ÉvaVarsovie.Ville de béton fissuré, de mémoires enfermées dans des silences trop grands.Ville qui ne dort jamais vraiment, mais feint l’oubli avec la régularité d’un cœur fatigué.Nous avons laissé Cracovie derrière nous à l’aube, les mains tachées de cendre et la gorge pleine de rancune. Le nom du mort calciné dans la planque n’était pas écrit, mais Belmont savait. Il a reconnu les bagues. Les restes de tatouages sur la nuque. C’était Jonas K., ancien codeur de la Cellule Omega, disparu il y a cinq ans. Exfiltré. Planqué. Retrouvé. Brûlé.Un avertissement.Varsovie est différente. Plus fébrile. Plus verticale.Comme si la ville elle-même retenait son souffle.Nous entrons par les souterrains du quartier Praga, là où la lumière ne descend plus depuis les années de plomb. Des couloirs inondés. Des murs couverts de slogans en russe, en allemand, en sang séché. Belmont connaît l’endroit. Il l’a aidé à le construire, à l’époque. Quand il portait encore un autre nom. Une autre cause.—
ÉvaBerlin saigne derrière nous.Pas une blessure nette. Une hémorragie lente.Invisible. Persistante.Les sirènes sont loin maintenant, mais je continue d’entendre leur écho, comme un avertissement planté dans ma cage thoracique. Belmont conduit vite, trop vite pour quelqu’un qui a failli exploser de colère vingt minutes plus tôt. Mais ses mains sont stables. D’une précision chirurgicale. C’est son regard qui trahit tout.Il ne cligne plus.Il fixe la route comme on fixe un passé qu’on ne peut pas recracher.Comme si, en roulant assez vite, on pouvait écraser les souvenirs sous les pneus.Je reste silencieuse. Mon épaule brûle, mais je serre les dents. Je me suis battue avec pire. Le sang a coulé, mais pas assez pour m’arrêter. Pas ce soir. Pas maintenant que le frère est revenu d’entre les morts. Pas maintenant que les masques sont tombés.Le Faiseur.Je connaissais le nom. Pas le visage.Maintenant, je n’oublierai plus jamais ce regard.Ni la façon dont il a prononcé les mots : "Vo
ÉvaBerlin.Ville grise, nerveuse.Ville-cicatrice.Il y a dans ses rues un frisson constant, comme si le passé n’avait jamais réellement cédé sa place au présent. Tout ici respire le conflit, les secrets enterrés sous les pavés, les trahisons dans les murs. Et nous sommes là. Enfoncés dans cette ville comme des éclats de mémoire qu’elle tente de recracher.Il est 22h47 quand nous franchissons la frontière du quartier interdit. L’endroit n’a pas de nom sur la carte officielle. On l’appelle la Voûte. Un ancien bunker reconverti en sanctuaire clandestin par ceux qui, autrefois, régnaient depuis les coulisses. Belmont n’a pas dit un mot depuis l’aéroport. Mais ses mains parlent à sa place. Son poing s’est refermé trois fois. Toujours au même rythme. Toujours quand on évoque son frère.Et moi, j’écoute le silence.Celui entre deux respirations. Celui qui hurle qu’il va falloir choisir. Qui vivra. Qui mourra. Qui trahira.Le contact local, une femme aux yeux fendus de fatigue et de paranoï
BelmontIl y a dans l’air une odeur que je reconnais immédiatement.Celle du départ.De la guerre qui approche à pas feutrés, comme un loup prêt à bondir. Chaque seconde de ce matin volé me laisse un goût de fer dans la gorge. Un compte à rebours invisible est enclenché, et nous savons tous les deux que ce que nous avons partagé cette nuit ne pourra jamais être reproduit à l’identique. Parce qu’après aujourd’hui, nous ne serons plus les mêmes.Je la regarde. Elle s’habille lentement, méthodiquement. Pas par pudeur. Pas pour moi. Mais comme une femme qui sait que tout peut exploser à tout moment, et qui se prépare à survivre. Son regard est calme. Son corps encore tatoué de moi, de nous, de cette vérité nue que nous avons effleurée au creux des draps. Et pourtant, elle est déjà ailleurs. En mode guerre.Comme moi.— Qu’est-ce qu’on sait ? je demande, en enfilant une chemise.Éva attrape son téléphone, fait glisser l’écran avec une précision presque clinique.— Deux noms sont ressortis
ÉvaJe me réveille au ralenti, comme si mon corps refusait de quitter cette bulle hors du temps que nous avions créée. Chaque battement de cœur me rappelle la nuit passée, chaque frisson dans mes muscles encore tendus parle de lui. La lumière filtre à travers les volets, douce et dorée, caressant les draps froissés, la peau nue de son dos, et les traces silencieuses de nos confessions nocturnes.Je reste là, quelques secondes, à l’observer respirer. À me demander comment un homme comme lui peut dormir si paisiblement alors que le monde dehors s’effondre. Sa main est toujours posée sur ma hanche, possessive sans être lourde, comme un ancrage. Comme un serment.Je me blottis un peu plus contre lui, mon front contre l’angle de son omoplate, et je ferme les yeux. Juste une seconde encore. Une seconde où je ne suis pas la femme qu’on traque. Ni celle qu’on accuse. Ni celle qu’on redoute.Juste moi. Contre lui. Dans ce lit étroit. Dans ce matin suspendu.— Tu dors encore ? je murmure, la vo
ÉvaLa nuit a cette magie étrange qui délie les langues et les corps. Je le sens venir, d’abord dans la caresse presque hésitante de ses doigts sur mon épaule, puis dans la manière dont son regard se fait plus sombre, plus intense, capturant chaque frisson qui traverse ma peau.Il me fait basculer doucement sur le dos, ses mains encadrant mon visage comme pour mieux m’immerger dans son regard. Ses pouces effleurent mes joues, descendent lentement vers mes lèvres, effleurant la peau là où les mots n’ont plus de sens.Je ne bouge pas. Je n’ose pas. Je le laisse tracer son chemin, déchiffrer chaque parcelle de mon corps avec la délicatesse d’un homme qui sait que chaque toucher est un aveu.Il descend son visage vers mon cou, souffle chaud sur ma peau tendue. Ses lèvres effleurent ma clavicule, déposant des baisers brûlants qui font vibrer mes nerfs, réveillant des désirs que je croyais enfouis sous les blessures.Ses mains glissent de mes épaules jusqu’à mes hanches, tenant fermement ma