~~~~~ Cassandra Hurber ~~~~~Le soleil vient de se lever. Je suis déjà debout depuis un moment, les pieds nus sur le carrelage froid de la kitchenette, à préparer le petit-déjeuner. Je remue doucement les œufs dans la poêle pendant que le pain grille. Je jette un œil vers la table déjà dressée. Trois bols colorés, trois cuillères assorties, trois verres de jus d’orange. Je dépose la dernière assiette sur la table et me recule un peu. Tout est prêt. Je jette un coup d’œil à la montre posée sur le comptoir : 8h12. Encore quelques heures avant de repartir.Je prends une inspiration et hausse la voix : _ Les enfants, le petit déjeuner est prêt ! Il ne faut que quelques secondes pour entendre des petits pas précipités. Roy est le premier à sortir de la chambre, toujours le plus rapide, les cheveux en bataille et les yeux à moitié fermés. Il grogne un peu, mais je sais qu’il est content. Il s’installe à une place, en face de moi. _ Bonjour, mon cœur. Il me répond d’un murm
~~~~~ Cassandra Hurber ~~~~~Je le regarde quelques secondes sans répondre. Puis je me décale lentement pour lui laisser le passage. _ Entre. Les enfants sont encore à table. Il jette un coup d’œil vers eux. Roy le salue timidement. Les jumelles, quant à elles, le dévisagent sans filtre, avant de ricaner entre elles. _ Je peux rester ? demande-t-il, presque comme un enfant pris en faute. _ Tu veux déjeuner avec nous ? dis-je simplement. Il sourit, sincèrement cette fois. _ Ce serait avec plaisir. Il pose les fleurs sur le plan de travail, me remercie pour l’accueil, puis s’installe. Très vite, il prend sa place dans le petit monde que j’ai construit ici. Il rit aux blagues des filles, complimente mes pancakes, adresse quelques mots doux à Roy, qui reste réservé, mais l’écoute. Je les regarde. Je l’observe, surtout lui. Greg semble différent ce matin. Moins dans la séduction, plus dans la tendresse. Une fois le repas terminé, j’envoie les enfants se brosser les
~~~~~ Melrick Hart ~~~~~ Le silence de mon bureau est presque pesant. Je suis seul, assis dans le fauteuil de direction que j’occupe depuis un peu plus de trois ans. Pourtant, même après tout ce temps, j’ai encore du mal à croire que j’en suis arrivé là. La tour White domine New York de toute sa hauteur. Une tour froide, sophistiquée, puissante. À l'image que Veronica a toujours voulu projeter. Mais aujourd’hui, c’est moi qui la dirige. Pas par ambition personnelle, non. Par nécessité. Par volonté de construire quelque chose de solide. De laisser une trace. Quand elle m’a offert ces parts, six ans plus tôt, c’était pour m’acheter. Pour me garder près d’elle. Elle croyait me contrôler. Mais je n’étais pas prêt à baisser les bras. Pas après la disparition de Cassandra. Pas après la perte de mon fils. J’ai utilisé ce qu’elle m’a donné pour monter. Lentement. Stratégiquement. D’abord, j’ai impressionné les membres du conseil. Ils me voyaient comme un homme sûr, structuré, vis
~~~~~ Melrick Hart ~~~~~Mais à peine ai-je fait deux pas dans le couloir principal que je me fige. Veronica s'est placée devant moi pour me barrer la route. _ On peut parler ? me demande-t-elle d’une voix glacée. Je ne réponds pas. Je me contente de lui faire signe d’entrer dans mon bureau. Je ne veux pas de scandale dans les couloirs. Les employés nous observent déjà, mine de rien. Elle entre sans attendre et je referme la porte derrière nous. Aussitôt, elle se retourne, et me lance un regard noir de colère : _ Tu m’humilies, Melrick. Encore. Je reste près de la porte. Je savais qu'elle allait me faire une scène, je le savais. _ Je ne comprends pas de quoi tu parles, lui dis-je. Elle ricane avant de répliquer : _ Tu sais très bien de quoi je parle. Marcy m’a tout dit. Tu as engagé un détective privé pour retrouver cette femme. Je serre la mâchoire. _ Marcy n’avait aucun droit de te le dire. _ Ah. Donc c’est vrai ? Tu l’as fait ? me lance-t-elle avec
~~~~~ Veronica White ~~~~~ Je reste figer en regardant la porte par laquelle il est sorti. Il est parti. Il l’a fait. Il m’a regardée droit dans les yeux, et il est parti. Je suis incapable de bouger. Mes ongles s’enfoncent dans la paume de ma main, mes talons sont bien ancrés dans le sol, mais j’ai l’impression que tout vacille autour de moi. Je sens mes poumons se comprimer. Mon cœur se cabre. Je serre les dents. Je ne vais pas pleurer. Je refuse de m'avouer vaincue. Mais n'empêche que ça fait mal. Je l’aime. Je l’aime depuis le premier jour où je l’ai vu. J'ai aimé son regard sombre, son intelligence brute, son charisme, son silence qui cache une tempête. Et je l’ai eu. J’ai fait en sorte de l’avoir. Je l’ai protégé, je l’ai remis sur pied. Je lui ai donné ce qu’aucune autre ne lui aurait offert : un empire. Une seconde chance. Le pouvoir. Et il me remercie en courant après un fantôme. Une femme qui l’a quitté sans un mot. Une femme qui l’a abandonné alors qu’il ét
~~~~~ Melrick Hart ~~~~~ Je me gare rapidement en double file devant l’hôtel Eden Park. J’entre d’un pas vif, traversant le hall sans accorder un regard à la décoration feutrée. J’ai une seule cible en tête. Suite 407. Mon cœur bat très vite. Mais j’essaie de le faire taire et de me contenir. Je m’avance vers le comptoir. Une jeune femme est derrière, vêtue d’un uniforme impeccable, un badge au nom de Julia accroché à sa poitrine. Elle me sourit poliment. _ Bonjour, monsieur. Que puis-je faire pour vous ? Je m’appuie légèrement contre le comptoir en prenant un ton calme, presque chaleureux. _ Bonjour. Je cherche une amie qui loge ici, dans la suite 407. J'aimerais lui parler. Son sourire se crispe. Elle baisse les yeux vers son écran. _ Je suis désolée, mais les clients de la suite 407 ont quitté l’hôtel il y a environ une heure. Une heure ? Je serre discrètement le poing. Juste une heure. Je suis arrivé trop tard. _ Vous êtes sûr ? _ Oui, monsieur. Ils
~~~~~ Veronica White ~~~~~ Après ma dispute avec Rick, je rentre directement chez moi. Je n'ai ni la force ni l'envie de travailler aujourd'hui. De toute façon, personne ne me licenciera et personne ne me demandera des comptes. Je gars m'a voiture dans le garage du manoir et je descends. Je me dirige vers le bâtiment principal sans attendre. Je jette mes clés sur le guéridon à l’entrée. Elles glissent et tombent au sol. Je les regarde, mais je ne me baisse pas pour les ramasser. J’ai mal aux tempes. Je suis épuisée et écorchée de l’intérieur. J’enlève mes talons avec agacement et les balance dans un coin du salon. _ Mauvaise journée ? fait une voix posée derrière moi. Je sursaute légèrement et me retourne. C'est Théo. Il est assis sur l’un des fauteuils en cuir, un verre de vin à la main. Toujours calme. Toujours discret. Il m'attendait, comme toujours. Il a les clés et ma confiance. L’une des rares personnes à l’avoir encore. _ Mauvaise vie, murmuré-je. Il me re
~~~~~ Veronica White ~~~~~ Deux heures plus tard, je suis toujours assise dans mon salon, le regard perdu dans le vide, mais le cœur en feu. Il n'est toujours pas rentré et il n'est pas non plus au travail. Il est sûrement toujours en train de la chercher et moi, comme une idiote, j'espère qu'il changera d'avis et qu'il me reviendra. Je serre les poings. Mon cœur me fait mal, horriblement mal. Je l’aime. Je l’aime comme une folle, comme une femme désespérée qui s’accroche à ce qui lui reste. Mais lui ? Il pense à elle. À cette femme que j’aurais dû éliminer il y a six ans. Au lieu de la faire partir en courant, j'aurais dû lui tirer une balle entre les deux yeux. Puis mon téléphone vibre. C'est sûrement un message. Je le prends et je lis ce qui est écrit : « Dossier complet envoyé. Vérifiez votre boîte sécurisée. » Enfin. Je me redresse, le souffle court, et je prends ma tablette. J’entre mon mot de passe, l'écran s’illumine, et je tombe nez-à-nez avec son nom. CASSA
Je sors et ferme la porte derrière moi d’un geste vif car je n'ai pas envie qu'il voit mes enfants et je n'ai pas envie non plus qu'ils le voient. Je le fixe et il me fixe. _ Qu’est-ce que tu fais ici ? je murmure, les bras croisés. Tu n'as alors rien retenu de ce qu'on s'est dit hier ? Je le fixe sans ciller, bien que tout mon corps hurle de l’intérieur. _ Tu crois vraiment que j’allais repartir comme ça sans revoir mon fils ? réplique-t-il d’un ton bas. Je suis venu voir Roy. _ Non. BMa réponse est immédiate. Je ne prends même pas le temps d’y mettre des formes. _ Cassandra… commence-t-il. _ Tu n’as aucun droit sur lui, Melrick. Aucun, le coupé-je, sans attendre. Tu ne l’as pas vu grandir et tu ne sais rien de sa vie. Et aujourd’hui, tu débarques ici comme si tu pouvais t’improviser père ? Je retiens ma voix de trembler. Je lui tiens tête mais mes entrailles sont nouées. _ J’ai toujours été son père, que tu le veuilles ou non, siffle-t-il. Il a mon sang
~~~~~ Cassandra Hurber ~~~~~ Le soleil monte doucement dans le ciel au dehors. Il est à peine sept heures du matin, mais la maison bourdonne déjà. Célina est la première à apparaître, encore ensommeillée, un doudou dans les bras. Je lui tends un bol de lait chaud et elle me gratifie d’un sourire, les yeux encore collés de sommeil. Quelques minutes plus tard, Sienna surgit dans la pièce en courant. Elle grimpe sur sa chaise et me dit : _ Maman, on fait des pancakes aujourd’hui ? Je souris malgré moi. C’est notre petit rituel du samedi matin, mais aujourd’hui, on est mardi. Néanmoins, je cède. _ D’accord, mais seulement si tu aides à la pâte. Elle tape dans ses mains, ravie, pendant que je sors les ingrédients. Roy descend enfin. Il a toujours été matinal, mais il aime trop râler. C’est sa façon de protester contre le réveil. Je le salue d’un baiser sur la tempe, mais je remarque que son regard est songeur ce matin. Il semble ailleurs et préoccupé. Je n’insiste
~~~~~ Grégory Smith ~~~~~ Je pousse la porte de chez moi et je le referme doucement. Au salon, comme je m’y attendais, ma mère est assise dans son fauteuil préféré, les jambes croisées, un livre à la main et ses lunettes glissées sur l’arête de son nez. Elle ressemble à une vieille reine anglaise en pleine inspection de ses sujets. Sauf qu’ici, le seul sujet, c’est moi. Je m’approche à pas comptés, mais évidemment, elle relève la tête avant que j’aie franchi la moitié du salon. Rien ne lui échappe, même pas à son âge. _ Bonsoir, Majesté, dis-je avec un large sourire en m’inclinant légèrement. Elle lève les yeux au ciel et sourit en coin. _ Arrête ton cinéma, Greg, et viens m’embrasser. Je m’exécute sans tarder et l’embrasse tendrement sur la joue. Je prends place sur le canapé en face d’elle, m’étire comme si j’avais couru un marathon… alors que j’ai seulement dîné et failli embrasser une femme qui me hante depuis des mois. Je suis fatigué, oui, mais de pensées.
~~~~~ Cassandra Hurber ~~~~~ Je ne vais pas bien, pas du tout après ce qui s'est passé aujourd'hui. Melrick à Boston, ça change tout. Je n'ai pas envie qu'il décide de m'enlever mon fils et encore moins mes deux petites princesses. Je ne sais pas ce que je dois faire pour ne pas les perdre. Ce sont mes enfants... les miens. Je refuse de le laisser me les enlever. Je touille distraitement la sauce dans la casserole lorsque Greg, adossé au plan de travail à côté de moi, tente une nouvelle approche pour m’aider. J'ai d'abord refusé car je voulais cuisiner seule, perdre mon esprit dans quelque chose de de simple, sans avoir à penser à tout ce qui m'angoisse. Mais Greg a insisté avec une telle douceur que je n'ai pas eu le cœur de refuser plus longtemps. Ainsi, nous voilà, côte à côte, lui découpant des légumes avec soin, et moi m'occupant des plats principaux. Pendant de longues minutes, nous travaillons en silence. Puis, naturellement, Greg engage la conversation : _ Tu cui
Je reste quelques secondes planté là, incapable de bouger, encore sonné par ce que je viens de voir. Cependant, lorsque je vois la voiture de Greg s’éloigner lentement du trottoir, mon instinct reprend le dessus. Sans perdre de temps, je remonte dans le taxi qui m'attend à quelques mètres. _ Suivez cette voiture noire, vite, ordonné-je au chauffeur. Sans poser de questions, il démarre tout en gardant une distance raisonnable pour ne pas éveiller de soupçons. Le cœur battant à tout rompre, je fixe intensément la voiture de Greg, comme si ma vie en dépendait. Je dois savoir où ils vont. Je dois comprendre quelle place cet homme a prise dans la vie de mon fils... et peut-être aussi dans celle de Cassandra. Après quelques minutes de trajet, Greg s’arrête devant une petite glacerie située dans une rue. Je demande au chauffeur de s’arrêter également, un peu plus loin, pour que je puisse observer sans être vu. À travers la vitrine, je les aperçois. Greg achète des glaces aux
~~~~~ Cassandra Hurber ~~~~~ Dès que la porte du bureau claque derrière Melrick, je reste figée quelques secondes, incapable de bouger et incapable de respirer. Mon cœur bat tellement vite que j'ai l'impression qu'il va exploser. Je serre les poings, je ferme les yeux et j'inspire profondément pour calmer les tremblements de mon corps. Il est ici à Boston. Oh mon Dieu !! Comment je peux faire pour cacher mes enfants maintenant ? Je m'effondre dans ma chaise, la tête entre les mains. Ce n'est pas le moment de paniquer, Cassandra. Ce n'est vraiment pas le moment. Je dois garder mon sang-froid. Je tends la main vers mon téléphone et compose nerveusement le numéro de Lenny. Elle décroche au bout de la deuxième sonnerie. _ Allô, Cassie ? _ Lenny, écoute-moi bien, dis-je avec urgence. Melrick est ici à Boston. Je viens juste de le voir à l’hôpital. Un silence inquiet s'installe au bout du fil. _ Quoi ? Mais... tu es sûre que c'est lui ? _ On vient tout juste de disc
~~~~~ Melrick Hart ~~~~~ Je sors de son bureau et je referme doucement la porte derrière moi, mais dans mon cœur, c’est un fracas. Je serre la mâchoire et je me sens brûler de l’intérieur, consumé par la colère et le désir. Je traverse le couloir de l’hôpital en m'efforçant de ne pas laisser transparaître mon trouble, mais bordel... elle a failli craquer, je l'ai vu dans ses yeux. Elle ment. Elle me hait peut-être, mais elle ne m'a pas oublié. Je quitte le bâtiment sans ralentir et je respire enfin plus librement en sentant l'air vif sur mon visage. Je m'arrête sur le trottoir et passe une main dans mes cheveux, frustré. Ce n'était pas le bon moment. Cassandra est sur la défensive, elle est encore blessée... et méfiante. Je devrais le savoir mieux que quiconque : la forcer n’amènera rien. Je prends une profonde inspiration. J'ai attendu six ans alors je peux attendre encore un peu. Je fouille dans la poche intérieure de ma veste et je sors mon téléphone. J’ai
Il attrape mon poignet si brusquement que je sursaute et il me bascule presque contre lui. Mon cœur s'emballe et mon souffle se bloque dans ma gorge. Ses yeux... Ses yeux me dévorent et pendant un court instant, je sens son pouce effleurer ma peau, et une vague de souvenirs me traverser comme une décharge. Je me ressaisis violemment. D'un geste sec, je me dégage et lui crache, le regard noir : _ COMMENT OSES-TU ME TOUCHER ? JE T'INTERDIS de refaire ce que tu viens de faire, SINON... Je me stoppe net. Il me fixe d'un air impassible avant de faire quelques pas vers moi. _ Sinon quoi ? demande-t-il d'une voix basse, presque provocante. Je recule d'un pas sans même m'en rendre compte. Ma main tremble légèrement, mais je la cache derrière mon dos. Il avance encore, le regard cloué au mien, et lâche, moqueur : _ Tu vas me gifler ? Sa voix est douce, presque moqueuse, mais je perçois l’amertume qui suinte derrière. Il s'arrête juste devant moi, si près que je pourrais
~~~~~ Cassandra Hurber ~~~~~ Je suis en train de parler à une patiente et je lui donne des conseils pour améliorer sa santé alors qu'on marché dans le couloir de l'hôpital. Mon cœur s'est allégé depuis que je suis à Boston et que je n'ai pas eu de signe de Melrick ni de Veronica. J'ose croire que ce n'est pas le calme avant la tempête. Peut-être m'ont-ils réellement oubliée. Peut-être ont-ils repris le cours de leur vie, celui qu'ils menaient sans moi depuis six ans. Je retiens un soupir, puis laisse échapper un léger souffle, presque un soupir de soulagement, en esquissant un sourire chaleureux à ma patiente. _ À très bientôt, lui dis-je doucement. Prenez soin de vous. Elle me remercie avec un sourire sincère avant de quitter la pièce. Je m'apprête à regagner mon bureau, lorsque j'aperçois un silhouette familière. Je regarde bien et... Mon cœur rate un battement. C'est Melrick. Et je comprends immédiatement qu'il m'a vue aussi, car il se lève, brusquement et se d