Share

Chapitre 2

Author: Perrine Béliveau
Séverine était revenue pour récupérer ses affaires. À peine avait-elle franchi l'entrée qu'un rire aigu l'a fait frissonner d'agacement : l'homme d'ordinaire si réservé était assis près de Thaïs, lui racontant des plaisanteries pour la divertir.

« Atchoum... » a émis Thaïs d'une voix mielleuse.

« Tu as froid ? » s'est inquiété Florian dans l'instant. Il a retiré sa veste de costume d'un prix faramineux et l'a déposée délicatement sur ses épaules.

Thaïs a levé les yeux et son regard a croisé le sien. Leurs visages étaient si proches que leurs nez ont failli se frôler. L'air a semblé se figer un bref instant. Une ambiguïté gluante, tacitement partagée, s'est propagée dans le silence.

Séverine, restée dans l'entrée, a esquissé un sourire froid.

Vraiment, elle avait dû être aveugle. Elle qui avait autrefois pris les prévenances excessives de Florian pour de la pure responsabilité envers la veuve de son frère… Leur relation avait depuis longtemps franchi les limites.

« Séverine ? » Thaïs, l'apercevant enfin, a sursauté comme un lièvre effrayé, son visage trahissant la culpabilité et l'affolement, « Ne… ne te méprends pas ! Florian veille juste sur moi, il craint que je tombe malade… »

Vraiment ? Juste veiller ?

Séverine a ricané. Son mari s'affolait pour un éternuement de sa belle-sœur dans une maison surchauffée… Mais la veille, quand elle était restée presque inconsciente de froid dans la neige, vêtue d'une simple robe, où était-il donc ?

Peu importait. Ces détails mesquins ne méritaient plus son attention.

Refusant de s'attarder sur ce couple écœurant, elle a traversé le salon en silence et est montée directement à l'étage.

La chambre regorgeait de souvenirs de trois années de bonheur. Séverine n'a emporté que le strict nécessaire, une seule valise. Les cadeaux de Florian, le collier de diamants pour leur anniversaire, le sac édition limitée pour son anniversaire, les roses éternelles de la Saint-Valentin, jusqu'aux lettres d'amour et aux gages de promesse, tout a atterri dans la poubelle.

Cet homme l'avait trahie sans la moindre hésitation. Que garder de ces reliques, sinon le souvenir cuisant de sa propre naïveté et de sa cécité passée ?

Elle a glissé son acte de mariage dans la valise et en a fermé la fermeture éclair. Au moment de se relever, une violente vertige l'a saisie. Elle a chancelé, se retenant de justesse à la poignée du bagage.

La maladie frappait enfin. Son corps n'avait pas résisté à la nuit glaciale.

Refoulant son malaise, elle s'apprêtait à gagner l'hôpital avant de rejoindre Maxime, mais la silhouette imposante de Florian a bloqué soudain la porte.

Son regard est tombé sur la valise. Son visage s'est assombri instantanément : « Après une nuit de réflexion, j'espérais que tu aurais retrouvé la raison. »

Quelle sinistre moquerie. Comme si toutes ses blessures pouvaient se dissiper en une nuit. Comme si elle devait revenir en rampant, comme un chien docile, reprendre son rôle d'épouse soumise.

« En effet, j'y ai bien réfléchi », a-t-elle ricané, glaciale, « une pièce tombée dans un égout garde à jamais son odeur fétide, même nettoyée. Tout comme un homme infidèle. Je vous souhaite à toi et à ta chère belle-sœur une vie heureuse… et une nombreuse progéniture ! »

Florian l'a interrompue, livide : « Assez ! Combien de fois devrai-je le répéter ? Thaïs est enceinte par devoir envers les Battier. En dehors de cela, tout est irréprochable entre nous. »

Il a ajouté, le visage dur : « Et cet enfant a été conçu par FIV ! »

Et alors ? Cette justification rendait-elle cette mascarade plus acceptable ?

« Vraiment ? » a rétorqué Séverine, cinglante, « Alors, cet enfant t'appellera tonton… ou papa ? »

« Dois-tu être aussi venimeuse ? J'ai tout fait pour t'expliquer. Que veux-tu de plus ? »

« Expliquer ? Tes explications feront-elles disparaître l'enfant ? Remonteront-elles le temps ? Crois-tu qu'elles m'obligent à pardonner ? »

Elle l'a repoussé et a saisi sa valise : « Dès l'instant où tu as décidé de donner un enfant à Thaïs, tout s'est achevé entre nous. »

« Achevé ? »

Ce mot a fait sonner tous les signaux d'alarme dans l'esprit de Florian. D'un geste vif, il l'a tirée brutalement contre lui, encerclant sa taille de ses bras pour l'emprisonner dans son étreinte. « Tu peux te mettre en colère, crier, m'en vouloir, mais mettre fin à notre relation ? Jamais ! Séverine, souviens-toi, tu seras TOUJOURS mon épouse ! »

Son épouse ? Séverine a eu un rire froid, comme face à une sinistre plaisanterie : « Avons-nous ne serait-ce qu'un acte de mariage officiel ? »

Florian en est resté interdit, se rappelant soudain ce détail qu'il avait toujours négligé.

Mais presque aussitôt, comme saisissant une nouvelle prise, il a murmuré avec un sourire léger : « Alors c'est ça ? Tu veux que nous officialisions immédiatement ? Pour réparer cette erreur ? Soit. Maintenant que Thaïs est enceinte, ma mère ne s'y opposera plus. Allons à la mairie tout de suite. »

Il a pris sa main, ajoutant avec une douceur possessive : « À une condition : une fois le papier en poche, tu te calmes. Finies les caprices, reste à mes côtés et prends soin de Thaïs. »

Sincèrement, la première pensée de Séverine était que cet homme avait perdu la raison.

En était-il arrivé à croire qu'un acte résoudrait tout ? Qu'elle pourrait feindre l'ignorance et s'occuper humblement de Thaïs… et de leur enfant ?

Sa voix est devenue aussi tranchante que de la glace pilée : « Florian, tu es fou ou quoi ? Écoute-moi bien : je suis déjà mariée. Avec un autre. »

À cet instant, Thaïs a crié : « Florian ! J'ai mal au ventre… Tu peux m'emmener à l'hôpital ? » Adossée au chambranle, une main sur le ventre, elle arborait une expression souffrante.

L'attention de Florian a basculé immédiatement. Il a lâché Séverine pour se précipiter vers elle, la soutenant avec empressement : « N'aie pas peur, je t'y conduis tout de suite. »

Puis, se retournant vers Séverine, il a lancé : « Nous reprendrons cette conversation à mon retour. »

Thaïs, frêle et tremblante, s'est appuyée lourdement contre lui et a murmuré dans un souffle : « Je… je n'ai plus de forces… »

Sans la moindre hésitation, l'homme l'a soulevée dans ses bras, descendant l'escalier d'un pas à la fois pressé et prudent.

Blottie contre lui comme un oiseau frileux, Thaïs a posé sur Séverine, restée immobile, un regard chargé de provocation et de triomphe.

Cette femme ne prenait même plus la peine de sauver les apparences ?

Un rire froid aux lèvres, Séverine les a regardés disparaître dans l'ascenseur. Refoulant la douleur qui lui transperçait la poitrine, elle a saisi fermement sa valise et a quitté cette prison.

À l'hôpital, la fièvre de Séverine était brûlante. Même après tous les examens, une lourdeur l'envahissait, sa conscience luttant aux frontières du délire.

« Mme Jaubert, la perfusion contient un sédatif. Vous risquez de vous endormir, et il faut absolument qu'un proche reste auprès de vous. Où est votre famille ? »

Sa famille ?

Elle a eu un sourire crispé, ses doigts déverrouillant machinalement son téléphone. L'écran s'est illuminé, révélant une publication de Thaïs, postée quelques minutes plus tôt.

On y voyait la jeune femme, fragile et souriante, blottie contre l'épaule d'un homme, le visage rayonnant de quiétude et de bonheur.

La légende, ironique, disait : « Ce n'était qu'un petit malaise… Mais voilà qu'il affole tout le monde, m'hospitalise, annule une réunion de cent personnes et ne me quitte pas d'une semelle. Ah, être trop choyée, quel tourment ! »

Même si la photo ne montrait qu'un profil masculin flou, Séverine a reconnu instantanément l'homme qui avait partagé sa vie durant des années.

Ses doigts glacés se sont mis à trembler, au point qu'elle a failli laisser échapper son téléphone. Un frémissement incontrôlable l'a parcourue.

Elle a fixé longuement l'image, très longuement. Jusqu'à ce que le désespoir l'envahisse tout entière, et que la dernière lueur de chaleur dans ses yeux s'éteigne.

« Madame, pourriez-vous me trouver une aide-soignante ? » a-t-elle demandé finalement.
Continue to read this book for free
Scan code to download App

Latest chapter

  • Et pourquoi pas son cousin ?   Chapitre 30

    Au moment où Florian était expulsé de la salle, Pauline et Thaïs arrivaient en courant.Le visage de son fils, décomposé et comme vidé de son âme, a serré le cœur de Pauline et a attisé sa colère. Elle s'est tournée vers les lourdes portes closes de la cérémonie et a craché avec venin : « Cette traînée de Séverine ! Comment ose-t-elle ?! Elle sait très bien que Maxime est ton ennemi. L'épouser, c'est te planter un couteau dans la poitrine ! Cette femme est pourrie jusqu'à la moelle ! »Thaïs, elle, ne partageait pas cet état d'esprit. Une joie intense bouillonnait en elle, elle aurait dansé sur place ! Mais en « actrice » consciencieuse, elle a arboré une expression inquiète et compatissante. Elle s'est approchée avec une feinte fragilité et a saisi le bras valide de Florian.« Calme-toi, je t'en prie… À présent, le banquet de reconnaissance ne peut être reporté. Tous les invités nous attendent. Je refuse que notre enfant devienne la risée de tous. C'est la priorité aujourd'hui. Nous v

  • Et pourquoi pas son cousin ?   Chapitre 29

    Quant à Maxime, un voile dangereux a glissé sur son regard tandis qu'une aura glaciale émanait de toute sa personne.Florian s'est approché de Séverine, la main tendue pour saisir son bras d'un geste déformé par l'émotion. « Assez de ces enfantillages ! Cette fois tu dépasses toutes les limites ! Rentrons immédiatement. »La femme a reculé d'un pas vif, évitant son contact. Son regard était de glace. « Des enfantillages ? Florian, à cet instant, tu persistes à croire qu'il s'agit d'un caprice ? »« Si ce n'en est pas un, qu'est-ce donc ? Le mariage n'est pas un jeu, et Maxime encore moins un instrument pour me provoquer. Ressaisis-toi », a-t-il grondé, le visage marqué par l'amertume, « tu es mon épouse. Nous avons échangé nos vœux devant tous ! »D'une voix trop calme qui en devenait cruelle, Séverine lui a rappelé : « Aux yeux de la loi, nous ne sommes rien. Et cette nuit de neige où tu as laissé ta mère me chasser, tout s'est achevé entre nous. »« Ce n'était... qu'une mesure tempor

  • Et pourquoi pas son cousin ?   Chapitre 28

    Mais la seconde suivante, il a secoué violemment la tête comme pour chasser cette pensée absurde : « Non, impossible. C'est Joséphine. Aujourd'hui, c'est son mariage avec Maxime. Je deviens fou, comment ai-je pu imaginer que c'était Séverine ? »« Florian, le banquet va commencer. Que fais-tu encore planté là ? » Pauline, sortie de la salle, le pressait avec impatience, « Cette stérile ne vient pas ? Tant mieux ! Qui a besoin d'elle comme mère pour mon petit-fils ? Elle ne porte que malheur ! »Les sourcils froncés, Florian a insisté, entêté : « Attendons encore. Elle viendra. »Il croyait connaître le caractère de Séverine. Il croyait en sa sensibilité, en sa capacité à comprendre les priorités et à se présenter à cet événement capital.Observant la distraction profonde de Florian, Thaïs a plissé les yeux. Dissimulant son geste, elle a pincé cruellement la cuisse tendre de l'enfant qu'elle portait.Les pleurs déchirants d'Éden ont éclaté aussitôt.Pauline, le cœur serré, le lui a repr

  • Et pourquoi pas son cousin ?   Chapitre 27

    Séverine a haussé un sourcil et a décroché.À peine la communication établie, la voix volontairement suraiguë de Thaïs, saturée de vantardise et de triomphe, lui est parvenue : « Séverine, as-tu vu les nouvelles ? Aujourd'hui, au Saint-Honoré, l'hôtel le plus prestigieux, Florian donne un banquet en l'honneur de notre fils. »« Il a exigé le faste et le luxe absolus, et a convié toutes les personnalités influentes de Sudville. À partir de maintenant, tous sauront que mon fils est l'aîné légitime de Florian, son héritier désigné ! Rien ni personne ne pourra briser ce qui nous lie. Nous formerons à jamais la famille la plus unie. »Face à cette provocation si crue, Séverine a conservé son calme, son regard toujours posé sur son propre reflet radieux, vêtu de la robe nuptiale.« Thaïs, es-tu certaine de vouloir me défier en un tel jour ? » Ses lèvres rouges se sont entrouvertes, la voix à la fois glaciale et lourde de sarcasme, « Florian espère ardemment ma présence, tu sais. Si je décida

  • Et pourquoi pas son cousin ?   Chapitre 26

    À peine avait-il achevé sa phrase que son téléphone a vibré par saccades. Des messages ont afflué dans une conversation de groupe.« Florian, info explosive ! Tu te souviens de Joséphine ? La soi-disant première amour de Maxime ? Elle est de retour ! »« À l'époque, Maxime a failli y laisser sa peau pour elle. Après son départ, c'est comme s'il avait développé une aversion pour les femmes. Toute celle qui osait l'approcher s'en mordait les doigts ! Ce mariage soudain… Si ce n'est pas elle, je traverse la Seine à la nue ! »« Félicitations, Florian. Ton cousin, sans la moindre faille toutes ces années, t'a tenu sous son talon et accaparé pouvoir et statut. Mais voilà son point faible de retour. Tu tiens enfin une prise. Relève-toi et reprends ce qui t'appartient. »Florian a dévoré chaque mot. Ses nerfs, tendus à l'extrême, se sont relâchés soudain, comme une lanière brutalement coupée.Joséphine Toutain…Bien sûr. Comment avait-il pu l'oublier ? Pour un homme aussi froid que Maxime, qu

  • Et pourquoi pas son cousin ?   Chapitre 25

    « Tu… comment as-tu pu… toucher à ma blessure ? » La voix de Florian n'était qu'un tremblement.Séverine a reculé de plusieurs pas, mettant entre eux une distance froide : « Si tu doutes que j'épouse Maxime, va donc le lui demander toi-même. »La douleur lui déchirait toujours le bras, un filet pourpre dégoulinait sur sa main. Rien, pourtant, face au sentiment de trahison qui lui écrasait l'âme. Il a fixé cette femme, son visage n'était plus qu'un masque étranger, et son regard mêlait à parts égales un choc glacial et un chagrin sans fond.« Séverine, comment as-tu pu changer à ce point ? » L'accusation a jailli, teintée d'une amertume profonde, « je n'ai fait que demander à Thaïs de me donner un enfant. Pourquoi cette rage sans fin ? Quand cela cessera-t-il ? »Son entêtement et son aveuglement absolu ont soulevé en Séverine une irritation intense.Elle a tourné les yeux vers Maxime, qui venait de raccrocher.Parfait. Qu'il règle cela lui-même, une bonne fois pour toutes.Le téléphone

More Chapters
Explore and read good novels for free
Free access to a vast number of good novels on GoodNovel app. Download the books you like and read anywhere & anytime.
Read books for free on the app
SCAN CODE TO READ ON APP
DMCA.com Protection Status