Chapitre 2 – Une vie modeste, un amour solide

Le mariage s’était déroulé simplement, sans faste, sans fanfare. Aucun orchestre, aucun banquet luxueux, aucune robe de créateur. Juste deux cœurs unis par la conviction profonde de s’aimer envers et contre tout. Et lorsque Caleb passa l’anneau au doigt d’Elliana, elle sut qu’elle ne regrettait rien.

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Avec les maigres économies qu’elle avait pu mettre de côté en secret — l’argent qu’elle avait reçu à ses dix-huit ans et qu’elle avait soigneusement caché —, Elliana acheta un petit appartement modeste à la périphérie de la ville.

Ce n’était pas bien grand : deux chambres, une petite cuisine, un salon minuscule mais chaleureux, et une salle de bain vieillotte au carrelage écaillé. Les murs portaient encore les traces d’anciens tableaux, et le plancher craquait sous les pas. Mais pour elle, c’était leur maison. Leur refuge.

Et ce refuge, elle le partageait désormais non seulement avec Caleb, mais aussi avec sa belle-mère Miranda et Cassie, la sœur cadette, toujours aussi sarcastique.

Les débuts furent rudes.

Miranda ne manquait pas une occasion de faire sentir à Elliana qu’elle ne serait jamais assez bien pour son fils.

— Tu cuisines sans goût, grognait-elle souvent. Tu coupes les légumes trop gros. Et regarde cette nappe… Une nappe ! On dirait que tu veux nous faire manger dans une cantine.

Cassie, elle, riait discrètement dans son coin, glissant parfois des remarques blessantes sous couvert d’innocence :

— Tu sais, dans les feuilletons, les orphelines ont toujours un passé tragique et un secret caché. C’est ton cas aussi ?

Mais Elliana ne répondait pas. Elle supportait. Chaque remarque, chaque soupir méprisant, chaque critique, elle les absorbait en silence, le cœur battant fort mais le regard calme. Parce qu’au bout de la journée, elle retrouvait Caleb. Son sourire, ses mots doux, ses bras autour d’elle. Et c’était suffisant pour panser les plaies.

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Quelques jours plus tard, alors que le soleil filtrait à travers les rideaux élimés de leur petit salon, Caleb entra, le visage rayonnant.

— J’ai trouvé du travail ! annonça-t-il.

Elliana se leva d’un bond, ses yeux s’illuminant.

— Tu plaisantes ?

— Non. Un poste d’assistant administratif dans une petite société. C’est pas grand-chose, mais c’est un début.

Elle se jeta dans ses bras, riant de bonheur, des larmes au bord des paupières.

— Je suis tellement fière de toi…

Miranda, depuis la cuisine, leva la tête. Cassie écoutait depuis le couloir. Après un instant de silence, la vieille dame parla :

— Eh bien, puisque notre Caleb a enfin réussi à se rendre utile, on devrait fêter ça.

Cassie bondit :

— Oh oui, maman ! On pourrait organiser un dîner ce soir !

Miranda se tourna vers Elliana avec un sourire faux :

— Tu pourrais nous préparer un grand festin, n’est-ce pas ? C’est le moment de prouver que tu sais faire autre chose que pleurnicher.

Un silence pesant tomba. Elliana baissa brièvement les yeux, puis hocha la tête.

— Très bien. Je vais cuisiner.

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Le soir venu, la table était dressée. Elliana avait sorti la vaisselle la plus élégante qu’ils possédaient. Sur la table, elle avait posé du poulet rôti, des légumes sautés, du riz parfumé, une soupe claire, et même un petit gâteau fait maison. Le tout préparé avec soin, malgré ses mains écorchées par les couteaux et la chaleur.

Ils s’assirent. Caleb prit sa main sous la table, discret, rassurant.

Miranda goûta la soupe, pinça les lèvres, et lâcha :

— C’est mangeable.

Cassie, pour une fois, ne dit rien. Peut-être avait-elle été touchée par les efforts visibles de sa belle-sœur. Ou peut-être était-ce seulement la nourriture qui lui avait fermé la bouche.

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Trois ans passèrent.

Trois années rythmées par les petits boulots, les économies, les courses calculées au centime près, les hivers sans chauffage et les étés sans ventilateur. Mais Elliana ne plia pas. Elle tenait bon. Elle riait avec Caleb, marchait main dans la main avec lui, et peu à peu, les remarques de Miranda s’étaient espacées, remplacées par des soupirs résignés. Cassie, elle aussi, avait cessé de se moquer. À force de voir Elliana se lever tôt, se coucher tard, sourire malgré tout, quelque chose en elle avait changé.

Puis, un matin… tout changea.

Elliana sortit de la salle de bain, les mains tremblantes, tenant un petit objet blanc.

Le test de grossesse était positif.

Elle s’approcha de Caleb, qui terminait son café dans la cuisine, et lui tendit le test, sans un mot. Il le prit, lut le résultat, releva les yeux vers elle.

— Tu es… ?

Elle hocha la tête, les larmes aux yeux.

Il l’enlaça aussitôt, la serrant fort contre lui.

— Tu vas être papa, murmura-t-elle.

Miranda, alertée par le bruit, arriva dans la pièce. Quand Caleb annonça la nouvelle, elle resta figée.

Puis, à la surprise générale, elle sourit. Un vrai sourire.

— Un petit-fils ? Oh, mon Dieu… Je vais être grand-mère…

Même Cassie, derrière, sourit doucement.

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Le soir, assise sur le canapé, Elliana regarda son téléphone longuement. Trois ans sans un seul appel. Trois ans sans nouvelle.

Mais ce soir-là, elle prit son courage à deux mains.

Elle appela.

Après quelques tonalités, une voix familière, grave, répondit.

— Allô ?

— …Papa, c’est moi. Elliana.

Un silence. Puis une inspiration lente.

— Elliana… comment vas-tu, ma fille ?

La voix d’Alaric n’était plus la même. Elle était plus douce, plus calme.

— Bien. Je vis modestement… mais je suis heureuse. Papa… je voulais te dire… je suis enceinte.

Un sanglot étouffé résonna dans l’écouteur.

— Tu vas être mère… Oh ma fille… Reviens à la maison. Avec ton mari. Tu es toujours la bienvenue ici. On t’a attendue.

Elliana sentit ses genoux fléchir. Elle tomba sur le canapé, les larmes coulant à flots.

— Vraiment ? Tu… Tu n’es plus en colère ?

— Je suis fier de toi, ma fille. Fier que tu aies tenu tête. Tu as trouvé le bonheur, et c’est tout ce qui compte.

Puis une autre voix retentit : celle de sa mère.

— Elliana ! Oh chérie ! Reviens vite ! Et ce bébé… c’est un cadeau du ciel. Tu nous as tellement manqué…

Avant de raccrocher, Elliana murmura :

— Dites-le à Lukas, Matteo et Julian. Dites-leur que je pense à eux…

— On leur dira, ma chérie. Reviens-nous vite.

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Cinq mois plus tard, alors que son ventre arrondi témoignait de la vie en elle, Elliana, assise sur le lit, regarda Caleb.

— Caleb…

— Hmm ?

— Je veux rentrer chez moi. Voir mes parents. Leur présenter l’homme de ma vie.

Caleb la regarda longuement. Puis sourit, tendrement.

— Alors, on rentre à la maison.