Éva pensait avoir laissé son passé derrière elle. Ancienne call girl, elle mène désormais une vie rangée, travaille comme secrétaire dans une entreprise et tente d’oublier les années sombres qui l’ont marquée. Mais tout bascule lorsqu’un homme d’affaires influent, Victor Lemaire, refait surface avec une série de photos compromettantes et des preuves accablantes de son ancienne vie. Il lui propose un marché : se rapprocher d’un concurrent qu’il veut ruiner, en utilisant ses anciens talents de séduction, ou voir sa nouvelle existence détruite. Coincée entre la peur, la honte et la colère, Éva accepte à contrecœur. Mais plus elle s’enfonce dans le jeu de Victor, plus elle comprend que les enjeux dépassent la simple vengeance d’un homme… Et que pour reprendre le contrôle, elle devra redevenir celle qu’elle croyait avoir enterrée.
View MoreÉva
Chaque matin, je prends le même métro.
Même rame, même horaire, même place quand elle est libre. Ligne 9, direction Pont de Sèvres. Je me glisse dans la foule comme dans une seconde peau. Silencieuse. Anonyme. Invisible.
Je ne me mêle à personne. Je n'échange pas de regards. C’est une sorte de danse muette où chacun connaît sa place, où chacun joue son rôle. Personne ne me remarque. Et c’est parfait ainsi. Chaque matin, j’embrasse cette solitude douce, ce cocon qui me protège des autres.
À 7h52, je passe les portiques. Je sais que je suis dans les temps. À 8h06, je monte dans l’ascenseur en verre du bâtiment gris qui abrite les bureaux de Delcourt & Associés, cabinet d’avocats d’affaires. La vue depuis l’ascenseur est splendide, mais je n’y prête pas attention. Je me concentre sur mon reflet dans le verre, sur la manière dont je suis devenue presque une étrangère pour moi-même. Je souris brièvement à la réceptionniste, je réponds à quelques bonjours de manière mécanique, et je m’installe à mon poste. Bureau 14B, sixième étage.
Je n'ai jamais été faite pour être remarquée. Je me fonds dans les murs, dans la lumière blanche des néons, dans le bruit des photocopieurs et des discussions à voix basse. Mon existence s'écoule ici, sans vagues, à l’abri des tempêtes.
Je classe, je trie, je prépare des dossiers confidentiels pour des hommes pressés en costume. Ils m’appellent Mademoiselle Caron. Jamais Éva. Encore moins Lune. Ce nom appartient à un autre temps. À un autre moi. Celui que j’ai laissé derrière moi, noyé sous une mer de silence.
La journée passe dans une lente succession de gestes mécaniques. Je réponds à des emails que je ne lis jamais vraiment, je distribue des dossiers que je n’ouvre pas, je prends des appels auxquels je n’écoute que d’une oreille distraite. Le rythme est parfait. Prévisible. Sécurisant.
Et surtout, propre.
C’est cela, ma victoire. La normalité. Le vide. Un vide que j’ai appris à aimer, à cultiver. Dans ce silence, je me sens en contrôle. En sécurité. Le monde extérieur n’existe plus, et je suis enfin à l'abri de ses douleurs, de ses excès.
À 12h30, je déjeune seule. Toujours. Un sandwich au pain noir, une bouteille d’eau minérale. Je me rends dans la salle de repos, mais je n’y reste jamais plus de dix minutes. Pas de discussions futiles. Pas de complicité. Je suis l'ombre parmi les ombres. Je ne réponds jamais aux invitations. Pas de verres après le boulot, pas de sorties, pas d’amies. Il y a un monde entre l’isolement choisi et la solitude subie. Le mien est un bunker.
Je rentre chez moi à 18h17. Mon appartement est petit, mais il est mien. 34m², deuxième étage, immeuble sécurisé. Je verrouille la porte à double tour, comme chaque soir. Puis je me déshabille, me débarrassant de mes vêtements de fonction comme d’une armure. Je prends une douche chaude, je laisse l'eau faire son travail : effacer la journée, effacer mes pensées. Ensuite, une tisane. Un roman ennuyeux, un autre rituel, une distraction pour endormir mes rêves. Je dors tôt, je rêve peu.
Je suis sobre de tout : d’hommes, de plaisir, de souvenirs. Et tout cela me va parfaitement.
Mais ce soir, à 17h59, tout s’arrête.
Je sens sa présence avant même de le voir. Un frisson, une vibration dans l’air. Ce n’est pas un bruit, pas une parole. C’est une fausse sensation, une tension invisible mais palpable, qui fait vaciller l’équilibre fragile que j’ai réussi à établir autour de moi. Il est là, avant même d’être apparu. Une fissure dans mon système, un trouble que je n’avais pas anticipé.
Je relève les yeux.
Il est là.
Assis, comme s’il m’avait toujours attendue. Victor Lemaire. Tailleur de requins, destructeur de femmes. Mon passé le plus intime. Mon bourreau. Mon initiateur. Celui pour qui j’ai dit oui à tout, jusqu’à m’oublier.
Il n’a pas changé. Toujours ce regard froid comme un lac gelé, cette mâchoire tranchante, ce sourire carnassier. L’assurance de celui qui a toujours tout contrôlé. Il ne bouge pas, me fixe. Il ne me dit rien, mais il est déjà tout.
Je m’arrête dans mon geste, une fraction de seconde trop tard, me laissant submerger par une terreur sourde. Il sourit. Lentement. Dangereusement.
— Bonjour, Éva.
Mon nom entre ses lèvres me brûle. C’est une sentence, une marque de possession qu’il laisse sur moi, un peu comme une cicatrice invisible. Je me fige, mon cœur bat trop fort, trop vite. Je vois les murs de ma routine se fissurer sous son regard.
— Vous n’avez rien à faire ici.
Ma voix est plus ferme que je ne l’aurais cru. Mais mes doigts se crispent sur la souris. La tension dans l’air est électrique, chargée, menaçant de déborder à chaque instant.
— Et pourtant, me voilà, souffle-t-il, une pointe de défi dans la voix.
Il se lève lentement, comme s’il prenait possession de l’espace. Il contourne mon bureau avec cette démarche fluide, prédateur. Je devrais me lever, m’opposer, crier, fuir, faire quelque chose. Mais je reste figée, incapable de bouger.
Il sort une enveloppe. Blanche. Cachet rouge.
Mon estomac se noue. Mon souffle se fait court.
Je sais ce qu’elle contient. Des preuves. Des images. Des mots griffonnés sur des contrats de silence, de servitude. Tout ce que j’ai fui pendant cinq ans. Tout ce que j’ai enfoui sous des couches de non-dits et de promesses brisées.
Il la dépose, comme un trophée, un rappel cruel de ce que j’ai perdu. Ce passé qui ne me lâche jamais vraiment.
— Tu as bien effacé toutes les traces, murmure-t-il, presque avec tendresse. Mais moi, je les ai gardées. Avec soin.
Je ne dis rien. Mes mains tremblent, mais je le cache, ou du moins j’essaie. Il le remarque. Il aime ça. Il aime me voir perdre le contrôle.
— Qu’est-ce que vous attendez de moi ?
Je le demande plus pour moi-même, comme si cette question pouvait dissiper la brume qui m’envahit. Mais je connais déjà la réponse. Je la vois dans ses yeux.
— Une dernière mission.
Il sourit. Ce sourire-là. Celui qu’il avait quand il me regardait m’abandonner dans ses draps, quand il jouait à me briser doucement, à me modeler selon ses désirs. Celui qu’il avait lorsque je lui ai dit "oui", sans savoir que c’était un oui pour tout.
— Non, dis-je, sans conviction. Je sais déjà que ce mot ne changera rien.
Mais ma voix sonne faux, trahie par l’écho du passé qui résonne en moi. Lui le sent. Il se rapproche, lentement, inéluctablement, comme un prédateur en pleine chasse.
— Ce que tu étais… Ce que je t’ai appris à devenir. Je veux que tu le sois encore. Une seule fois. Pour moi.
BELMONTJe n’ai pas dormi.Le sommeil s’est évaporé, comme tout le reste.Elle est là, dans mon lit, roulée en boule, minuscule, presque invisible.Elle respire doucement, mais moi, je suis incapable de fermer l’œil.Chaque minute qui passe ne fait qu’épaissir cette boule dans ma poitrine.Je la regarde.Ses épaules tressaillent par moments, comme si même dans ses rêves, quelque chose la traquait encore.Son corps garde la mémoire de ces coups.Comme si cette douleur, cette peur, étaient tatouées sous sa peau.Je serre les poings si fort que mes jointures blanchissent.Je ne sais même pas si c’est contre moi ou contre ce fantôme qu’elle a recraché hier soir.Cet homme.Ce salaud.Je sens ma gorge se nouer rien qu’à imaginer ses mains sur elle, ses regards, sa voix peut-être, et cette putain d’ombre qu’il a laissée en elle.Une ombre que je n’avais pas vue.Une ombre que je hais de toutes mes forces.Je me lève, incapable de rester immobile.Le plancher grince sous mes pas, mais elle n
ÉVAJe ne sais pas comment mes jambes me portent encore.Chaque pas est un effort. Chaque respiration, une tentative.Je suis vide, et pourtant pleine de cendres.Je suis entrée derrière lui.Pas dans notre appartement.Pas dans ce cocon que j’avais commencé à appeler maison.Mais chez lui. Belmont seul. Belmont sans moi.Tout est identique. Et tout a changé.Les murs sont les mêmes, mais il n’y a plus de chaleur dedans.Juste ce froid.Ce vide qui a pris la place de l’avenir.La porte claque derrière nous.Pas violemment.Mais avec cette douceur tranchante qu’ont les gestes qui savent déjà qu’ils vont faire mal.Il ne me regarde pas.Il pose les clés.Il retire sa veste.Il fait semblant d’être calme.Mais je le vois : ses épaules sont raides, son dos tendu, ses gestes trop lents, trop précis.Comme s’il se contenait pour ne pas exploser.Le silence s’installe.Épais.Insupportable.On entendrait presque mon cœur battre dans ma gorge.Je reste debout, près de la porte.Je n’ai même p
BELMONTJe suis resté là.Debout.Les poings fermés, les dents serrées, le cœur écartelé.Et tout autour de moi… le vide.Un vide qui respire.Un vide qui gronde.Un vide qui, lentement, prend forme et me dévore.Le silence est une bête vivante.Il se glisse dans mes os.Il appuie là où ça fait mal.Il me dit ce que je refuse encore de croire.Elle est partie.Sans un mot.Sans un regard.Sans même une tentative de me retenir.Et ce départ-là… ce n’est pas de la fuite.C’est de la résignation.Comme si elle savait déjà que c’était fini.Je vois les invités, hébétés, qui s’éparpillent comme des feuilles mortes soufflées par une rafale.Certains ont le regard fuyant.D’autres restent accrochés à moi comme à un spectacle qu’ils ne comprennent pas mais qu’ils veulent voir jusqu’au bout.Un homme s’approche, pose la main sur mon épaule , je crois que c’est mon frère.Ou peut-être le traiteur.Qu’importe.Je le repousse.Doucement.Mais assez fermement pour qu’il comprenne : je ne suis plus
BELMONTAu début, je ne comprends pas.La voix qui s’élève est comme un sifflement dans l’oreille, une vibration parasite, dérangeante, incongrue. Trop réelle pour être un rêve, trop irréelle pour avoir sa place ici, dans cette parenthèse parfaite que je m’étais efforcé de maintenir en vie.Puis elle revient.Plus forte.Plus claire.Un nom.Le sien.— Éva n’est pas celle que vous croyez.Tout vacille.Tous les regards se tournent, aimantés.Les murmures se figent.Une femme lâche un cri étouffé.Le prêtre baisse lentement les mains.Et dans le silence suspendu, comme après une détonation, lui entre.Grand, sec, vêtu de sombre, avec dans les yeux cette flamme trouble de ceux qui n’ont plus rien à perdre.Ses pas résonnent, sûrs.Il avance.Comme s’il était invité.Comme s’il était chez lui.Et tout dans mon corps me hurle que je le connais.Pas son nom.Mais son odeur.Son aura.Son rôle.Il était là. Dans les rapports classés. Dans les photos floues qu’un contact m’avait envoyées à l
ÉVALe silence autour de moi est lourd, presque palpable, comme une épaisse couverture de velours qui enveloppe la chambre encore endormie, où la lumière hésite à entrer, tamisée, presque grise, venue d’un ciel bas et plombé. J’ouvre les yeux, et ce que je ressens d’abord, c’est le poids immense de la nuit encore accrochée à mes paupières, une résistance sourde avant que la conscience ne revienne, lentement, avec cette étrange sensation d’un souffle suspendu, comme si le temps lui-même avait retenu son souffle pour ne pas me brusquer.La robe est là, posée sur la chaise, immobile, comme une promesse silencieuse qui attend, ou peut-être une menace qui s’est tapie sans bruit dans les plis de sa dentelle. Je la regarde, incapable encore de la toucher, parce qu’elle semble chargée d’une histoire que je ne sais pas encore affronter, qui me dépasse, me fascine autant qu’elle me terrifie. Chaque pli, chaque dentelle, chaque fil semble murmurer un secret ancien, un pacte fragile. J’essaie d’y
ÉVALa nuit est tombée sans bruit. Comme une couverture humide qu’on aurait posée sur mes épaules. Pas une nuit noire, non une nuit grise, étouffée, pleine de choses non dites. Tout est prêt, m’a dit Bella avant de se retirer. Les fleurs sont installées. La robe est suspendue, au bout du cintre comme un fantôme qui attend. Le vin a été livré. Les témoins sont là, à quelques chambres d’ici, à moitié endormis.Et moi, je fixe le plafond.Je n’ai pas trouvé le sommeil. Pas même la fatigue.Mon corps est allongé, mais mon esprit tourne comme une bête enfermée dans une cage trop étroite.Je passe les doigts sur la couture du drap, machinalement, en boucle. La lune filtre à peine par la fenêtre, trop voilée. Les murs me regardent. Et dans chaque ombre, je crois reconnaître un souvenir.Un doute.Une peur.La nuit, les choses prennent toujours une autre forme. Plus tranchante. Plus ancienne.Et ce soir, c’est tout ce que je suis qui remonte à la surface.Je me lève. Pieds nus. En chemise. Je
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