AlmaJe marche seule dans les rues désertes, les mains enfoncées dans les poches, le cœur battant trop fort, trop vite. Les lampadaires projettent des ombres vacillantes sur l’asphalte, et chaque pas résonne comme un reproche dans le silence. J’ai quitté l’appartement sans un mot, sans un regard. J’avais besoin d’air. Besoin de m’éloigner d’Élias, de ses silences pesants, de ses absences trop pleines. Il ne me voit plus. Ou alors, il ne sait plus comment me regarder. Et moi, je ne sais plus comment exister à ses côtés sans me perdre un peu plus à chaque seconde.Et pourtant, même en m’éloignant, je le sens. Sa présence me hante. Ses mots, ses gestes, ce regard qu’il me lançait autrefois et qui s’est tari. Il y a une fracture entre nous, invisible mais tranchante. Une fracture que je ne sais plus comment réparer. J’ai beau retourner les souvenirs dans ma tête, chercher ce moment exact où tout a basculé, je ne le trouve pas. Peut-être qu’il n’existe pas. Peut-être que c’est la somme des
ÉliasJe reste allongé à côté de Roxane, le silence entre nous est lourd, presque palpable, chargé de mots tus, de douleurs partagées, d’espoirs aussi fragiles qu’un souffle au bord de la rupture. La confession que je lui ai faite a brisé un mur invisible qui s’était dressé entre nous, mais elle a aussi ouvert une faille — une fissure par laquelle la vérité, encore hésitante, peut enfin passer. Je sens son corps contre le mien, son souffle calme et régulier, un ancrage dans ce chaos intérieur qui me dévore, me tourmente.Élias— Roxane... Je sais que j’ai trahi ta confiance. Que mes actes ont creusé un fossé entre nous, un abîme que je ne sais pas encore comment franchir. Mais je veux essayer. Je veux me battre pour nous. Pas seulement par des mots, mais par des actes.Je dépose doucement ma main sur sa joue, ma paume épousant la douceur de sa peau. Je veux lui transmettre tout ce que mes mots ne peuvent dire, lui faire sentir que, malgré la douleur, je suis là, entier, même si brisé.
RoxaneJe me réveille à nouveau, mais cette fois la lumière est différente. Plus crue, plus directe. Le soleil d’un après-midi qui n’a pas attendu pour s’imposer. Mes paupières se plissent, irritées par la clarté, mais ce qui me réveille vraiment, c’est ce poids contre moi. Élias est là, son souffle chaud caresse ma peau, son corps immobile malgré la tension qui l’habite encore. Je sens ses muscles tendus sous ma main posée sur sa poitrine, comme s’il contenait une tempête prête à éclater.Je tourne lentement la tête vers lui. Son regard est fixe, chargé d’une intensité que je ne reconnais pas tout à fait. Il y a cette même vérité nue d’hier matin, mais maintenant, elle se teinte d’une urgence. Comme si les cendres de nos non-dits commençaient à s’embraser, à réclamer leur place dans notre réalité.Je sens mon cœur s’accélérer, ce mélange d’appréhension et de douleur qui s’installe. Parce que je sais, au fond, que cette journée ne sera pas comme les autres. Que ce poids qu’il porte ne
RoxaneQuand j’ouvre les yeux, la lumière filtre doucement à travers les rideaux.Elle est douce, presque timide, comme si elle avait peur de déranger ce moment fragile.Je ne sais pas quelle heure il est. Je ne cherche même pas à savoir.Ce qui compte, c’est qu’il est là. Contre moi.Ma jambe repose sur la sienne, lourde de tout ce qu’on n’a pas dit.Mon bras en travers de son torse, comme si je voulais l’ancrer, l’empêcher de s’échapper à nouveau.Il ne bouge pas.Il respire lentement, profondément, avec cette régularité apaisante.Je pourrais croire qu’il dort. Que tout est rentré dans l’ordre.Mais je sais. Je sais qu’il est réveillé.Je le sens.Sous mes doigts, son cœur bat un rythme que je veux apprendre par cœur.Je n’ose pas parler. Pas encore.J’ai peur que le son de ma voix brise ce silence fragile, comme un cristal qui se fend.Que la réalité, avec ses mots lourds, vienne tout gâcher.Alors je reste là, immobile, à compter chaque battement, à écouter ce souffle qui est dev
RoxaneOn ne rentre pas tout de suite.On reste là, adossés l’un à l’autre, le souffle mêlé à la nuit, les corps tendus, comme figés dans un instant qui ne veut pas finir. Et il y a quelque chose dans cette immobilité, dans cette étreinte silencieuse, qui me donne l’impression que le monde pourrait s’arrêter de tourner. Que tout pourrait s’effacer, sauf nous deux. Comme si le simple fait de respirer côte à côte suffisait à nous ancrer, à nous réparer.Je ferme les yeux. Je sens son dos contre le mien, la chaleur de sa présence, ce battement irrégulier que je devine sous sa cage thoracique. Et moi, je tremble. Pas de peur. De ce trop-plein d’émotion qui pulse dans mes veines.Il finit par se redresser. Lentement.Ses mains glissent le long de mes bras jusqu’à mes poignets, avec cette hésitation douce, comme s’il s’excusait de rompre le charme, de briser ce fragile équilibre.Quand il me regarde à nouveau, il n’y a plus de fuite dans ses yeux.Plus de peur.Seulement une certitude fébri
RoxaneLa voiture roule à nouveau.Silence dans l’habitacle.Mais ce n’est pas un silence vide.C’est un silence dense, chargé, électrique. Un silence après l’orage.Un silence où chaque battement de cœur devient une clameur.Et moi, je suis là, assise derrière Élias, à sentir mon cœur cogner contre mes côtes, comme un oiseau affolé qu’on aurait enfermé.Ma peau frissonne encore là où ses lèvres ont effleuré les miennes.Mon souffle est court, irrégulier.Et mes pensées sont un tumulte sans fin.Il ne dit rien.Moi non plus.Mais chaque seconde me brûle, m’écorche.Il m’a embrassée. Il m’a regardée comme si j’étais un danger, une promesse, une guerre.Et maintenant, il conduit, comme si rien ne s’était passé.Mais je sens.Ses épaules tendues, comme arquées par une tension invisible.Ses mains un peu plus crispées sur le volant.Son souffle, plus rapide à chaque feu, chaque virage.Il lutte. Il résiste. Il se retient.Et moi, je n’ai plus envie de résister.Je suis fatiguée de fuir, d
RoxaneJe le regarde conduire.Élias.Son profil est ciselé par les reflets lunaires, comme sculpté à même la nuit. Ses mains sont posées sur le volant, tranquilles, sûres. Il conduit comme il se bat : sans hésiter, sans trembler. Avec cette force silencieuse, ce calme qui n’annonce que les tempêtes. Et moi, assise juste derrière, je me perds dans chacun de ses gestes.Chaque muscle qui bouge. Chaque souffle qu’il relâche.Il est ce genre d’homme qu’on ne touche qu’une fois dans une vie. Et encore.Souvent, on fait juste que le regarder passer. On n’ose même pas s’en approcher.Depuis combien de temps je le regarde ainsi ?Depuis combien de temps je le veux ?Ce n’est pas un caprice. Ce n’est pas un jeu.Je ne parle pas de cet amour fade qu’on rêve adolescente. Pas de celui qu’on nous vend dans les livres à l’eau de rose.Je parle du feu.Du désir qui râpe la gorge.De cette brûlure lente, plantée juste sous la peau.Celui qui détruit, mais qui rend vivante.Celui qu’on ne contrôle pa
AlmaL’air est cendre.Il entre dans mes poumons avec lenteur, racle mes souvenirs, s’infiltre dans mes os. Le sol craque sous nos pas, comme s’il retenait les dernières plaintes du passé, recouvert par une couche de poussière grise, presque douce, presque fausse.Derrière nous, la maison s’effondre sur elle-même. Elle gémit, proteste, s’embrase une dernière fois avant de s’écrouler pour de bon. Le feu lèche les poutres, avale les souvenirs, crache leurs noms dans les flammes. Mais moi, je ne les prononce plus. Je les laisse mourir sans sépulture. Ils ne méritaient pas plus.Je ne tremble plus. Je ne regarde plus en arrière.Je suis debout.Et vivante.Je sens le poids de la nuit sur mes épaules, mais il ne m’écrase plus. Il m’habille, comme une armure. La peur n’a plus d’empreinte sur moi. L’horreur ne m’effraie plus. Elle m’a traversée, m’a brûlée, et je suis toujours là.Je suis Alma.Et je suis libre.ÉliasElle marche devant moi. Alma.Sa silhouette est droite, tendue, irréductib
AlmaLe magnétophone crache un bruit blanc, comme un souffle rauque, comme si la maison elle-même respirait par les fissures, les murs gorgés de souvenirs, de cris étouffés, de douleurs mal digérées. Le bruit emplit la pièce, comme une respiration à l’agonie, et pourtant, je n’appuie pas encore sur lecture.Pas tout de suite.Pas avant qu’ils soient tous là.Pas avant que le passé ait un visage.Je les sens.Je les entends.Leur approche est une marée lourde, lente, mais inévitable.Le plancher gémit. Les vitres vibrent. Le monde retient son souffle.Ce ne sont pas des pas humains.C’est la présence du poison.Une vibration ancienne, comme un sortilège qui remonte à la surface.L’odeur du passé, du sang séché, des promesses brisées.Ils reviennent.Ils croient encore contrôler les chaînes.Mais cette fois, c’est nous qui avons la clef.ÉliasJe fixe la porte.Mon doigt caresse la détente. Doucement. Comme un souvenir.Mon cœur bat lentement. Chaque battement résonne dans ma poitrine c