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JUSTE APRÈS L'AUBE
JUSTE APRÈS L'AUBE
Auteur: Christopher Mfoula

L E JOURNAL D'HÉLÈNE

L’avenir nous tourmente, le passé nous retient. C’est pour ces raisons que le présent nous échappe.

Gustave Flaubert

Lorsque le malheur frappe à notre porte, nous avons l’impression que jamais plus nous ne serons heureux, jamais plus nous ne ressentirons cette légèreté que nous apportait le bonheur. On commence par s’accrocher, en se disant que ça ira mieux. On a encore cet espoir mais la tristesse l’emporte. Elle gagne la bataille, alors on rend les armes car nos efforts sont vains. On est épuisé, découragé, on se laisse aller. On coule lentement afin de bien sentir la douleur. On observe puis on s’enferme dans cette jalousie malsaine, dans notre malheur. Le temps passe et plus il s’écoule, plus notre plaie s’agrandit. Notre cœur brûle et la seule envie que l’on a c’est de disparaître, mourir et fuir cette souffrance, car vivre dans le malheur ce n’est pas vivre…

À toutes les personnes qui ont du mal à tourner la page sur le passé, qui souffrent en silence et qui, malgré le soutien de leurs proches, s’obstinent à s’agripper à leurs démons. Le passé ne doit en aucun cas vous empêcher d’être heureux. Il est là pour nous reconstruire, nous pousser à grandir, nous aider à faire de meilleurs choix. Ne le laissez pas obscurcir votre vision du monde. Les regrets nous ouvrent les yeux sur la réelle valeur des choses que nous avions, du temps qui nous a été offert, des personnes que nous avons perdues.

Le temps n’efface pas toutes les blessures

Le journal d’Hélène

Nous gardons, enfouis en nous, des blessures qui, chaque jour, bataillent pour revenir à la surface, des trahisons que nous traînons journellement et qui nous retiennent prisonniers de la mélancolie. Je reste intimement persuadée que rien ne s’en va. Aucune trahison ne s’oublie, aucune blessure ne cicatrise. Ma mère me disait souvent que chaque larme que nous versons est comme une marque indélébile, elle ne disparaît pas. En clair, on n’oublie jamais une déloyauté, on l’assume, en priant que le temps nous apporte sa guérison. On essaye désespérément de laisser la douleur derrière nous. Comme une tumeur, elle nous ronge de l’intérieur jusqu’à ce que nous ne soyons plus qu’un corps sans âme. Certains meurent brisés par la douleur, d’autres s’enfoncent dans la sphère fuligineuse de la mélancolie, les plus déficients s’abrutissent à dose immodérée de tranquillisants, de narcotiques, de sédatifs, de drogues, ou d’alcool. Au fond, à chacun sa manière de faire face à l’affliction.

Peut-être, je fais partie de ces 70 % de la société qui s’autoflagelle à outrance ou simplement dans ce processus d’autodestruction, j’espère trouver du réconfort ou un certain dédommagement émotionnel. Certains disent qu’il est essentiel d’avancer aveuglément et de dire « au revoir » à son passé, mais est-ce si simple de sourire chaque jour et faire comme si de rien n’était quand son âme est alourdie ?

En même temps, qui pourrait se vanter d’avoir totalement tiré un trait sur son passé ? Rien ne s’oublie en fin de compte ! Même lorsque nous avons tourné la page sur une période sombre de notre passé. Il suffit d’un mot ou d’une image pour nous faire revivre les émotions qu’on a pu ressentir à cette période. Même lorsqu’elles sont guéries, nous gardons les cicatrices de nos blessures pour le restant de notre vie.

Aussi choquant que cela puisse paraître, je n’abandonne pas le passé, les souvenirs, les blessures. Non ! Je refuse de les laisser prendre le large. Je les retiens, m’y accroche rigoureusement jusqu’à ce qu’ils m’emportent avec eux dans leur déferlement. Malgré les conseils, je ne lâche pas prise, déterminée à les étreindre avec plus de hardiesse.

Jusqu’ici, je n’ai fait que ça, m’accrocher à un amour évanoui, à une enfance regrettable, à une mère schizophrène, violente et écervelée, à des mensonges surabondants. C’est comme l’abrogation de tout sens du discernement. Je ressens le besoin d’abreuver ma soif de haine et de douleur. J’ai plus de facilité à éterniser la mélancolie et m’exempter de toute béatitude. Malgré la petite voix bénigne dans ma tête qui me répète d’être plus heureuse, de vivre, de m’accrocher à des souvenirs joyeux, des pensées positives, d’épouser le monde.

« Hélène, vas-y, accroche-toi, tu peux y arriver ! Ne laisse pas le mal prendre le dessus sur ta magnifique âme, ne laisse pas ton passé la corrompre. Ouvre les yeux et souris. Le monde face à toi a tellement à t’offrir. Toutes ces choses horribles que tu as vécues sont à présent derrière toi. Construis un nouveau monde. »

Prologue

Les flammes grimpent avec furia vers le firmament déchaîné. Il fait froid et il pleut des cordes. Un véhicule ensanglanté est retrouvé dans un ravin, noyé dans une épaisse nuée blanchâtre. Un des secouristes aperçoit le corps inerte d’une jeune femme recouvert de sang, coincé dans la pesante masse de fer. Elle est inconsciente, trois balles lui ont transpercé le ventre. Elle respire encore. Son pouls est lent et son corps frigide et paralysé. Les secouristes s’attellent à retirer la jeune femme du véhicule, affrontant l’orage et la véhémence des flammes diluviennes. Tout s’enchaîne : les cris alarmistes, les pas pressés des secouristes, la tempête, la bourrasque, un violent éclair aveuglant dans le ciel. Soudain, le bruit effroyable d’une explosion vient brimbaler les âmes présentes sur les lieux de l’accident. Le véhicule a succombé à l’effroyable incendie. Une majorité d’hommes ont péri dans l’explosion, mais la jeune femme est transportée par les urgenciers. Une sublime bague de fiançailles est accrochée à son doigt. Son bonheur vient de chavirer et personne ne sait ni qui elle est ni comment elle s’est retrouvée dans ce véhicule, trois balles dans le ventre. 

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