Chapitre 1

Sophie

« Sophie ! Sophie ! Où est donc cette petite misérable sans louve ? » J'entends Daphné, la fille du Bêta et soi-disant future Luna, du moins c'est ainsi qu'elle se considère, m'appeler tandis que je me précipite dans la maison de la meute.

« Me voilà ! » Je réponds, un peu essoufflée.

« Tu es en retard ! », me réprimande-t-elle avec une lueur menaçante qui signifie une punition sévère dans les yeux.

Daphné saisit mes poignets, les tordant douloureusement en me tirant vers elle. « Espèce de petite fainéante ! Comment oses-tu profiter de la bonté de ton Alpha ! » Je sens la brûlure sur ma joue avant même de réaliser que sa main s'est abattue pour me gifler.

Mes yeux se remplissent de larmes que je refuse de laisser couler. Je frotte ma peau endolorie tout en ignorant les ricanements des autres Omégas venues se délecter du spectacle. Elles ne trouveraient pas cela si drôle si cela leur arrivait. Mais bien sûr, cela n'arrivera jamais. Pas quand elles ont une pauvre paria sans louve comme moi à malmener.

« Tu vas grimper à cette échelle et astiquer le lustre en cristal jusqu'à ce qu'il brille tellement qu'il t'aveugle ! Nous recevons des invités importants ce soir, et je refuse que notre Alpha les reçoive dans une maison qui ne soit pas impeccable ! », ordonne-t-elle.

« M... mais je… je n'y arrive p... pas. » Ma voix tremble, ma peur transparaissant dans mon ton. « J'ai p... peur de la hauteur. »

« Tu peux et tu vas le faire ! », exige-t-elle sans compassion. « Maintenant, monte à cette échelle avant que je ne te donne une vraie raison d'avoir peur ! »

Je fourre le produit nettoyant et quelques chiffons dans les poches de mon tablier, les coutures usées se détendant sous le poids. Allez Sophie, fais-le. Tout ira bien. Plein de gens montent aux échelles et survivent pour en parler. Je grimpe à l'échelle sans regarder en bas avant de pouvoir reculer.

Je suis presque au sommet quand mon pied glisse. Soudain, je bascule en arrière, agitant les bras et fermant les yeux. Je m'attends à sentir mon crâne se fracasser contre le parquet à tout instant, tuée par ma propre maladresse.

Mais la douleur écrasante que je redoute ne vient jamais. À la place, une paire de bras puissants me rattrape, me serrant contre un torse chaleureux et me berçant. C'est si agréable que je voudrais m'y blottir et ne plus jamais partir.

« Doucement, petit oiseau. » Sa voix est grave et apaisante, légèrement amusée. « Je ne pense pas que tu sois encore prête à voler. »

« Cassius. » Je murmure en levant les yeux vers le beau visage et les yeux émeraude saisissants du fils de l'Alpha. « Je… je suis vraiment désolée ! Je ne sais pas pourquoi je suis si maladroite. Merci de m'avoir rattrapée ! »

Je me débats pour sortir de ses bras et il me repose doucement mais ne me lâche pas. Mes mains semblent si petites dans les siennes, ses grandes paumes enveloppant les miennes, ses pouces caressant doucement mes poignets. Il me sourit mais pas exactement de façon amicale, plutôt comme le grand méchant loup montrant ses grandes dents luisantes.

« Pas besoin de me remercier, petit oiseau. Je suis simplement content d'avoir été ici. Je suis sûr qu'on peut te trouver quelque chose à faire, qui garde tes deux pieds bien plantés au sol. » Il me tapote le menton et glisse une mèche de cheveux derrière mon oreille.

« Oui, Alpha. » J'acquiesce en haletant quand son sourire devient féroce, comme s'il voulait me dévorer. Je me dégage de son emprise, un frisson parcourant mon échine.

« Bonne fille ! » Les mots grondent du fond de sa poitrine. Il m'adresse un sourire séduisant puis disparaît.

« Comment oses-tu déranger Cassius ! » Daphné surgit de nulle part, me tirant de mes pensées rêveuses. « Il a des choses bien plus importantes à faire que de secourir une misérable Oméga sans louve ! »

Elle agrippe mon bras, enfonçant ses ongles dans ma peau et me traîne dans la cuisine. Une fois hors de vue, elle me jette au sol et me toise d'un air menaçant.

« Puisque tu ne peux pas accomplir la simple tâche que je t'ai donnée, maintenant tu vas te mettre à quatre pattes et récurer tout le sol. Assure-toi qu'il soit impeccable, si propre que nos invités puissent voir leur reflet ! » Elle m'adresse un sourire mauvais, puis rejette sa longue chevelure noire par-dessus son épaule et s'en va.

Quelques heures plus tard, je recule pour admirer mon travail, fière de ce que j'ai accompli. Le sol brille intensément et toute la pièce embaume le pin. J'espère que Cassius sera fier de moi quand il verra ça.

Épuisée, je me dirige vers le couloir pour une pause aux toilettes bien méritée. Daphné et certaines de ses amies sont regroupées, chuchotant de façon conspiratrice, mais elles se taisent toutes quand je passe. Je me demande ce que cette diablesse prépare encore.

Quand je sors des toilettes, elles m'attendent toutes. L'une d'elles m'attrape par les cheveux et me jette au sol au centre de leur cercle. Elles me frappent et me donnent des coups de pied à tour de rôle, jusqu'à ce que je puisse à peine respirer.

Je me recroqueville en boule et essaie de me protéger de leurs coups autant que possible. Avant, je ripostais, mais cela ne faisait qu'empirer les choses. Alors j'ai appris à rester immobile et à encaisser tout cela, faisant de mon mieux pour ne pas pleurer. Quand elles ont toutes eu leur tour, Daphné me crache dessus avec un regard meurtrier sur le visage.

« Reste loin de Cassius ! Tu crois que je n'ai pas remarqué ton petit numéro aujourd'hui ? Essaie encore de le séduire et je t'égorge, espèce de vermine ! »

Elles me laissent là par terre, en sang et couverte de bleus. Je prends quelques minutes pour reprendre mon souffle, puis je me relève lentement. Quand je retourne dans la salle à manger, le magnifique sol sur lequel j'ai tant travaillé est complètement détruit. Des traces de pas sales et graisseuses traversent la pièce. On dirait que quelqu'un a vidé les ordures de la cuisine en plein milieu.

Je soupire, ravalant l'envie de traquer Daphné et de la tuer. Mais je finirais seulement en prison pour ce crime. Je travaille tard dans la soirée pour réparer les dégâts, réussissant à faire briller le sol juste avant l'arrivée des invités. Ce n'est pas aussi beau que mon travail précédent, mais ça fera l'affaire.

Affamée, je me dirige vers la cuisine pour emballer quelques restes de nourriture : mon salaire pour tout mon dur labeur. Puis j'entame la longue marche vers ma petite cabane à la frontière du territoire de la meute.

Je suis épuisée jusqu'aux os et tout me fait mal à cause des coups reçus. N'importe quel autre jour, je prendrais mon temps pour rentrer. Mais ce soir, je surmonte la douleur, pressée de rentrer. Parce que ce soir, quelqu'un m'attend, compte sur moi pour prendre soin de lui, et je ne peux pas le décevoir !