L'enfant de l'interdit

« Tu as vraiment un culot monstre ! Tu n'as pas peur que Diana se doute de quelque chose ? »

Un long silence et Nate a répondu enfin d'une voix neutre : « Elle ne remarquera rien. »

« Tu en es si sûr ? »

« Elle dépend entièrement de moi », il n'y avait aucune hésitation dans son ton, « Elle croira tout ce que je dirai. »

Julien a marqué une pause, baissant légèrement la voix : « Alors, j'espère pour toi que tu n'auras pas à le regretter. »

Nate a eu un rire léger, comme si la chose était insignifiante : « Tout se passera bien. »

La vérité était d'une cruauté insoutenable.

Je me tenais derrière la porte de son bureau, les ongles enfoncés dans mes paumes jusqu'au sang, sans même sentir la douleur.

Je n'étais venue que pour lui apporter sa cape. Ces derniers jours, le vent du nord soufflait avec violence, et je craignais qu'il ne prenne froid pendant sa tournée d'inspection.

Mais maintenant… J'avais l'impression qu'une griffe de loup m'arrachait la poitrine, laissant le vent glacial s'engouffrer dans ma chair à vif.

Ma louve hurlait de souffrance dans mon esprit, résonnant avec ma propre détresse.

J'ai titubé jusqu'à notre demeure, m'effondrant sur le tapis devant la cheminée éteinte. Recroquevillée sur moi-même, je tremblais sans pouvoir m'arrêter, mes larmes coulant sans fin.

Soudain, la porte s'est ouverte.

Je savais que c'était lui.

Ses bottes épaisses ont écrasé le tapis alors qu'il s'approchait lentement. Puis, il s'est accroupi près de moi, la voix douce et empreinte de cette tendresse quotidienne qui m'avait tant trompée : « Pourquoi n'as-tu pas demandé aux domestiques d'allumer le feu ? Le majordome m'a dit que tu n'avais rien mangé aujourd'hui… et que tu semblais souffrante. »

Il a repoussé une mèche de mes cheveux derrière mon oreille, son regard chargé d'une inquiétude qui, autrefois, m'aurait touchée : « Diana… qu'est-ce qui ne va pas ? »

Il a saisi ma main, ses paumes étaient toujours aussi chaudes : « Tu dois manger quelque chose… Notre bébé a besoin de toi pour grandir. »

J'ai levé les yeux vers lui, contemplant ce visage si tendre, en apparence parfaitement sincère.

Apparemment, même l'amour d'un Alpha pouvait être une comédie si convaincante…

Il y a quatre ans, mon compagnon destiné et ma sœur Rosé avaient été surpris en pleine étreinte le jour même de notre cérémonie de marquage. Mes parents m'avaient alors forcée à céder, arguant que « le sang partagé » entre Rosé et moi rendait la substitution acceptable.

Puis, devant toute l'assemblée, ils avaient annoncé : « Il y a eu une erreur sur les invitations. Cette cérémonie était en réalité destinée à Rosé. »

Au cœur de cet humiliation, Nate s'était avancé. Il avait saisi ma main, mordant ma nuque sans hésitation pour y imprimer sa marque.

J'avais cru qu'il était mon sauveur, celui qui m'arracherait aux regards méprisants.

Moi qui, depuis l'enfance, avais le génie du commerce. J'avais été présidente secrète du plus grand syndicat marchand du Sud. Mais après notre mariage, j'avais tout abandonné pour devenir sa Luna, l'épaule discrète d'un Alpha.

J'avais utilisé ma connaissance des meutes et des ressources du Sud pour lui bâtir une stratégie. En quelques années, sa petite meute moribonde était devenue une puissance émergente.

Et cette année… grâce à la fivète, nous attendions enfin un enfant. J'avais cru le bonheur à portée de main.

Ce soir-là, il m'avait serrée contre lui, murmurant que ce bébé était un cadeau des dieux. Son regard était si tendre que j'aurais tout brûlé pour eux.

Mais aujourd'hui, je comprenais : tout n'était qu'un autre mensonge savamment tissé.

Puisqu'il jouait si bien la comédie… Comment pourrais-je être en reste ?

J'ai fermé les yeux un instant. Lorsque je les ai rouverts, mon regard était aussi faux que le sien : « Ce n'est rien… Juste un peu de fatigue. »

Ma voix était douce, teintée d'une fausse fragilité, sans trahir le chaos intérieur.

Il s'est détendu enfin, tapotant le dos de ma main : « Tant mieux. Je vais demander au majordome de te préparer un massage. »

Très bien. Ma louve et moi jouerions ce rôle… trois jours encore.

Dans trois jours, tout serait fini entre nous.