Chapitre 30 Cela fait une semaine, une semaine que le patriarche Augustin Mayala avait tiré sa révérence, emportant avec lui une part de l’âme de la famille et de l’empire. Six jours que Kenneth portait en lui un secret lourd et joyeux, une lumière dans les ténèbres : il allait être père. Personne d’autre ne le savait. Cette nouvelle était leur sanctuaire, leur forteresse intime contre le deuil et les complots.Ce matin-là, le ciel de Cotonou était d’un bleu implacable, ironiquement serein pour des funérailles. La cérémonie, intime, avait été chargée d’une émotion sobre et profonde. La famille, ou ce qu’il en restait, était là, drapée de noir et de silence. Kenneth, droit et pâle, serrait la main d’Eniko comme une ancre. Maya, la veuve, sanglotait doucement, soutenue par une cousine. Félix, lui, arborait une gravité de circonstance, mais ses yeux balayaient l’assistance avec une avidité mal dissimulée.Quand le dernier hommage fut rendu et que la terre eut recouvert le cercueil, un s
Chapitre 29 « Père, » murmura-t-il une fois de plus, pour lui-même, comme pour s’en convaincre.Puis, un élan irrépressible le saisit. Il se tourna vers Eniko, prit son visage entre ses mains – des gestes d’une douceur – et l’embrassa. Ce ne fut pas un baiser de passion dévorante comme celui du bureau, mais quelque chose de plus profond, de plus tendre, un sceau posé sur l’incroyable nouvelle, une promesse murmurée contre ses lèvres.Le Dr, témoin de cette scène intime, toussota discrètement pour ramener un peu de professionnalisme dans la pièce. « Je comprends votre émotion, » dit-il, un sourire bienveillant aux lèvres. « Mais désormais, la priorité absolue, c’est le calme et le bien-être de madame. Le stress est à proscrire. Elle doit être tranquille. »Kenneth se redressa aussitôt, son expression passant de l’émerveillement à une détermination de chef de guerre planifiant une campagne cruciale. « Qu’est-ce que je dois faire ? » demanda-t-il, le regard acéré. « Des vitamines ? Un r
Chapitres 28 Le chaos qui suivit l'évanouissement d'Eniko mit fin à toute prétention de réunion. Koffi fut le premier à réagir, apportant un verre d'eau tandis que Kenneth, pâle comme la mort, s'agenouillait à côté de sa femme, lui tapotant les joues.« Eniko ? Eniko, réponds-moi ! »Elle revint à elle en toussotant, le regard vitreux, perdue. Les voix confuses et les visages inquiets lui parvenaient comme à travers un brouillard.« Je... ça va, » murmura-t-elle en tentant de se redresser, une main sur son front. « J'ai été un peu étourdie ces derniers jours... Ce n'est rien. »Félix, resté debout, lâcha avec un cynisme qui glaça le sang : « Si ce n'est rien, alors nous pouvons reprendre la réunion. Nous n'avons pas de temps à perdre. »Mais l'humeur de la salle avait tourné. M. Diallo, se leva, le visage fermé. « s'en est assez, Félix. Convoquer cette assemblée le lendemain de la mort d'Augustin était une erreur. Manquer de respect à sa belle-fille en est une autre. » Il se tourna
Chapitre 27 Eniko s'étira lentement, la mémoire des événements de la veille lui revenant comme un coup de massue. Le côté du lit était vide.Elle se redressa, alarmée. Kenneth était debout, déjà vêtu d'un costume sombre et impeccable, ajustant sa cravate devant le miroir de la coiffeuse. Ses traits étaient tirés, ses yeux cernés, mais son regard était de pierre. La vulnérabilité de la nuit avait été remplacée par une froide détermination.« Kenneth ? Qu'est-ce que tu fous debout à cette heure? » demanda-t-elle, la voix encore ensommeillée mais pleine d'inquiétude. « Il est... 8h du matin. Tu devrais te reposer. »L'ascenseur privé s'ouvrit dans un silence de cathédrale. Le hall d'accueil du siège de Mayala Industries, un monument de verre et d'acier baigné dans la lumière matinale, était étrangement calme. Seuls quelques employés, surpris et mal à l'aise, assistèrent à l'arrivée de Kenneth Mayala. Vêtu d'un costume sombre qui accentuait la pâleur de son visage, il avançait d'un pas m
Chapitre 26 La nouvelle avait frappé Cotonou comme une onde de choc. Augustin Mayala était mort. Les radios locales interrompirent leurs programmes, les téléphones portable vibraient sans cesse, et une atmosphère lourde, entre stupeur et consternation, planait sur la ville.Eniko l’apprit en sortant de chez ses parents. Le message de son ami farid : « Mon cœur est avec toi et la famille Mayala, Terrible nouvelle pour Augustin. » Son monde bascula...Elle resta un long moment figée sur le trottoir, le téléphone à la main, les bruits de la ville – les klaxons des zemidjan, les appels des marchandes – devenant un lointain bourdonnement. Une vague d’émotions contradictoires la submergea : une tristesse sincère pour cet homme imposant, un effroi face à la brutalité de la mort, et surtout, une inquiétude viscérale pour Kenneth.Elle composa son numéro, le cœur battant. La sonnerie retentit, encore et encore, pour finalement basculer sur la messagerie. « L'abonné que vous demandez… » La voi
Chapitre 25 Kenneth marchait d'un pas rapide et décidé dans le couloir aseptisé, Koffi à ses côtés. Le poids des mots de son père lui écrasait les épaules.« Il a changé, Koffi, » murmura Kenneth, sans ralentir. « Ce n’était pas la confusion. Dans ses yeux, il y avait une lucidité… une peur. Et dans sa voix… on aurait dit qu’il soupçonnait un truc. Qu’il savait quelque chose. »Koffi le regarda, perplexe. « Qu’est-ce que tu veux dire ? Tu penses qu’il sait ? Pour… pour Félix ? »Kenneth s’arrêta net, se tournant vers son homme de main. Son visage était un masque de conflit intérieur. « Je ne sais pas trop… C’est une impression. Comme s’il essayait de me prévenir d’un danger qu’il venait juste d’identifier. Un danger qui venait de l’intérieur. »Il secoua la tête, essayant de chasser le doute. « Peut-être que je deviens parano. Mais après la petite comédie de Félix avec ma mère… »Sa phrase resta en suspens, coupée nette par une sonnerie stridente qui déchira le calme feutré du couloi