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Le Serpent en costume

Author: Seth
last update Last Updated: 2025-04-28 20:01:28

Dans une vaste propriété à l’écart du tumulte de la ville, dissimulée derrière de hauts murs surmontés de barbelés et surveillée par un réseau de caméras dernier cri, une autre forme de pouvoir se réveillait.

Ici vivait Vital Mavula.

Député influent aux discours tranchants, orateur respecté à l’Assemblée, homme de réseaux, d’alliances... et de menaces feutrées. Rival silencieux de tous ceux qui prétendaient régner, il ne cherchait ni l’argent ni la gloire. Il visait le sommet, la présidence. Et il comptait bien y arriver, quitte à marcher sur les cadavres de ses alliés.

Il était 6h30. Le soleil perçait à peine entre les rideaux épais du salon, mais la villa était déjà en activité.

Le jardinier tondait la pelouse à pas lents, les yeux bas, le dos courbé comme un serviteur fidèle. La cuisinière disposait soigneusement les viennoiseries et les fruits frais dans des assiettes en porcelaine. Chaque geste était chronométré, précis. Car chez Vital, le désordre n’existait pas.

Debout face au grand miroir du salon, l’homme nouait sa cravate avec une minutie d’orfèvre. Costume sur mesure anthracite, chemise blanche impeccable, boutons de manchettes en or blanc. Il avait l’allure d’un roi, et la froideur d’un serpent.

Clarisse, sa femme, entra dans la pièce en peignoir de soie ivoire, une tasse de thé fumant à la main.

— Encore debout si tôt ? dit-elle doucement, un sourire au coin des lèvres. Tu vas finir par dormir au Parlement.

Vital se retourna. Son visage dur s’adoucit un instant.

— Le pays n’attend pas, ma reine. Si je dors trop, un autre s’assoit sur mon trône.

— Tu n’es même pas encore président que tu parles déjà comme un roi…

Il esquissa un sourire froid.

— Parce que je le suis dans l’âme. Les autres jouent à être puissants. Moi, je le suis réellement.

Elle s’approcha de lui, effleura sa cravate, puis déposa un baiser sur sa joue.

— J’espère juste que ton ambition ne nous mettra pas en danger un jour.

Vital la regarda, longuement, comme pour graver cette phrase dans sa mémoire. Puis, d’une voix plus grave :

— Tant que tu restes à mes côtés, rien ne peut me nuire. Tu es ma lumière dans ce nid de vipères.

Les enfants descendirent en courant dans l’escalier en colimaçon.

Chanel, 16 ans, élève brillante dans un lycée privé de renom, portait son uniforme avec grâce. Junior, 11 ans, traînait son sac à dos trop rempli, le regard encore ensommeillé.

— Papa ! Tu peux signer mon mot d’excuse pour hier ? J’avais mal au ventre, lança Chanel en lui tendant son carnet.

Sans un mot, Vital signa.

— Ne mens jamais pour rien, Chanel. Mais mens très bien quand il le faut.

— Tu veux dire… comme toi en politique ?

Le regard de Vital se figea. Il la fixa, un sourcil levé.

— Ne sois pas trop maligne. L’intelligence provoque la jalousie. Et la jalousie, l’attaque. Apprends à briller sans aveugler.

Junior, lui, s’agita.

— Papa, tu peux venir à mon match samedi ? Le coach dit que je peux devenir attaquant pro !

Vital lui tapota affectueusement la tête.

— Dès que j’arrive au pouvoir, je te construis un stade rien que pour toi.

Ils éclatèrent de rire. Clarisse, elle, observait la scène avec un mélange de tendresse et d’inquiétude. Vital avait toujours su jouer à la perfection son rôle de père… mais elle savait qu’au fond, il ne vivait que pour une chose : la conquête.

Alors qu’il boutonnait son manteau, elle s’approcha, hésitante.

— Aujourd’hui, tu vois Yannick, non ? Il m’a dit hier qu’il assisterait à la réunion.

Vital s’arrêta net. Son regard se durcit.

— Yannick est utile. Mais il parle trop. Et dans ce jeu… trop parler, c’est creuser sa propre tombe.

— Mais c’est ton ami, Vital. Depuis des années…

Il s’approcha d’elle, ses lèvres tout près de son oreille.

— En politique, Clarisse, il n’y a pas d’amis. Il n’y a que des intérêts. Des pions. Et moi… je tiens l’échiquier.

Il sortit sans ajouter un mot.

Dehors, le soleil baignait la cour pavée d’une lumière dorée. Le garde ouvrit la portière de la berline noire. Vital monta, posa son attaché-case sur ses genoux. Il ne regardait ni sa montre, ni son téléphone. Il fixait l’horizon, perdu dans ses pensées.

— Aujourd’hui, on avance, murmura-t-il. Et personne ne m’arrêtera… pas même Yannick.

Et dans ses yeux, il n’y avait plus de douceur.

Seulement une faim glaciale. Celle de ceux qui ne veulent pas le pouvoir…

Mais qui veulent tout.

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