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Et pourquoi pas son cousin ?
Et pourquoi pas son cousin ?
Author: Perrine Béliveau

Chapitre 1

Author: Perrine Béliveau
« Florian, je veux la vérité. L'enfant que porte Thaïs… est-il de toi ? » La voix de Séverine n'était qu'un souffle, son visage décoloré par l'horreur de cette réalité trop cruelle.

Il y a sept mois, Aymeric, le frère aîné de Florian, avait péri dans un accident. Éprouvant de la compassion pour Thaïs, sa belle-sœur désormais enceinte et seule, Séverine lui avait prodigué des soins attentifs au quotidien, l'avait accompagnée à chaque examen prénatal et s'était efforcée de satisfaire ses moindres besoins. Et en retour ? Au lieu de gratitude, une trahison brutale.

Quant à son mari… Jamais elle n'aurait imaginé que cet homme, qui l'avait toujours chérie comme un trésor, puisse lui infliger cela.

« Explique-toi ! » Sa voix tremblait, déchirée par l'émotion, son regard rivé sur Florian, affalé dans le canapé. La lumière creusait l'ombre de ses sourcils froncés ; son élégance habituelle avait cédé la place à une lourdeur quasi étouffante.

Il a libéré un soupir accablé : « Séverine, calme-toi. Tu finiras par comprendre… La famille Battier a besoin d'un héritier. »

Ces mots ont transpercé le cœur de Séverine comme une lame.

Trois ans plus tôt, pour sauver Florian, elle avait subi une blessure utérine qui la rendait quasi stérile. Au chevet de son lit d'hôpital, il lui avait juré : « Toi, seule, tu me suffis. Qu'importe un enfant ? Je peux très bien vivre sans ! »

« Besoin d'un héritier ? » a-t-elle éclaté d'un rire amer, ses larmes se libérant enfin, « Alors tu es allé dans le lit de ta belle-sœur ? Florian, comment peux-tu être aussi répugnant ? »

À peine avait-elle achevé sa phrase qu'une gifle cinglante s'est abattue sur sa joue.

Pauline, sa belle-mère, le visage déformé par le dégoût et la dureté, a grondé : « Tu as perdu la raison ? C'est ainsi que tu parles à Florian ? Mon fils aîné nous a été arraché. Que mon cadet prenne le relais est une évidence. Et tu n'as aucun droit d'élever la voix ici ! »

Elle a enchaîné, cruelle : « Une poule stérile comme toi devrait ramper et lécher les pieds de Florian, pour le remercier de ne pas t'avoir jetée à la rue. De quel oses-tu encore l'interroger ? »

Une poule stérile ?... Lécher ses pieds ?

Séverine, la joue brûlante, a regardé Florian avec un incrédulité douloureuse.

Quand cette famille était-elle devenue si monstrueuse ? Quand avait-elle elle-même sombré dans le rôle de la mendiante dans ce mariage ?

Était-ce elle qui avait insisté pour épouser Florian ? Non ! C'était lui, Florian, qui l'avait demandée en mariage neuf fois ! Lui qui avait répété pouvoir renoncer aux enfants ! Lui encore, qui, un certificat de stérilisation en main, les yeux rougis, l'avait suppliée de lui donner sa chance ! Ce même document dormait toujours dans son coffre…

Devant la marque écarlate sur le visage pâle de sa femme, une douleur mêlée d'irritation a traversé le regard de Florian. Mais il était trop tard pour reculer.

« Avec la mort d'Aymeric, la responsabilité des Battier repose sur moi. Je dois l'assumer. Tu… ne peux pas enfanter. C'est un fait que nous devons accepter. »

« Tu aimes les enfants, non ? Quand il naîtra, je te le confierai. Il t'appellera Maman. Nous vivrons tous les trois, sans aucun manque. »

Séverine en a eu un haut-le-cœur. « Dois-je donc me prosterner pour te remercier de me permettre de devenir mère sans rien donner ? » a-t-elle ricané.

Florian a serré les mâchoires, son patience s'effritant : « Séverine, j'essaie de discuter calmement. Pourquoi faut-il que tu sois si acerbe ? »

« Tu ne mérites même pas qu'on te fasse grâce ! » s'est écriée Pauline en la bousculant avec violence, « Dehors ! Sors et réfléchis à comment être une épouse digne de Florian ! Ne reviens que lorsque tu auras compris ! »

Il était déjà plus de 22 heures. Dehors, la neige tombait en épais flocons et le thermomètre affichait moins zéro.

Ils la jetaient dehors, vêtue d'une simple robe ?

Séverine a jeté un dernier regard à Florian, cherchant en vain une lueur de soutien. L'homme s'est contenté de serrer les poings, le visage crispé, avant de détourner les yeux après une brève hésitation.

Son silence en disait long. Son refus d'intervenir équivalait à un consentement tacite : Pauline pouvait la briser pour la forcer à plier.

« BANG ! »

La lourde porte sculptée a claqué violemment devant Séverine, suivie du clic métallique du verrou.

Un froid mordant l'a envahie aussitôt. Pétrifiée sur les marches glacées, elle fixait la porte close telle une statue vidée de son âme.

Durant trois ans de mariage, Florian l'avait chérie avec une dévotion authentique :

Il lui rattrapait inlassablement la couverture chaque nuit ; s'il remarquait son coup de cœur pour une robe dans un magazine, sa garde-robe en était inondée le lendemain ; lui qui détestait voyager annulait tout travail pour l'emmener dès qu'elle le souhaitait...

Elle avait cru leur amour invincible. Mais la réalité ? Son amour n'avait été qu'un fragile rempart face aux « devoirs » des Battier. Confronté au choix, il l'avait sacrifiée sans même la consulter.

Il comptait sur son isolement à Sudville, sur son amour qui la retiendrait de partir, sur sa faiblesse de accepter cet enfant illégitime, sur l'impossibilité légale d'un divorce sans son accord.

Mais il oubliait un détail crucial : sous la menace suicidaire de Pauline, leur union n'avait été qu'une cérémonie intime, jamais enregistrée à la mairie. Légalement, elle n'avait jamais été son épouse.

Un sourire froid et brisé s'est dessiné sur ses lèvres. Ses yeux reflétaient désormais la clarté froide d'une résolution définitive.

« Florian, je ne te veux plus », sa voix était ferme.

Sortant son téléphone, elle a composé avec des doigts engourdis un numéro longtemps conservé dans ses contacts. La ligne s'est bientôt ouverte :

« Ta proposition d'autrefois… tient toujours, Maxime ? »

...

« Mme Jaubert est partie en voiture… » a annoncé Natacha, la servante, d'une voix teintée d'inquiétude.

« Partie en voiture ? » s'est exclamée Pauline, partagée entre la stupeur et le mépris, « Au lieu de supplier notre pardon, elle ose quitter ? Elle a perdu l'esprit ou quoi ? »

« Le choc a été rude pour elle… On voyait bien que son cœur était brisé », a soupiré Natacha en se tournant vers Florian, « Jeune maître, peut-être devriez-vous la rattraper ? Il en est encore temps. »

Florian, le regard sombre planté dans la fenêtre, a eu un geste agacé : « Laisse-la. »

Il connaissait trop Séverine : même blessée, elle ne renoncerait pas à leur histoire. Cette crise passerait dès qu'elle retrouverait sa raison.

« Peut-elle quitter Florian ? Allons donc ! » a ricané Pauline, triomphante, voyant déjà Séverine prosternée implorer son pardon, « Demain, elle reviendra la queue entre les jambes. Et cette fois, des excuses ne suffiront plus ! Je lui apprendrai ce que signifie obéir quand on porte le nom des Battier. »

« Florian, pas d'indulgence cette fois. Ta complaisance l'a rendue arrogante. À son retour, qu'elle se forme aux soins infantiles. Puisque Thaïs est trop fragile pour s'occuper de l'enfant, cette stérile se rendra utile en le servant. »

Natacha a retenu son souffle, le cœur serré. Pousser l'humiliation à ce point… Séverine accepterait-elle encore de se soumettre ? L'avait-elle jamais vraiment refusé par le passé ?

...

Le lendemain, la tempête de neige faisait toujours rage. Une Rolls-Royce Phantom ultime a franchi la couche de glace et s'est arrêtée devant la villa des Battier.

Séverine en est descendue, un acte de mariage fraîchement établi à la main.
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