MasukLa salle de réception brillait de tous ses ors. Les lustres, immenses comme des constellations domestiquées, diffusaient une lumière douce qui se reflétait sur les coupes de cristal et sur les nappes blanches tendues à la perfection. Les serveurs glissaient entre les convives comme des spectres disciplinés, leurs plateaux chargés de verres étincelants et de petits fours au parfum de truffe. Un quatuor à cordes, relégué dans un coin discret, effleurait des notes qui s’évaporaient aussitôt dans le brouhaha poli des conversations d’affaires.Mila se tenait légèrement en retrait, une coupe à la main qu’elle n’avait pas encore effleurée. La fraîcheur du verre sous ses doigts lui servait de point d’ancrage dans cet univers qui n’était pas le sien. Elle avait appris à composer avec ces soirées de représentation : sourire sans trop, écouter beaucoup, disparaître presque. Pourtant, ce soir, elle sentait un poids invisible sur ses épaules, une attention diffuse qui la rendait nerveuse.Son re
La galerie était un lieu pensé pour séduire les regards autant que les portefeuilles : murs d’un blanc clinique, éclairages dirigés comme des projecteurs, tapis sobres qui absorbaient le bruit des pas. Chaque tableau semblait flotter dans un écrin de silence précieux. Les convives se déplaçaient lentement, verre de vin à la main, murmurant des phrases qui se voulaient profondes.Mila marcha aux côtés d’Ethan Marlow, consciente de l’élégance avec laquelle il occupait l’espace. Son costume bleu nuit, son sourire à la fois assuré et complice, la manière dont il se penchait légèrement vers elle quand il parlait : tout trahissait l’homme qui savait captiver une assemblée.— « Je vous avais dit que cette exposition vaudrait le détour », glissa-t-il en effleurant de la main le rebord d’un cadre, comme si l’art et lui partageaient une connivence naturelle. Mila hocha la tête, plus pour ne pas contredire que par véritable conviction. Elle n’avait accepté que par prudence, par peur de le frois
Les couloirs de l’étage Stratégie avaient, en fin de journée, cette odeur mêlée de café refroidi, d’encre et de cire sur le marbre. Mila quittait la war room après un débrief tardif avec Niels Devereux, son patron, un classeur de slides annotés serré contre la poitrine. Depuis sa prise de poste comme assistante du Directeur Stratégie, elle naviguait entre réunions confidentielles, tableaux de risques et notes de cadrage que l’on reformule jusqu’à la dernière minute.La journée avait été longue, saturée de tension depuis la soirée et la découverte du micro. Elle sentait encore sur sa peau le froid de cette situation. Chaque geste lui semblait scruté depuis. Et dans cette tour, tout prenait des allures de théâtre : des regards prolongés, des mots polis mais tranchants, des silences qui pesaient plus lourd que les phrases.Elle tourna au coin du couloir où s’égrenaient les bureaux vitrés des chefs de projet. Ethan Marlow apparut, costume gris clair,un sourire qui se voulait détendu mais
La clé tourna dans la serrure avec un petit cliquetis sec, un son si habituel qu’il aurait dû apaiser Mila. Pourtant, ce soir-là, il vibrait dans ses oreilles comme une alerte. Elle poussa lentement la porte, referma derrière elle, et resta immobile, le dos appuyé contre le battant. Son sac glissa de son épaule, atterrit au sol avec un bruit mat, amplifié par le silence ambiant.Le premier souffle de l’appartement l’accueillit. Cette odeur reconnaissable entre toutes : un mélange de lessive fraîche, de papier et de café oublié sur la table basse. Normalement, c’était un parfum de refuge. Mais ce soir, il semblait masquer quelque chose, comme si un autre souffle, étranger, avait traversé l’espace avant elle.Mila retira ses escarpins d’un geste mécanique, les rangea bien droits contre le mur — ce petit rituel d’ordre qui la calmait d’ordinaire. Pas cette fois. Son cœur battait trop vite, cognant dans sa poitrine avec une intensité désordonnée. Elle tendit l’oreille. Rien. Mais justemen
La soirée touchait à sa fin, mais l’air du hall restait saturé. Les rires, les applaudissements polis, le cliquetis des coupes — tout cela formait un voile superficiel. Sous la surface, une tension plus dure vibrait, invisible mais palpable.Alec s’était éloigné des convives pour rejoindre un petit salon annexe, un espace tapissé de boiseries sombres, réservé aux discussions privées. Ethan Marlow y était déjà, une coupe de vin rouge à la main, adossé avec nonchalance contre un fauteuil en cuir.— Reyford, dit-il avec un sourire mesuré, comme s’il l’attendait.Alec referma la porte derrière lui. Le bruit se coupa aussitôt, ne laissant que le souffle feutré du chauffage et le léger cliquetis du verre contre la bague qu’Ethan faisait tourner distraitement.Leurs regards s’accrochèrent, se jaugèrent. Ni l’un ni l’autre ne cilla.— Vous avez un talent certain, Marlow, lança Alec d’un ton parfaitement poli. Celui d’entrer dans une pièce comme si elle vous appartenait déjà.Ethan inclina lég
La soirée poursuivait son cours, mais l’air semblait chargé de quelque chose que Mila seule percevait. Comme si les lustres du grand hall, pourtant éclatants, diffusaient une lumière plus dure, presque crue, qui soulignait les visages et les ombres.Elle venait de reposer sa coupe à moitié vide quand une voix grave, polie mais marquée d’un accent anglais feutré, s’éleva à sa droite.— Pardonnez-moi… vous êtes bien Mademoiselle Andrews ?Mila tourna la tête. Un homme venait d’apparaître dans son champ de vision, comme s’il s’était détaché de la foule. Il portait un costume bleu nuit parfaitement taillé, une chemise claire sans cravate — une audace subtile dans ce genre de réception — et un manteau gris jeté négligemment sur son bras. Ses cheveux bruns, légèrement ondulés, étaient coiffés sans raideur, comme si le vent avait participé à son allure étudiée.Mais ce furent ses yeux qui accrochèrent Mila : un gris clair, presque translucide, avec une intensité calculée. Il souriait, mais c







