Chapitre 3

« Scarlett, ça suffit maintenant… », a dit Marcus avec impatience.

Sa voix avait cette dureté d'avertissement qu'il réservait aux membres de la meute désobéissants. Ce n'était pas celle d'un compagnon, mais celle d'un Alpha perdant patience face à une subordonnée.

« J'ai été plus que généreux. Je t'ai donné le temps de guérir, les ressources pour te rétablir, et maintenant, je te demande simplement une signature. »

Il s'est avancé, sa présence imposante remplissant l'espace confiné de la pièce.

« Ne mets pas davantage ma patience à l'épreuve. »

Avant même qu'il ne puisse finir sa menace, Céleste a soudain serré les dents et a saisi le couteau posé sur la table.

La lame brillait d'un éclat argenté sous la lumière de l'après-midi filtrant à travers la fenêtre.

« Scarlett, je vais expier par ma mort ! »

Sa voix s'est brisée dans une détresse théâtrale, mais ses yeux restaient froids et calculateurs.

Elle s'est tailladée la main avec violence, si profondément qu'on voyait l'os blanc à travers la plaie béante.

Le sang a jailli, éclaboussant les documents immaculés sur la table.

L'odeur métallique a envahi la pièce, me donnant la nausée.

Mais mon cœur, lui, n'a rien ressenti.

Je me suis juste demandé pourquoi elle n'avait pas visé sa gorge.

Si elle voulait vraiment se faire pardonner, ça aurait été plus efficace.

« Céleste ! »

Le hurlement paniqué de Marcus a brisé le silence tendu.

Il s'est précipité à genoux auprès d'elle, pressant ses mains contre la blessure pour stopper l'hémorragie.

« Allez chercher les guérisseurs ! Tout de suite ! », a-t-il crié aux serviteurs qui attendaient à la porte.

« Apportez la potion de soin la plus puissante que nous ayons ! »

Ses mains étaient couvertes de sang alors qu'il berçait le bras blessé de Céleste.

Ces mêmes mains qui me tenaient autrefois avec tant de tendresse tremblaient maintenant pour une autre femme.

Céleste l'a regardé avec des larmes coulant le long de ses joues, l'image parfaite de la fragilité.

« Marcus, je ne suis qu'une louve renégate qui survit au jour le jour. Comment pourrais-je laisser mes actes nuire à ta relation avec Scarlett ? »

Sa voix n'était qu'un murmure, conçu pour toucher son cœur.

« Je préfère mourir que de vous séparer, toi et ta compagne. »

Elle a vacillé comme si elle allait s'évanouir.

Marcus l'a rattrapée, le visage empli de colère et de préoccupation.

Son instinct protecteur s'était activé, exactement comme elle l'avait prévu.

Son regard allait de la main ensanglantée de Céleste à mon expression figée.

Son souffle était lourd, son torse se soulevant sous l'effet de la rage contenue.

Puis il s'est tourné vers moi, les yeux venimeux, sa voix pleine de reproches :

« Scarlett, elle est prête à mourir pour se faire pardonner, et tu refuses toujours ? »

La déception dans son ton m'a transpercée plus douloureusement que n'importe quelle lame.

« Qu'est-ce que tu veux, au juste ? D'elle ? De moi ? Elle a déjà assez souffert ! »

Sa voix montait à chaque mot, emplissant la pièce de l'autorité Alpha.

« Même une louve renégate sait penser au bien de la meute. Ton corps est presque guéri, alors pourquoi veux-tu l'envoyer à la Prison d'Argent ? »

Son ton devenait de plus en plus acide.

« Ton cœur est-il fait de pierre ? Tu ne vois pas qu'elle est sincèrement désolée ? »

Comme si j'étais la seule fautive dans toute cette histoire.

Comme si j'étais le monstre pour ne pas pardonner à celle qui avait assassiné mon enfant.

Je fixais le sang sur le sol, la tête tournée, étourdie et nauséeuse.

Cette vision ramenait des souvenirs que j'avais essayé d'enfouir.

Le sang sur mes cuisses. Le sang dans la forêt. Le sang à la place de mon bébé.

Dans ma confusion, cette mare de sang a semblé former un tout petit corps, tendant vers moi des mains minuscules.

L'hallucination était si vive que j'ai cru entendre un murmure :

« Maman… »

Ce mot a résonné dans mon esprit, brisant ce qui me restait de force.

Je n'ai plus pu me retenir. Les larmes ont jailli comme un barrage cédant sous la pression.

Les sanglots ont secoué mon corps, libérant des mois de douleur refoulée.

« Très bien », ai-je soufflé à travers mes pleurs.

« Emmène-la au centre de soins. Je signerai quand tu reviendras. »

J'ai répondu à Marcus d'une voix méconnaissable.

La résignation dans mes mots m'a fait me haïr encore plus.

Mais j'étais épuisée.

Fatiguée de me battre, de souffrir, de passer pour la méchante dans l'histoire des autres.

Le soulagement de Marcus a été immédiat et évident.

Il a soulevé Céleste dans ses bras, appelant les serviteurs autour de lui.

« Préparez la voiture ! Vite ! »

L'empressement qu'il avait pour elle, je ne l'avais jamais connu pour moi.

Ils ont quitté la pièce sans un regard en arrière, me laissant seule avec mes démons.

Je me suis effondrée au sol, mes genoux heurtant brutalement le parquet.

Les sensations fantômes sont revenues – celle de mon enfant bougeant dans mon ventre, la chaleur de mon loup dans mon âme.

Mais je savais que ce n'était que des illusions.

Ils étaient partis pour toujours.

Mon enfant et ma louve, tous les deux assassinés par la femme que Marcus venait d'emporter dans ses bras comme un trésor précieux.

Je ne peux pas tourner la page.

Cette prise de conscience m'a frappée comme une claque.

Marcus, adieu.

Plus jamais je ne te reverrai.

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Quelques heures plus tard, sous le clair de lune filtrant par la fenêtre de la chambre, Céleste avait l'air totalement satisfaite dans les bras de Marcus.

Sa blessure avait complètement guéri, pas même une cicatrice.

Étrange comme elle récupérait vite, quand elle le voulait.

« Tu as tellement travaillé ces dernières semaines, à t'occuper si délicatement de Scarlett chaque jour. »

Elle se glissait derrière lui avec une sensualité maîtrisée, ses doigts massant ses épaules tendues.

Son toucher était possessif, comme si elle marquait son territoire.

Marcus a attiré sa taille contre lui, ses mains couvrant sa silhouette fine.

« C'est parce que tu es allée trop loin ce jour-là que le Conseil des Alphas a eu un levier contre moi. Sinon, est-ce que j'aurais dû jouer cette comédie aussi longtemps ? »

Sa voix trahissait la fatigue et l'agacement.

Le masque du compagnon attentionné était enfin tombé.

Céleste l'a embrassé longuement, puis elle a posé ses mains sur son ventre, encore discret mais arrondi.

« Bébé, dis bonsoir à papa. »

Sa voix était mielleuse à en donner la nausée, incarnant la mère dévouée.

« Ton papa a tant sacrifié pour toi. Il faudra prendre soin de lui quand tu seras grand. »

Elle a levé les yeux vers Marcus avec un sourire plein d'innocence feinte, se nichant plus profondément dans son étreinte.

Les yeux de Marcus ont brillé d'un bonheur sincère, pour la première fois depuis des semaines.

Son sourire était doux et chaleureux lorsqu'il a caressé son ventre.

C'était ce regard-là qu'il me réservait, autrefois.

BANG !

La porte de la chambre a claqué si fort qu'elle a rebondi contre le mur.

Neil a surgit en trombe, les vêtements en désordre, le visage blême.

« Alpha ! Il s'est passé quelque chose de terrible ! Scarlett, elle… »

Il haletait, comme s'il avait couru jusqu'ici.

Céleste a feint la surprise, se pressant contre Marcus pour se protéger.

« Scarlett ne va pas encore me causer des ennuis, hein ? », a-t-elle murmuré d'une voix tremblante, mais ses yeux brillaient de satisfaction.

Marcus s'est redressé d'un bond, attrapant le bras de Neil avec force.

Son torse nu se soulevait, brûlant de colère.

« Neil, combien de fois je t'ai dit de ne plus prononcer son nom ici ! Quoi qu'il se soit passé, débrouille-toi ! »

Ses mots étaient glacials, sans appel.

Mais le visage de Neil restait figé dans l'horreur.

Il regardait Marcus, les yeux injectés de sang, la voix brisée :

« Scarlett a eu un accident en route vers une autre meute. La voiture a explosé ! »

Ces mots sont restés suspendus dans l'air comme une sentence.

« Elle est morte ! Brûlée vive ! »