Chapitre 4

Sophie

Je bondis d'allégresse en me dirigeant vers la maison de la meute. C'est le jour de la sélection pour le poste d'Oméga en chef, et je compte bien glisser mon nom sur la liste avant la clôture des inscriptions ce matin. Je sais que je peux l'emporter ! Cassius reconnaîtra ma valeur, j'en suis persuadée !

Je me précipite dans la cuisine, pose mon sac et noue mon tablier. La pièce est déserte, mais je jette un coup d'œil par-dessus mon épaule vers la porte, pour m'assurer que personne ne m'observe. Après avoir griffonné rapidement mon nom sur la liste des candidates, je m'apprête à remettre le stylo dans ma poche, quand le cri strident de Daphné me fait sursauter.

« Qu'est-ce que tu fabriques ? », lance-t-elle d'un ton accusateur.

« R-rien. Je me prépare pour le travail. » Je regarde l'horloge pour vérifier l'heure, confirmant que je suis encore en avance.

« Eh bien on n'a pas besoin de toi ici. Va donc t'occuper dehors où tu ne gêneras personne ! »

Je quitte la cuisine presque en sautillant pour me rendre dans la cour. J'aime travailler au jardin. C'est magnifique et paisible là-bas. Mais je comprends vite que je suis tombée dans un piège... Les ennuis m'attendent derrière la porte.

« Où vas-tu comme ça, sale fille sans louve ? » Une des amies de Daphné me pousse du doigt dans la poitrine, pendant que sa bande de complices ricane derrière elle. J'essaie de l'éviter mais elle me barre la route. « Tu croyais vraiment qu'on laisserait un bon à rien comme toi participer au concours d'Oméga en chef ? Quelle blague ! Comme si une ordure dans ton genre pouvait être chef ! »

Elle me pousse violemment l'épaule, me faisant trébucher. Avant que je ne retrouve mon équilibre, elle arme son poing et me frappe au nez. J'entends un craquement écœurant et ma tête tourne sous l'impact, le sang jaillissant de mes narines et coulant sur mon menton.

Je tombe en arrière, perdant l'équilibre et me cognant la tête contre le béton. Avant que ma vision ne s'éclaircisse, un autre coup m'atteint au ventre en me coupant le souffle.

Elles me donnent des coups de pied à tour de rôle. L'un de leurs pieds percute mes côtes et je l'entends craquer au moment même où une douleur fulgurante me traverse.

Des points noirs dansent devant mes yeux. La conscience m'échappe rapidement tandis que je lutte pour respirer. Leurs voix deviennent étouffées, alors que mon ouïe s'estompe, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que les ténèbres silencieuses.

« Ne me touchez pas ! » Je hurle, me réveillant en sursaut et m'éloignant des mains fraîches qui me touchent.

« Chut ! Tout va bien, ma douce. C'est moi. » Le timbre grave de mon bel inconnu m'apaise instantanément. « Ne bouge pas, je vais nettoyer tes blessures. »

Alors que l'adrénaline due à la peur s'estompe, la douleur de mes blessures revient en force. Je retiens mon souffle quand ma côte cassée m'envoie une décharge brûlante dans le flanc. Elle est rapidement suivie par la brûlure de ce qu'il tamponne sur la coupure au-dessus de mon sourcil.

« Comment suis-je arrivée ici ? » Je regarde autour de moi, remarquant que je suis sur le lit de camp qu'il s'est approprié toute la semaine.

« Je me promenais quand j'ai vu un groupe de louves jeter ton corps inconscient de l'autre côté de la frontière. Ne t'inquiète pas ! » Il lève la main pour me faire taire quand j'ouvre la bouche pour le réprimander. « Elles ne m'ont pas vu. Mais heureusement pour toi, moi, je les ai vues. »

Il soulève mon vêtement pour révéler un hématome déjà noirâtre sur ma cage thoracique. Il déchire une bande de mon drap et bande fermement mes côtes. C'est atroce, mais après la douleur initiale, je peux respirer un peu plus facilement.

« Oh non ! La sélection d'Oméga en chef ! Quelle heure est-il ? » Je m'écrie soudain, m'en souvenant.

« Tu n'es pas en état de participer à un concours aussi dégradant pour le divertissement de cet Alpha stupide. », gronde-t-il. « Si le rejeton de l'Alpha a besoin d'un concours tapageur pour prendre une décision, au lieu de tenir compte de ton travail acharné quotidien, il mérite la pimbêche inutile avec laquelle il se retrouvera ! »

« C'est important pour moi. Ça pourrait changer ma vie. » Je boude. « Je serais respectée, plus seulement le paria de la meute. »

Ses yeux s'adoucissent tandis qu'il écoute et la compréhension se lit sur ses traits : « Tu ferais mieux de te dépêcher alors. »

Je lui adresse un sourire éclatant et glisse du lit de camp, grimaçant à la douleur qui me traverse. Me ressaisissant, je retourne à la maison de la meute aussi vite que mon corps blessé me le permet. Je suis en retard, bien sûr, mais l'expression sur le visage de Daphné quand elle me voit entrer en vaut la peine.

« Sophie ! Que t'est-il donc arrivé ? », demande Cassius. Daphné plisse les yeux vers moi, promettant mille souffrances si j'ose dire la vérité. Mais il n'y a pas de place dans ma tête pour elle quand Cassius attend une réponse.

« Je suis désolée d'être en retard. » Je le regarde droit dans les yeux, ignorant les chuchotements autour de moi. « Je voulais participer au concours mais j'ai... j'ai eu un accident. »

Il traverse la pièce pour me rejoindre et examine les dégâts sur mon visage et mes membres, claquant sa langue et secouant la tête.

« Il n'y a pas assez de temps pour te laisser accomplir toutes les épreuves. Ce ne serait pas juste de te choisir plutôt que celles qui les ont faites. De plus, tu sembles trop sujette aux accidents pour quelqu'un à un poste aussi important. » Mon visage se décompose à cette annonce. « Mais... »

Il relève mon menton pour que je le regarde : « J'ai remarqué ton talent en cuisine, tes desserts sont délicieux. Que dirais-tu de devenir notre nouvelle chef pâtissière ? »

« Vraiment ? Merci ! » Je me dresse sur la pointe des pieds et dépose un baiser sur sa joue avant de pouvoir m'en empêcher.

J'entends quelqu'un grogner et mes joues s'enflamment de gêne, mais le sourire carnassier de Cassius est de retour : « Je t'en prie, petit oiseau. »

Je rentre chez moi aussi vite que possible, impatiente d'annoncer la merveilleuse nouvelle à mon nouvel ami. Je fais irruption par la porte et les mots jaillissent, mon excitation débordant. Je pensais qu'il serait heureux pour moi, mais il me lance un regard réprobateur.

« Ça ne te paraît pas étrange ? Pourquoi le fils de l'Alpha ferait-il quelque chose d'aussi gentil pour le paria de la meute ? »

Je tressaille au ton méprisant de ses paroles, mais j'ignore la blessure et décide pour une fois de me défendre. « J'ai de la valeur ! Bien que tu et le reste de cette meute ne pouviez pas le voir, lui, il le peut ! » Je rétorque fortement.

Un grognement frustré gronde dans sa poitrine : « Je te préviens d'être prudente. Les Alphas sont connus pour utiliser les Omégas puis les jeter. Ne le laisse pas te flatter pour t'attirer dans son lit. »

Si mes joues étaient rouges avant, elles sont en feu maintenant ! Mais je suis autant furieuse qu'humiliée. « C'est peut-être toi qui devrais être prudent ! Je t'ai dit de ne pas te promener dehors. Tu vas nous faire tuer tous les deux ! »

Je tourne les talons et m'éloigne avec toute l'indignation que je ressens, me dirigeant vers la seule pièce de cette maison avec une porte, la salle de bain, et la lui claque au nez !