patience : « Regarde ce que je viens de te dire. Est-ce que ça correspond à ce que tu attends d'un partenaire ? »

Bien sûr que oui ! C'était même au-delà de tout ce qu'elle aurait pu imaginer. Amélie avait presque l'impression qu'un miracle lui tombait dessus.

Un homme comme le professeur Beaumont… qui lui proposait de l'épouser ?

Sous la table, elle s'est pincé la cuisse.

Aïe.

Non, elle ne rêvait pas.

Quand elle a croisé le regard sérieux d'Alexandre, elle a compris qu'il ne plaisantait pas. Il parlait avec un calme imperturbable, mais il pensait chaque mot.

Mais le mariage…

Pour Amélie, ce mot avait toujours semblé lointain, abstrait. Jamais, pas une seule fois, elle n'avait envisagé la question.

Et maintenant, on le posait devant elle, plus concret encore que cette grossesse.

Elle a pris une inspiration, hésitante : « Monsieur Beaumont, est-ce que… je peux y réfléchir ? »

« Combien de temps ? »

« Je… je vous donnerai une réponse avant lundi. »

« D'accord. » Alexandre a hoché la tête.

En réalité, Amélie n'a même pas eu besoin d'attendre si longtemps. Quand elle est rentrée chez elle, encore troublée, à peine la porte ouverte, elle a entendu les voix de Marguerite et de Louis résonner dans le salon.

« Je veux m'acheter des chaussures, » disait Louis.

« Tu n'en as pas déjà acheté il y a peu ? » a répondu Marguerite.

« Hier, en jouant au basket, je les ai abîmées, » a lancé Louis.

Marguerite a hésité : « Combien ça coûte ? »

« Mille huit. »

La voix de Marguerite a monté d'un cran : « Mille huit ? C'est beaucoup trop cher, Louis. On n'est pas obligés de dépenser autant pour une paire de chaussures. »

Louis, aussitôt, a pris un ton agacé : « Mes camarades portent des modèles encore plus chers. À l'école, je n'ose même plus lever la tête. Laisse tomber, je n'en veux plus, de toute façon j'ai l'habitude qu'on se moque de moi. »

Marguerite s'est empressée de dire : « Non, non, on va te les acheter, Loulou. On va te les acheter, c'est bon. »

Amélie est restée figée sur place.

Leur famille n'a jamais roulé sur l'or. Marguerite, mère au foyer, faisait de petits travaux manuels qu'elle revendait à droite et à gauche, et Michel travaillait comme petit chef de service dans le centre communautaire du quartier, un poste sans grande importance et avec un salaire modeste.

Depuis qu'Amélie était enfant, on lui avait répété sans cesse que la maison n'avait pas d'argent, que ses parents travaillaient dur, qu'il ne fallait pas gaspiller.

Pendant toute sa scolarité, elle n'avait quasiment pas eu d'argent de poche. Et quand elle était au lycée, interne, ses parents lui donnaient à peine une cinquantaine d'euros pour tout le mois. Jamais spontanément : elle attendait d'être complètement à sec pour oser en demander, et chaque fois, elle avait droit à une leçon de morale en retour.

À l'université, à part pour les frais de scolarité, Amélie n'a quasiment jamais osé demander un centime à ses parents.

Mille huit… c'était bien plus que ce qu'elle avait eu pour vivre pendant toute une année au lycée.

À l'époque, elle avait dû se préparer mentalement pendant des jours pour oser réclamer un peu d'argent, le cœur serré, prête à encaisser des reproches. Et maintenant, pour leur fils, il suffisait d'un mot pour qu'on dise oui.

Une vague étouffante l'a submergée. Amélie a ressenti un besoin irrépressible de fuir ce foyer, cette famille où elle n'avait jamais trouvé sa place.

Et dans ce chaos, un seul visage s'est imposé à son esprit : celui d'Alexandre. Il est devenu, sans qu'elle s'en rende compte, son unique planche de salut.

Elle a quitté l'appartement en trombe. En bas de l'immeuble, elle a sorti son téléphone, trouvé son numéro et appuyé sur « appeler ».

« Allô. » La voix d'Alexandre, toujours posée et claire, est venue à son oreille.

« Monsieur Beaumont… » En l'entendant, ses yeux se sont embués sans qu'elle le veuille. Elle a serré le téléphone si fort que ses phalanges en ont blanchi et, d'une voix tremblante, elle a dit : « Épousons-nous. »
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