Ils s'étaient endormis dans les bras l'un de l'autre, lovés sur le vieux canapé du salon. Le souffle de Ny Aina, régulier, caressait les cheveux détachés de Ralantsoa. Le calme après la tempête.Puis, la sonnerie stridente du téléphone fit sursauter Ralantsoa. Elle se redressa en sursaut, désorientée, les paupières encore lourdes. L'écran du téléphone affichait un nom familier : « Maman ». Elle décrocha rapidement.— Allô ?Mais ce ne fut pas la voix de sa mère qui répondit.— C’est moi, Fara. Papa a eu un malaise. On l’a emmené à l’hôpital.Ralantsoa se figea. Son souffle se coupa.— Quoi ? Mais… comment il va ?— On attend le médecin. Maman est restée à la maison avec Kolo. Il a fallu insister pendant de longues minutes pour la convaincre de ne pas nous suivre. Elle était paniquée.Ny Aina s'était redressé entretemps. Il n’avait pas entendu toute la conversation, mais le visage de Ralantsoa suffisait à comprendre qu’il y avait un problème.— Mon père a eu un malaise, Fara est avec l
La salle commune résonnait encore de conversations animées quand ils y revinrent. Ralantsoa, le pas plus léger qu’à l’arrivée, salua d’un signe de tête quelques collègues. Elle n’avait plus besoin de se faire oublier : elle n’était plus spectatrice.Ny Aina échangea quelques mots avec le directeur régional, félicita poliment l’équipe logistique, tandis qu’elle patientait près de la sortie, son sac noir à la main. Quand il la rejoignit, il lui lança un sourire entendu.— Prête à t’échapper ?Elle hocha la tête.Quelques minutes plus tard, ils se retrouvaient dehors. L’air nocturne était tiède, légèrement humide, chargé de l’odeur du canal et du jasmin. Ny Aina ouvrit la portière côté passager. Elle hésita une seconde, puis monta.Ils roulèrent d’abord sans rien dire. La radio diffusait une chanson douce, presque trop lente, mais elle collait étrangement bien à l’atmosphère. Les lampadaires défilaient dans le silence.— Tu veux aller quelque part en particulier ? demanda-t-il enfin.Ell
Le jour tant redouté — et attendu — était arrivé.Dans la chambre de Ralantsoa, Fara était concentrée, coiffant sa sœur avec patience et minutie. Ses doigts agiles glissaient entre les mèches brunes, les enroulant soigneusement pour former un chignon élégant, structuré sans raideur. Quelques mèches plus souples venaient doucement encadrer le visage de Ralantsoa, adoucissant son port naturellement sévère.Le maquillage venait ensuite, léger mais précis. Un teint unifié, une ombre irisée au coin des yeux, une bouche nude dessinée avec discrétion. Juste ce qu’il fallait. Rien de plus.Ralantsoa observait le reflet de sa sœur bouger autour d’elle, poser un dernier trait d’eyeliner, remettre une mèche en place. Elle se laissait faire, presque immobile.Puis, enfin, vint le moment d’enfiler la robe.Elle la sortit lentement de sa housse. La pièce, achetée mercredi avec sa sœur, pendant sa pause déjeuné à Bazar Be, la robe semblait soudain plus impressionnante que dans la boutiqueUn satin
Le dimanche s’annonçait léger, presque insouciant. Tôt dans la matinée, Ralantsoa et Fara quittèrent la maison, bras dessus, bras dessous, en mission : trouver la robe parfaite.Les rues animées de Tamatave, les vitrines colorées, les essayages entre deux rires — tout cela offrait une parenthèse bienvenue. Elles passèrent presque la moitié de la journée à fouiller les boutiques, à comparer les coupes, les tissus, les couleurs.Fara, infatigable, faisait tourner sa sœur devant les miroirs comme une styliste professionnelle, tandis que Ralantsoa, d’abord réservée, se laissait peu à peu gagner par le jeu.Finalement, elles rentrèrent à la villa en début d’après-midi, les bras chargés de paquets et le cœur un peu plus léger.Le déjeuner se déroula dans une atmosphère chaleureuse, les conversations s’entrecroisant autour du riz au coco et le « ravitoto », des rires de Kolo et des souvenirs partagés. Pour un instant, Ralantsoa oublia Ny Aina, la soirée, et tous les doutes en suspens.L’aprè
Les jours qui suivirent furent chargés, presque étouffants. Ralantsoa et Ny Aina, contraints de collaborer étroitement, oscillaient entre la distance polie et des échanges tendus, où chaque mot semblait pesé, mesuré.Ils se retrouvaient souvent côte à côte, feignant l’indifférence, alors que dans le silence de leurs regards s’échangeaient mille non-dits.La préparation de la soirée officielle devenait un prétexte pour des réunions prolongées, des vérifications méticuleuses, et une présence quasi constante dans les locaux. Ralantsoa, fidèle à sa rigueur, refusait d’abandonner son contrôle, même si parfois elle surprenait Ny Aina à lui sourire, une lumière dans ses yeux qui la déstabilisait.Pourtant, à chaque fois, elle replongeait dans sa carapace.Ralantsoa sentait au fond d’elle-même ce tiraillement étrange : un mélange d’attirance et de résistance, un feu qui brûlait derrière la glace de son indifférence. Mais elle s’efforçait de ne rien montrer.Les jours passaient, et l’ombre de
Les jours suivants s’étaient écoulés dans un mélange de silences pesants et de faux-semblants.Ralantsoa n’avait pas croisé Ny Aina, pas directement. Elle savait qu’il était là, bien sûr — elle voyait son nom dans les e-mails, entendait sa voix brève dans des réunions qu’elle évitait soigneusement. Et pourtant, leur absence mutuelle avait quelque chose d’artificiel. Comme un accord tacite : on se laisse de l’air. On se fait oublier.Elle avait accueilli cela comme une bouffée d’oxygène au départ. Mais plus les heures passaient, plus ce vide devenait une sorte de tension permanente, une brume grise qui brouillait ses repères. Rien n’avait changé, en apparence. Elle buvait ses cafés à heure fixe, répondait à ses mails avec rigueur, évitait les bavardages inutiles.Mais elle se sentait différente. Comme si quelque chose en elle s’était déplacé, fissuré, sans qu’elle puisse encore mettre un mot dessus.Et puis, ce matin-là, tout vacilla à nouveau.Une notification surgit sur son écran.Tr