LOGINZAREK
Ils avancent.
Lents. Silencieux.
Leurs pas résonnent comme des échos mortels dans ce couloir étroit. Le néon au plafond clignote par saccades, jetant des éclairs blancs sur leurs visages masqués. On dirait des spectres vêtus de chair artificielle.
Drystan lève son arme, tendu comme une corde prête à se rompre.
Je n’ai même pas besoin de respirer pour savoir que ce ne sont pas des hommes.
Leur odeur est fade, presque inexistante. Un vide.
Ils ne respirent pas comme nous. Peut-être qu’ils ne respirent pas du tout.
Sarah serre ma main.
Son cœur bat vite, affolé, comme un oiseau prisonnier. Je sens sa peur, la brûlure de son sang qui pulse. Mais sous cette panique, quelque chose vibre… une chaleur sourde, presque vivante, qui remonte le long de mon bras. Comme si elle me contaminait de sa lumière.
— Reste derrière moi, dis-je d’une voix basse et dure.
— Qui… qui sont-ils ? souffle-t-elle.
Je ne réponds pas. Pas maintenant. Le nom que je donnerais ne changerait rien.
Les silhouettes grises accélèrent. Elles glissent, rapides, comme des ombres avalant la distance. Pas de bruits de pas, pas de respiration. Rien que ce bourdonnement sourd, sinistre, qui émane de leurs armes. Des bâtons métalliques, noirs, striés de lumières bleutées. Je les reconnais. Des armes faites pour nous tuer, nous. Pas des humains. Des chasseurs.
Drystan tire.
Deux détonations claquent, violentes, brisant le silence comme une gifle.
Deux silhouettes tombent, heurtant le sol dans un fracas métallique… mais elles se relèvent aussitôt. Leurs membres craquent, se plient comme des pantins en plastique. Aucun cri. Aucun sang. Juste cette horreur glacée.
— Merde… grogne Drystan entre ses dents.
Je pousse Sarah derrière moi.
Sa chaleur traverse mes vêtements. La bête en moi rugit, alerte.
La corde de lumière, celle que je croyais imaginer, vibre à nouveau entre nos corps.
Les chasseurs se mettent à courir.
Et là…
Tout bascule.
Quand nos doigts s’enlacent, une décharge fulgurante me transperce.
Une onde, immense, brutale, jaillit de nous.
Une lumière blanche. Aveuglante. Brute.
Elle frappe le couloir comme une tempête silencieuse.
Les chasseurs sont projetés en arrière, comme arrachés à la réalité.
Leurs armes volent dans les airs, heurtant les murs. Le plafond tremble, les néons explosent en pluie d’étincelles.
Drystan recule, se protège derrière une porte métallique, les yeux écarquillés.
La vague nous traverse, brûlante, déchirante.
Ma peau hurle, mon cœur aussi. Mais je ne lâche pas Sarah.
Pas maintenant. Pas jamais.
Puis le silence.
Un silence absolu.
Je rouvre les yeux.
Tout le couloir n’est plus qu’un champ de ruines. Les chasseurs sont éparpillés au sol, leurs corps convulsant, leurs masques fendus. Certains ne bougent plus du tout.
Sarah chancelle.
Son visage est pâle, presque translucide, comme si toute son énergie venait de s’échapper. Je la rattrape juste avant qu’elle ne s’écroule.
— Qu’est-ce que… qu’est-ce que j’ai fait ? souffle-t-elle, paniquée.
— Ce n’est pas toi, dis-je doucement. Pas seulement toi. C’est… nous.
Ses yeux me fixent, larges, troublés, comme si elle craignait ce que je venais d’avouer.
Je n’ai pas le temps de réfléchir plus.
Une alarme hurle dans tout l’hôpital.
Un son strident, mécanique, qui me déchire les tympans. Les murs s’illuminent d’un rouge sanglant, comme si le bâtiment lui-même voulait nous étouffer.
Drystan revient, arme en main. Il nous regarde, puis regarde le couloir détruit, les corps au sol.
— On doit sortir. Maintenant.
Son ton ne laisse aucune place à la discussion.
Il ne pose pas de question. Pas encore.
Sarah tremble. Je sens son souffle court contre ma nuque.
Je serre sa main plus fort. Et cette fois, elle ne résiste pas.
— Tu ne comprends pas, dit-elle soudain, la voix brisée.
Je me retourne, la fixant.
— Quoi ?
Elle baisse les yeux. Ses lèvres tremblent.
— Ils ne me cherchaient pas… ils cherchaient ça.
Elle tend son poignet.
Et là, je le vois.
Un symbole. Gravé dans sa peau.
Pas un tatouage. Pas une cicatrice banale.
Une marque qui brille légèrement, comme une flamme sous sa chair.
Un tracé ancien, presque runique, palpitant comme un cœur.
Je reste figé, interdit.
— Qu’est-ce que tu es, Sarah ?
Elle secoue la tête, des larmes aux yeux.
— Je… je ne sais pas. Je ne veux pas savoir.
Mais je sais, moi, qu’on ne pourra pas fuir la vérité.
Pas avec une lumière comme la sienne.
Je sens Drystan s’impatienter derrière moi.
— Zarek, bouge. On n’a pas deux minutes.
Je hoche la tête.
La corde invisible entre Sarah et moi pulse encore.
Elle nous relie. Elle me change.
Je la prends contre moi.
Je sens son cœur cogner, fragile, mais je sais qu’elle est la clé.
Et si cette lumière était autant une arme qu’une malédiction ?
ZarekL’aube ne s’est pas encore levée que le vent déjà fouette les murs du palais, chargé d’électricité et de cendre. Je ne dors pas. Sarah non plus. Elle se tient debout près de la fenêtre, nue sous la lueur grise, ses cheveux glissant sur sa peau comme des filaments d’or vivant.Je sens son trouble, sa fièvre, son impatience.— C’est aujourd’hui, murmuré-je.Elle hoche la tête, sans détourner le regard du ciel.— Je le sens. L’air brûle. Le monde attend.Un battement sourd traverse la terre, un rythme ancien qui semble sortir du sol lui-même. C’est le signal.La sorcière nous attend au centre du cercle d’ancrage, dans la cour intérieure où la rosée fume déjà sous la chaleur du sort. Autour de nous, les pierres gravées scintillent d’une lueur pâle, et des runes noires serpentent sur le sol, s’animant comme des veines.— Asseyez-vous, dit-elle. Face à face. Le rituel ne supporte pas la peur.Je m’agenouille devant Sarah. Son souffle se mêle au mien. Le froid de l’aube s’efface sous l
ZarekLe silence retombe après le départ de la sorcière, mais ce n’est pas un silence ordinaire, c’est une respiration qui pulse entre nous, une énergie vivante qui semble sortir des murs, des draps, de sa peau. Sarah ferme les yeux, et j’entends, sans qu’elle parle, le frémissement de sa pensée, comme un écho dans ma poitrine.Je ne comprends pas. Je sens seulement.Sa peur, sa chaleur, son feu.Je tends la main, hésite, la frôle. Sa peau est tiède, presque brûlante, comme si elle contenait un soleil trop grand pour un corps humain. Une lumière ténue filtre par la fenêtre, éclaire son profil, et j’ai la sensation que chaque souffle qu’elle prend déplace quelque chose dans le monde.— Sarah, murmuré-je, tu m’entends ?Pas de réponse. Mais son souffle change. Et dans mon crâne, un mot, pas parlé, pas pensé, me traverse : oui.Je recule d’un geste brusque, le cœur serré.— Sorcière !Elle revient comme si elle n’était jamais partie. Son manteau glisse sur le sol, sa présence fait vibrer
Sarah Zarek reste à mes côtés, le plateau de fruits posé entre nous, mais son regard ne se fixe pas sur moi, il cherche, il scrute l’air, comme s’il pouvait voir à travers le voile invisible qui me relie au monde des forces anciennes. Ses doigts glissent nerveusement sur le bois du lit, et je devine son trouble, sa peur, mêlée à l’admiration.— Sorcière… commence-t-il, sa voix brisée par l’incompréhension, je… je ne comprends pas ce qui lui arrive, explique-moi… dis-moi ce que je dois faire .La sorcière revient silencieusement, ses pas feutrés, son manteau flottant derrière elle comme une ombre vivante. Elle s’incline légèrement, puis s’assoit à une distance mesurée, ses yeux perçants fixant Sarah, et dans ce regard je lis le poids de connaissances anciennes, le murmure d’un savoir qui dépasse les siècles .— Ce qui arrive à votre épouse… dit-elle d’une voix grave, qui résonne dans la pièce comme un écho de tambours lointains, est l’éveil d’un pouvoir qu’elle portait en elle bien av
SARAHJe vacille dans ses bras, et je sens Zarek hésiter, comme si chacun de ses gestes pesait plus qu’un royaume entier, il me soutient avec une précaution inhabituelle, ses mains fermes mais tremblantes glissent le long de mon dos, me guidant jusqu’à la chambre aux lourds rideaux de velours pourpre, et chaque pas résonne dans mes tempes comme un écho de l’orage intérieur qui ne m’a pas quittée depuis la salle du trône, je sens encore le souffle de la foule, leurs prières, leurs cris, cette adoration confuse qui pulse dans mes veines comme un feu ancien que rien ne peut éteindre .Il referme la porte derrière nous, et soudain la pièce me paraît minuscule, intime, comme un refuge fragile face à l’immensité de ce que je viens de libérer, et Zarek recule légèrement, ses yeux cherchant les miens, cherchant une explication qu’il ne trouvera jamais, mais dans cette tension flottante, je perçois son désir de me protéger malgré sa peur .— Repose-toi, murmure-t-il, et sa voix, bien que basse
SARAHJe sens leurs genoux heurter la pierre avant même de les voir s’incliner, ce bruit mat résonne comme un tonnerre souterrain, un battement qui pulse avec mon propre cœur, et quand je rouvre les yeux, le monde n’a plus la même texture, les couleurs semblent saturées, chaque ombre palpite comme si elle respirait, et la lumière se plie autour de moi, docile et rétive à la foisSur son trône, Zarek chancelle, sa main crispée sur l’accoudoir tremble, sa bouche articule des mots qui s’étranglent avant de se former, et je lis dans ses yeux non plus la certitude du souverain, mais une peur nue, primitive, celle d’un homme qui pressent que son règne tout entier vient d’être effacé par une force plus grande que lui— Sorcellerie… souffle-t-il, sa voix brisée se perdant dans le tumulteJe pourrais répondre, mais les mots m’échappent, car je ne parle plus seulement avec ma bouche, mon corps tout entier résonne d’un langage muet que la foule comprend malgré elle, un langage de vibrations, d’o
ZAREKLe silence qui a recouvert le royaume après son apparition ne dure pas, il se fissure comme une vitre trop tendue, et c’est alors qu’un autre phénomène surgit, inexplicable, irréel, une vibration sourde qui se propage dans les pierres de la citadelle, dans les colonnes, dans les veines mêmes de la terre. Les drapeaux claquent sans vent, les flammes des torches se penchent toutes dans une direction unique, comme si l’air lui-même obéissait à un ordre invisible.Sarah avance encore, et chaque pas semble déclencher un écho, une onde qui traverse la foule. Certains se mettent à pleurer sans raison, d’autres sentent leurs genoux céder d’eux-mêmes, incapables de se tenir debout face à cette intensité qui n’a rien d’humain. Je le vois, je le sens dans ma chair : son pouvoir se manifeste, incontrôlable, sauvage, mais contenu par une volonté qui lui appartient à elle seule.Dans la foule, une femme s’évanouit en chuchotant des prières, un vieil homme tombe à genoux et murmure qu’il voit







