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Chapitre 5 – Le Chien et la Ville

Penulis: L'invincible
last update Terakhir Diperbarui: 2025-07-23 00:34:28

ZAREK

Le matin racle la surface de la ville comme une lame sale.

Rien n’est pur ici. Pas la lumière. Pas l’air. Pas même les regards.

J’observe la ville du haut de la baie vitrée de la suite.

Tout n’est que vacarme et vertige. Un chaos mécanique qui me donne la nausée.

Drystan entre sans frapper, les bras croisés, l’air tendu.

— Elle dort encore, dit-il. Je crois qu’on lui a injecté quelque chose. Elle a des marques dans le cou.

Je ne réponds pas.

Je fixe la rue en contrebas. Les gens qui marchent vite, pressés, emmitouflés dans leurs existences creuses.

Ils ne sentent rien.

Ils ne savent rien.

Mais moi, je sais. Quelque chose ici pue l’ancien. L’éveil. La mutation.

— On ne peut pas rester cloîtrés ici. Pas si on veut la trouver.

Drystan acquiesce.

— J’ai repéré un garage. On peut louer un véhicule discret, équipé. Sans puce de géolocalisation. Marché noir.

— Parfait. Discrètement. Pas de questions.

Il hoche la tête et quitte la pièce.

Je passe mes doigts sur ma nuque.

La sensation de manque revient comme une morsure fantôme.

La bête en moi est nerveuse. Trop silencieuse.

Elle n’aime pas l’attente.

Je retourne un instant vers la fille.

Toujours inconsciente.

Elle transpire des souvenirs qui ne sont pas les siens. Des lambeaux d’images, d’odeurs, de peurs anciennes.

Elle a croisé l’Autre. Celle que je cherche.

C’est inscrit dans sa chair.

Mais ce n’est pas elle.

Et chaque minute perdue est un pas de plus vers la tombe.

Une heure plus tard, je suis au volant.

C’est une vieille voiture noire, banale, silencieuse. L’intérieur sent le plastique et l’huile. Les sièges grincent à chaque virage.

Drystan lit une carte, à l’ancienne.

Il refuse les GPS. Il a raison.

— Tu veux commencer par où ?

— Je ne sais pas.

Nous roulons dans les artères de la ville comme des ombres glissant entre les mailles du jour.

Drystan surveille. Moi, je ressens.

Parfois, des frissons. Des fausses pistes. Des odeurs qui ne mènent à rien.

Mais d’autres fois…

Un frémissement, un souffle.

Un murmure.

La trace est là.

— Arrête-toi, dis-je brusquement.

Nous sommes dans une ruelle latérale, étroite, encaissée entre deux immeubles décrépis. Une odeur âcre s’en dégage, mélange de vieux métal et de pluie stagnante.

Je descends.

J’avance lentement.

Là, contre un mur, des inscriptions effacées à moitié. Une langue ancienne. Des symboles oubliés.

— C’est du Langage Souterrain, murmure Drystan, à mes côtés.

Je tends la main. Mes doigts frôlent les gravures.

Elles vibrent. À peine. Mais assez pour réveiller la mémoire.

Elle est passée ici.

Ou quelqu’un qui portait sa marque.

Je ferme les yeux.

Et je la vois. Une silhouette féminine. Furtive. Manteau noir. Pas rapide, mais déterminée. Une jeune femme d’environ dix-neuf hivers.

Et elle était observée.

— Ils l’ont vue, dis-je.

— Qui ?

— Les Sans-Noms. Ceux qui chassent les Sangs-Mêlés pour les vendre.

Drystan blêmit.

— Si elle est tombée entre leurs mains…

— Alors je les détruirai. Un par un. Jusqu’à ce qu’on me la rende.

Nous remontons en voiture.

La pluie commence à tomber, lourde, sale.

Chaque goutte est une rumeur de mort.

Le quartier suivant est encore plus délabré. Ici, les rues n’ont pas de noms, seulement des numéros gravés à la bombe sur les murs.

Les gens nous regardent comme des intrus, des chiens errants.

Mais je sens qu’on se rapproche.

La trace devient plus nette.

Et enfin… un cri, aigu, féminin.

Pas loin.

Je sors de la voiture sans réfléchir, mes sens en alerte.

Drystan me suit, l’arme à la main.

On tourne un angle.

Et on la voit une autre jeune femme plaquée contre une porte. Un homme lui hurle dessus. Il lève la main . Mais trop tard , je suis déjà sur lui.

Mon poing frappe. Il tombe , il n'est pas mort , pas encore.

Mais il sent la bête. Et il fuira, s’il est intelligent.

La fille sanglote. Elle a une cicatrice dans le cou. Une brûlure en forme de cercle.

— Elle a été marquée, dit Drystan.

Je m’agenouille.

— Qui t’a fait ça ?

Elle me regarde.

Ses yeux s’élargissent.

— Je ne sais pas de quoi tu parles .

Je me fige.

— Nous voulons juste t'aider . Nous cherchons une jeune femme . 

— La ville est grande monsieur .

Drystan me regarde. Il comprend.

— Je sais mais ,je n'ai pas le choix , je dois la retrouver .

— Tu penses qu’elle s’est réfugiée ici ? Que lui voulez-vous ? 

— Ce n'est pas ton problème , dis-je.

Je sens mon sang se tendre.

Nous la faisons monter à l’arrière. Elle tremble.

Je démarre. Direction le vieux quartier industriel, là où les égouts sont aussi anciens que les légendes.

La pluie s’intensifie.

Puis…

Quelque chose me heurte.

Un choc. Une masse sombre surgie de nulle part.

La voiture bondit.

Je braque, mais c’est trop tard.

Un deuxième véhicule surgit dans l’angle mort , et je le cogne .

Le bruit est brutal.

Le métal hurle.

La voiture se soulève, se retourne.

Tout vole en éclats.

Le monde se renverse.

Je perds conscience une seconde.

Puis tout revient , j'entends des sirènes , des cris , du sang.

Le mien ? Celui de Drystan ?

Je ne sais pas.

On nous extrait de la carcasse.

La fille survivante est toujours là, hébétée, vivante, mais inconsciente.

On me parle. Des voix humaines, vides, pressées.

— Respirez. Allongez-vous. Monsieur ? Vous m’entendez ?

Oui. Je les entends.

Mais je ne suis pas là.

Je suis ailleurs. Avec Elle.

Un instant.

Une image.

Ses yeux.

Et son odeur , n'est pas loin.

Je me réveille dans un lit d’hôpital.

Le plafond est blanc. Trop blanc.

L’odeur de désinfectant me pique la gorge.

Drystan est là. Un bandage au front.

— Ils disent qu’on a eu de la chance.

Je tente de me lever. Mon corps proteste.

— Et la fille ?

— En soins. Mais ils veulent lui faire une prise de sang.

Je fronce les sourcils.

— Tu as vu qui d’autre était dans le service ? Ce qu’ils ont amené avec elle ?

Il hésite.

— Une autre fille… mais pas une humaine, Zarek. Je t’assure, je l’ai vue , ses yeux...et puis elle brillait.

Je sens la bête se redresser.

— Où ?

— Bloc C. Neurologie.

Je sors du lit , car il faut que je la vois , je suis sûr que c'est elle ! Et je dois y aller.

Parce qu’Elle est là.

Et je vais la trouver.

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