Compagne brisée

Un cri résonna dans mes oreilles, glaçant mon sang. Le bruit provenait de trois kilomètres à peu près, où vivait ma meute, profondément dans les bois montagneux à l'extérieur de Chattanooga, dans le Tennessee.

Je m'immobilisai. C'était étrange. Le filet de la Rivière trouble Tennessee devant moi me ramena à ma conscience.

Peut-être que quelques enfants étaient en train de jouer ou que Papa faisait les rituels d'entraînement avec les jeunes métamorphes. Mais cela me surprendrait, car la pleine lune avait lieu ce soir. Habituellement, nous nous détendions durant cette journée du mois quand notre espèce était affaiblie, mais peut-être que c'était le but.

J'espérai que personne n'était blessé.

Repoussant mon inquiétude, je me penchai au-dessus du bord boueux de la berge et trempai mes doigts dans l'eau fraiche. La grande tempête de quelques jours auparavant avait rendu le liquide plus trouble que la normale, mais je pouvais toujours y voir mon reflet. Mes longs cheveux argentés, qui témoignaient de mon futur en tant qu'alpha, furent soulevés par la brise, et le teint olive de ma peau contrastait avec mes yeux clairs de couleur violet-argent.

Le soleil de l'après-midi réchauffait l'arrière de mon cou, et la tension se dispersa de mon corps.

— Attaquez ! résonna à distance le vague ordre désespéré. Tuez-en autant que vous pouvez.

Mon organisme se figea.

Ce n'était pas un exercice. Nous ne criions pas frénétiquement même quand nous le voulions durant l'entraînement. Révéler son inquiétude paraissait faible. En tant que loups et protecteurs d'argent, nous devions communiquer notre assurance à tout moment.

Je tournai les talons et courus vers le quartier. Purée, je n'aurais pas dû sortir en douce et marcher à trois kilomètres de la maison, mais c'était l’unique jour du mois où je pouvais être seule quelques heures.

Le seul jour où j'avais du répit face à l'apprentissage de mes futures responsabilités, que j'avais héritées de mon père.

— Que se passe-t-il ?

Je me reliai à ma meute, mais il y eut un silence radio. Comme si les liens de communication avec eux avaient été coupés.

Cela ne s'était jamais produit auparavant. J'explorai à nouveau mon esprit à la recherche de la connexion alors que la panique griffait ma gorge. Le seul réconfort que j'avais était ma poitrine toujours chaude des liens de la horde.

Des animaux se précipitèrent dans la direction opposée par rapport à la mienne, et mon cœur déjà à un rythme effréné, martela plus fort.

Quelque chose n'allait pas. Les loups argentés s'acclimataient au monde, mais nous gardions notre localisation et le type de loups que nous étions cachés de tous, y compris les autres membres de la race des loups. Le seul moment où nous autorisions quelqu'un de l'extérieur à venir dans notre meute, c’était quand l'un d'entre nous trouvait son âme sœur. Pour garder notre meute secrète, le partenaire prédestiné devenait toujours l'un des nôtres. C'était la loi de notre meute et une façon de s'assurer que la race des loups argentés reste cachée. Donc, être attaqués n'aurait pas dû être possible.

Des coups de feu tirés et je puisai de la magie de ma louve, augmentant ma vitesse grâce à l'animal en moi. Je devais retourner à ma meute aussi rapidement que possible, mais je ne pouvais pas risquer de me transformer. Sous la forme animale, nous révélions le type de loups que nous étions à nos attaquants, notre fourrure argentée facilement reconnaissable. Les agresseurs pouvaient venir d'une meute dirigée par un alpha trop zélé qui souhaitait constituer une horde plus grande en utilisant la force pour nous soumettre à lui. Papa m'avait dit à plusieurs reprises que quelque chose de la sorte pouvait arriver.

C'était une possibilité, mais je ne pouvais pas en être sûre avant de les avoir rejoints.

Des parties de ma poitrine devinrent plus froides alors que des membres de la meute commençaient à disparaitre, exactement comme quand mon grand-père était mort.

— Non.

Ils ne pouvaient pas mourir.

Tout autre jour du mois, je pouvais courir deux fois plus vite, mais avec la lune cachée ce soir, ma magie était affaiblie encore plus que celle de n'importe quel autre membre de la meute, car le sang des alphas était davantage connecté à la lune. Même sous la forme de loup, je n'aurais pas été capable de filer plus rapidement.

Pas aujourd'hui.

Les loups argentés étaient plus forts que des loups standards, en particulier la nuit et lors de la pleine lune. Plus la lune était pleine, plus nous étions puissants et grands. Mais durant cette journée unique dans le mois, nous étions fondamentalement semblables à tous les autres loups du monde.

Rien de particulier.

Davantage de tirs éclatèrent, et je persistai à aller plus vite, faisant se contracter mon flanc.

Je devais respirer ou je serais trop essoufflée pour aider ma meute quand je les atteindrais finalement.

Les arbres se troublèrent en les dépassant à grande allure, et mes pieds sombrèrent dans un sol de paille, me ralentissant. Je voulus crier de frustration.

Prenant de profondes inspirations de l'air du printemps, j'essayai d'utiliser les parfums floraux des bois pour rester rationnelle. La respiration profonde était l'un des rituels apaisants qui m'avaient été inculqués pendant mon jeune âge. Apprendre à contrôler mes voies respiratoires était l'une des meilleures armes que quiconque pouvait avoir. Cela m'aidait à réfléchir logiquement et à ne pas prendre de décisions stupides sous pression. Rien n'était plus puissant.

Qu'importe à quel point je m'obstinais, cela ne paraissait pas être assez. Le temps ne semblait pas bouger alors que je tentais désespérément de parvenir à mes amis et ma famille.

Avec chaque pas que je faisais, le bruit des combats devenait plus distinct. Je devais prendre ça pour un bon signe. Après tout, nous étions nés pour être des combattants.

Je m'accrochai à cet espoir et ne laissai pas ma peur prendre le dessus.

Alors que les arbres se clairsemaient, je criai presque victoire.

— J'y suis arrivée !

Mais la puanteur de cuivre frappa mon nez.

Du sang.

L'odeur enroba ma gorge, me donnant des difficultés pour avaler.

Mes pieds trébuchèrent et je me repris avant de tomber à genoux. Je n'avais pas le temps de craquer. J'étais un alpha, nom d'un chien, et mon peuple avait besoin de moi.

J'ouvris ma bouche et respirai sans utiliser mon nez. L’effluve était encore puissant, mais pas aussi mauvais. Ma louve bondit en avant dans mon esprit, m'aidant à rester fort émotionnellement.

Alors que je me rapprochais de la maison, de modestes habitations en briques dépassèrent au travers des arbres. Je courus directement jusqu'à celle de l'alpha, son jardin était connecté au bois. Je devais trouver mes parents et voir ce que Papa avait besoin que je fasse. Il aurait un plan. Il en avait toujours un.

Devant être aussi silencieux que possible, je ralentis, ne voulant pas tomber sur un attaquant. Ce n'était pas comme s'ils me transmettraient leur localisation.

Les affrontements ressemblaient à des battements de tambour.

Écrasants.

Dévastateurs.

Déchirants.

Quand je fus sur le point de franchir les arbres, une puanteur musquée étrangère me fit presque manquer de m'étouffer, et je m'arrêtai sur mes pas.

Les agresseurs étaient définitivement des métamorphes-loups, mais je ne connaissais pas leurs odeurs.

Je m'accroupis et sortis le couteau que je gardais dans un étui autour de ma cheville. L'avoir m'apportait du confort, et je ne quittai jamais la maison sans l'arme. Même pas quand Zoé, ma meilleure amie, m'engueulait, me demandant quel genre de bestiole serait assez courageuse pour nous attaquer.