ZAREK
Je marche , ou plutôt, je traîne ma carcasse meurtrie dans les couloirs glacés de l’hôpital. Chaque pas est un supplice. Mes côtes râlent, mes muscles protestent, comme si chaque fibre de mon corps hurlait de rester immobile. Mais je ne peux pas. Je ne peux pas attendre. Attendre, c’est mourir.
Les néons au plafond clignotent, me déchirant les yeux. Le bruit métallique des chariots, plus loin, vrille mes nerfs. Ça résonne comme des chaînes dans ma tête. Tout sent le sang, le chlore, la peur. Une peur qui n’appartient à personne et à tout le monde, celle qui s’accroche aux murs, aux rideaux de plastique, aux corps qui passent.
Drystan me suit, un pas derrière, son souffle plus court que d’habitude. Je sens son regard me transpercer, lourd de reproches et d’inquiétude.
— Zarek, tu n’es pas en état…
Sa voix est un grondement, bas et tendu, comme un chien prêt à mordre. Je ne réponds pas. Je l’ignore.
Le bloc C n’est plus très loin. Je le sais. Je le sens. Ou plutôt… je la sens.
Un parfum. Pas un parfum humain. Pas vraiment. C’est autre chose. Une vibration ancienne, une pulsation dans l’air, comme une cicatrice ouverte dans la trame du monde. Un souvenir de feu et de cendre qui s’insinue dans mes poumons.
Je pousse la porte battante d’un coup d’épaule.
Le couloir s’étire devant moi. Blême, silencieux. Trop silencieux. Les néons grésillent, certains meurent, d’autres clignotent comme des signaux d’alarme. Chaque pas résonne. Trop fort. J’ai l’impression de marcher dans un cercueil ouvert.
Une chambre, au bout. Je sais que c’est là.
Je m’arrête. Inspire. Expire. La bête en moi s’agite, nerveuse, impatiente, prête à bondir. Elle veut voir. Elle veut sentir. Elle veut posséder.
Je pousse la porte.
Elle est là. Debout, dos à la fenêtre. Une silhouette de verre et d’ombre.
Ses cheveux tombent en cascade sombre sur ses épaules, luisant légèrement sous la lumière blanche. Elle tourne la tête, lentement. Trop lentement, comme si elle avait deviné ma présence avant même de m’entendre.
Et…
Je suis ébloui.
Non par une lumière surnaturelle.
Pas par une aura divine.
Mais par son humanité.
Elle est humaine. Juste humaine.
Et c’est pire que tout.
Parce qu’elle est belle comme une promesse impossible. Parce que ses yeux d’un gris clair, presque transparent, semblent reconnaître en moi quelque chose que je n’ai jamais voulu montrer.
Son souffle est court, mais elle ne recule pas. Elle me regarde comme si elle me connaissait. Comme si, en une fraction de seconde, elle avait vu ce que je suis : la bête sous la peau.
— Qui êtes-vous ? dit-elle, la voix tremblante mais ferme.
Je reste muet. Ma gorge se serre. Mon souffle se bloque. Je sens mes mains se crisper comme pour s’accrocher à la réalité.
Je ne sais pas. Je ne sais plus si je dois lui répondre ou l’arracher à cet endroit avant que le monde la dévore.
Drystan entre, arme en main, prudent, comme toujours. Elle sursaute. Ses yeux s’écarquillent un peu, mais elle ne crie pas.
— Zarek, murmure-t-il. Ce n’est pas elle. Je te l’avais dit. Ce n’est pas…
— Tais-toi.
Ma voix claque dans la pièce comme un coup de fouet. La bête gronde derrière mes dents.
Je m’avance, lentement. Elle ne recule pas. Elle serre les poings, mais ses doigts tremblent.
— Pourquoi tu sens comme elle ?
Elle fronce les sourcils.
— Comme qui ?
Je tends la main. Mes doigts frôlent son poignet.
Alors, soudain, une lumière éclate. Brutale. Vive. Aveuglante.
Un flash blanc comme un coup de tonnerre.
Nous clignons des yeux, aveuglés, figés dans cet éclat pur.
Puis je sens une corde de lumière s’échapper du creux de son bras. Fine, vibrante, chaude.
Elle glisse, serpente, bondit.
Elle vient vers moi.
S’enroule autour de mon bras meurtri.
Un frisson électrise ma peau. La douleur dans mes côtes, tenace depuis des heures, explose… puis disparaît, comme avalée par un feu doux et apaisant.
Je regarde mon bras.
Le sang noir et les blessures s’effacent, se recomposent, se referment sous mes yeux.
Elle est en train de me guérir.
Je cligne des yeux, incrédule.
Le contact de cette lumière, de cette énergie, me déchire et me guérit à la fois.
Un murmure intérieur, profond, enfoui, s’élève.
Une certitude nue.
— C’est toi.
C’est elle. Mon âme sœur.
Mais elle est humaine. Juste humaine.
Et c’est la douleur la plus vive, la plus cruelle que je n’ai jamais ressentie.
Je serre sa main, encore tremblante, et la regarde dans les yeux.
Ceux d’un gris clair, presque translucide, mais brûlants d’une vérité ancienne.
Je ne sais plus quoi dire.
Je suis partagé entre la rage de tout perdre encore, et l’espoir fou que peut-être, cette fois, je ne serai plus seul.
— Qui es-tu ? murmuré-je enfin, la voix brisée.
Elle baisse les yeux, honteuse, fragile.
— Je… je m’appelle Sarah .
Un nom doux, léger, comme un souffle dans la tempête.
Je serre les poings, mes pensées s’emmêlent, se bousculent.
Elle est humaine.
Elle n’a pas les pouvoirs, la nature que je croyais nécessaires.
Mais elle a cette lumière. Cette connexion.
Je sais, au fond de moi, que c’est elle.
Et pourtant, tout ce que je veux, c’est la protéger.
De tout.
Même d’elle-même.
Je fixe la corde de lumière qui nous relie encore, tremblante, fragile.
Elle ne doit pas se briser.
Parce qu’avec elle, peut-être, je peux enfin affronter la nuit.
Drystan m’effleure l’épaule.
— Zarek. On n’est pas seuls.
Je me retourne.
Un bruit de pas.
Des silhouettes en combinaison grise apparaissent au fond du couloir.
Sécurité ? Ou autre chose ?
Leurs gestes sont trop lents. Trop précis.
Pas des médecins. Pas des humains normaux.
Je serre les poings.
Tout ralentit.
Je sais ce qui va arriver.
Et ça ne me plaît pas.
— On sort, dis-je, la voix basse mais tranchante.
— Tu es blessé, murmure Drystan.
— Peu importe.
Je prends la main de Liora.
Elle hésite.
Ses yeux accrochent les miens, incertains, presque suppliants.
— Pourquoi… pourquoi vous me sauvez ?
Je la fixe, sans détourner le regard.
— Parce que tu as quelque chose que je dois comprendre.
Elle ne bouge pas.
Alors je serre un peu plus sa main.
Je la sens trembler, mais elle finit par suivre.
Je l’entraîne hors de la chambre.
Le couloir se remplit d’ordres hurlés, de bruits de pas précipités.
Les silhouettes grises avancent vers nous, armes ou seringues en main, je ne vois pas bien.
Mon cœur cogne comme un tambour.
La douleur dans mes côtes s’efface.
Mes sens s’aiguisent.
Je deviens la bête.
Et rien, rien, ne pourra m’arrêter.
ZAREKAu début, j’y ai cru. Quand ses yeux se sont ouverts, quand sa main a serré la mienne, quand ses lèvres ont laissé passer ce souffle fragile, j’ai cru que la vie l’avait regagnée, que mon cri avait franchi l’abîme et qu’elle m’était rendue. Mais la lumière s’est éteinte aussitôt. Ses paupières sont retombées comme des pierres, son corps s’est relâché contre moi, et la chambre a replongé dans un silence plus cruel que la mort.La sorcière n’a pas cessé. Sa voix a continué d’emplir les murs, ses incantations ont brûlé l’air jour et nuit, inlassables, obstinées, comme si elle savait que la bataille n’était pas perdue. Moi, j’ai attendu. Chaque seconde, chaque heure, chaque jour, j’ai espéré que ses yeux s’ouvriraient de nouveau, que son souffle retrouverait sa chaleur, que sa voix prononcerait mon nom.Mais cinq mois ont passé.Je ne sais plus ce qu’est le temps. Le palais s’est réduit à cette chambre, à ce lit, à son visage endormi. J’ai oublié la lumière du soleil, oublié les con
ZAREKLe temps n’existe plus, ou alors il s’est figé dans une douleur interminable. Chaque battement de mon cœur est une lame qui s’enfonce dans ma poitrine, chaque souffle que je prends est une trahison, car elle, elle ne respire pas. Son corps est lourd dans mes bras, glacé comme si la vie l’avait quittée, et pourtant je refuse de le croire, je refuse de céder à l’évidence. Mon front s’écrase contre le sien, mes lèvres tremblent à l’oreille close que j’implore :— Tu ne partiras pas… pas toi… pas maintenant…Autour de moi, la chambre se tord dans un chaos invisible, les flammes des chandelles s’inclinent comme des arbres sous la tempête, les murs vibrent, le sol gémit sous mes genoux, et au milieu de tout cela, la voix de la sorcière s’élève, grave, déchirante, ses incantations résonnent comme des coups de tonnerre. Chaque mot qu’elle prononce semble arracher des morceaux d’ombre à la réalité, et pourtant, rien ne bouge en elle. Elle est toujours prisonnière de ce silence insoutenab
ZAREKSon corps est là, contre moi, mais il est glacé, inerte, comme une coquille vide de ce qu’elle était, et mon cœur se serre à chaque respiration qui ne vient pas. Ses yeux restent clos, son souffle inexistant, et je sens un vide s’installer en moi, un abîme noir que je n’avais jamais connu. Chaque seconde sans elle est une torture, chaque silence un cri muet qui me déchire l’âme.— Sarah… murmurai-je, ma voix brisée, étranglée par le désespoir… réponds-moi… dis-moi que tu es là…Rien. Ni un mouvement, ni un souffle, ni un frisson. Le monde autour de nous devient flou, irréel, chaque détail se perd dans une brume glaciale, et je me rends compte que je pourrais perdre tout ce qui fait sens à jamais. Mon corps est crispé sur le sien, mes mains tremblantes glissant sur sa peau immobile, incapable de la réveiller, incapable de l’ancrer dans ce monde.— Sorcière ! je hurle presque, la panique me dévorant… qu’est-ce qu’il lui arrive ? Que… que faites-vous à mon âme sœur ?!Elle avance l
SARAHLa chambre s’efface autour de nous, chaque contour s’estompe, laissant place à un espace suspendu, presque irréel, où il n’y a plus que Zarek et moi, nos souffles entremêlés, nos corps brûlants, chaque fibre de mon être vibrant sous la tension, la peur et le désir. Je sens son corps contre le mien, puissant, chaud, chaque geste calculé pour me préparer, pour me posséder totalement, et je sais que ce qui va suivre est irréversible, qu’il ne s’agit pas seulement de plaisir mais d’un lien gravé dans la chair et dans l’âme.— Sarah… murmure-t-il, sa voix tremblante et grave… je vais te marquer, car tu es mon âme sœur…Mon corps se tend, chaque mot faisant frissonner ma nuque, chaque syllabe éveillant une peur que je n’avais jamais connue, mais qui se mêle à une excitation que je ne peux réprimer. Je le supplie silencieusement de faire attention, mais je ne peux que m’abandonner, haletante et tremblante.Autour de nous, la sorcière commence ses incantations, sa voix rauque et hypnoti
SARAHJe me cambre contre lui, chaque fibre de mon corps vibrant sous son poids, sous sa force, et pourtant sous une douceur qui me brûle plus que tout, comme si chaque geste de Zarek était conçu pour me dévorer et me protéger à la fois, un équilibre fragile entre violence et tendresse qui me fait perdre toute notion de temps et d’espace. Il ne me laisse aucun répit, chaque mouvement est précis, puissant, attentif, chaque poussée une déclaration silencieuse, chaque souffle un lien qui nous enferme dans une bulle de feu et de désir.— Sarah… murmure-t-il, haletant… je te veux tout entière, chaque frisson, chaque murmure… tu es à moi…Quand il entre en moi d’un seul coup, je hurle, mes mains agrippant ses épaules, mes jambes enserrant sa taille comme pour ne jamais le laisser s’échapper, et la douleur de la première pénétration se mêle à un plaisir brutal, un feu que je n’ai jamais connu, un mélange enivrant de crainte et de désir. Il ralentit, me laissant sentir chaque centimètre, chaq
SARAHLe lit s’ouvre devant nous comme un abîme que je n’ai jamais osé contempler, et pourtant Zarek me guide avec une fermeté douce, chaque pas, chaque toucher m’engloutissant dans un vertige de désir. Ses mains ne se contentent pas de caresser : elles me possèdent, elles dessinent ma peau comme un parchemin sur lequel il grave son obsession, son besoin, son désir. Je frissonne, mes doigts s’accrochent à lui, mes ongles se perdent dans sa chemise, et je me sens fondre, brûler, disparaître dans sa chaleur.— Sarah… murmure-t-il, tes courbes, ta peau, ton souffle… je les veux toutes… je te veux toute entièreSes lèvres descendent le long de mon cou, mordillent, aspirent, et chaque frisson qui me traverse est comme une étincelle sur un feu déjà dévorant. La sorcière est là, je le sens, ses murmures incantatoires ondulent dans l’air comme des filaments d’ombre et de lumière, chaque syllabe un serpent qui se glisse autour de nous, tentant de freiner notre élan, de plier ma volonté à sa pu