Chapitre 2

Une alarme a retenti dans la tête de Léa, et elle s'est instinctivement dégagée des bras de Lucien.

Lucien s'est figé un instant, pensant simplement qu'elle lui en voulait de ne pas être rentré la veille.

« Léa, je sais que j'ai eu tort, je te promets que ça n'arrivera plus. »

Quand il s'est excusé, son ton a pris cette nuance cajoleuse, à la fois nonchalante et séductrice.

« Tes promesses ne valent rien. »

Léa s'est retournée et lui a lancé un regard indéchiffrable : « Chaque fois que tu rentres ivre et que tu passes la nuit dehors, tu me dis toujours la même chose. »

Lucien s'est figé de nouveau. À cet instant, il a cru voir dans les yeux de Léa une froideur qu'il n'avait jamais connue.

À ce moment-là, son téléphone a vibré dans sa poche.

« Désolé, je vais répondre à cet appel. »

Après ces mots, Lucien est sorti sur le petit balcon avec son téléphone et a refermé la porte vitrée derrière lui.

Léa est restée immobile, observant Lucien à travers la vitre.

Le soleil brillait sur lui, le drapant de cette élégance et de cette assurance qu'il affichait toujours.

Malheureusement, le sourire indulgent qui flottait sur son visage a suffi à tout gâcher.

Elle l'a aimé autrefois, et il y avait une raison à cela.

Elle ne s'est pas blâmée d'avoir été aveugle, mais d'avoir été superficielle.

Après une nuit de douleur et de lucidité, Léa n'a plus voulu remettre en question son amour pour cet homme. Elle a seulement voulu corriger au plus vite cette erreur honteuse et rendre justice à la famille des Dubois ainsi qu'à sa mère.

Elle s'est dit qu'une fois le mauvais choix fait, il fallait savoir arrêter les pertes, quel qu'en soit le prix.

C'était une règle que son père lui avait apprise dans les affaires, mais qui s'appliquait aussi au mariage.

Voyant Lucien ranger son téléphone, Léa a chassé les pensées qui s'agitaient dans son esprit.

Elle l'a fixé d'un air impassible : « Tu as encore du travail à régler ? »

« Oui, c'est une affaire professionnelle. »

Lucien a changé de sujet : « Au fait, mon oncle rentre aujourd'hui au pays. Ce soir, on doit dîner chez papi. Je viendrai te chercher quand j'aurai fini. »

La famille des Thomas possédait un vaste empire. Le vieux monsieur Thomas, malgré son âge avancé, restait distingué et plein de charme. Il avait quatre fils et deux filles, nés de trois mariages différents.

Le plus jeune de ses enfants, Alex Thomas, l'oncle dont on parlait, n'était que deux ans plus âgé que Lucien.

Alex était son aîné à l'université, et Léa avait déjà entendu beaucoup d'histoires à son sujet.

Il avait été un homme que toutes les jeunes filles adoraient, presque comme un dieu, jusqu'à l'accident tragique qui l'avait laissé paralysé.

Plus tard, Alex était parti à l'étranger et plus personne n'avait eu de ses nouvelles.

En y repensant, elle ne l'avait croisé qu'une fois, mais même après toutes ces années, elle se souvenait encore de son visage d'une beauté saisissante.

« Léa ? »

Lucien a remarqué son air absent, fronçant les sourcils, sentant qu'il y avait quelque chose d'étrange chez elle.

« D'accord. »

Léa a répondu d'un ton vague : « Je dois voir Manon tout à l'heure. Après ça, je prendrai un taxi pour aller chez papi. Pas besoin que tu viennes me chercher. »

« Tu ne te sens pas bien ? » a-t-il demandé en levant la main vers son front.

Léa a esquivé sa main, « Je vais bien. Tu n'as pas encore du travail ? Vas-y, ne perds pas de temps. Je dois encore me préparer avant de sortir. »

En la voyant se diriger vers le dressing, Lucien a réfléchi un instant, puis il a sorti son téléphone pour appeler son assistant.

« Achète toutes les nouvelles robes d'été des marques de cette année et fais-les livrer à Madame. »

…

À l'heure convenue, Léa est entrée dans le salon de thé, ponctuelle comme toujours.

En voyant son visage légèrement maquillé, Manon a été saisie d'étonnement, « Ton mari a un enfant avec une autre femme, et tu trouves encore le temps de te maquiller ? »

« Ne pas me maquiller serait manquer de respect envers moi-même. »

Léa a posé distraitement son sac Hermès sur la table et a levé les yeux vers Manon : « Ce test de paternité est-il vrai ? »

« Oui, j'ai vérifié le numéro du document, il n'y a aucun doute. »

Manon l'a observée avec méfiance, « Tu es sûre que la douleur ne t'a pas fait perdre la tête ? »

« Pourquoi ? Tu veux que je hurle devant lui ? » a répondu Léa avec amertume.

« Toi… »

Manon a froncé les sourcils, hésitant à parler.

Elles s'étaient connues au lycée, et Manon savait mieux que quiconque à quel point Léa aimait Lucien.

Quand Léa avait décidé, après ses études, d'épouser Lucien et de devenir femme au foyer, elles s'étaient brouillées pour la première fois.

Toutes ces années, Manon l'avait vue heureuse, avait fini par accepter que sa brillante amie mène une autre vie… et voilà que tout s'écroulait.

Plus elle y pensait, plus une amertume lui serrait la poitrine.

« Léa, je sais que c'est difficile à encaisser. »

« Mais réfléchis. Cela fait cinq ans que tu es mariée à Lucien. Tu es comme un oiseau dans sa cage, si tu la quittes, où iras-tu voler ? »

« Et puis, grâce à votre mariage, la famille des Thomas et la famille des Bernard ont travaillé main dans la main. Tu crois que M. Bernard accepterait un divorce ? »

« Tu ferais mieux de fermer les yeux, tant que cet enfant illégitime ne… »

« Manon. »

Léa l'a interrompue, la voix légèrement tremblante, « À tes yeux, je ne vaux donc plus rien ? »

Autrefois, Manon la considérait comme sa meilleure amie, parlait d'elle avec admiration et fierté.

Et maintenant, cinq ans après son mariage, elle ne représentait plus qu'une femme sans issue.

« Je veux simplement que tu voies la réalité en face. »

Manon a été partagée, tiraillée entre le désir de la soutenir et la peur de la voir s'effondrer.

« Rassure-toi, je sais exactement ce que je fais. »

Après une pause, Léa a ravalé son amertume, « Trouve-moi un détective privé digne de confiance pour rassembler des preuves des rendez-vous entre Lucien et Élise. »

« Et je veux savoir d'où vient cet enfant. Ce sera une preuve irréfutable de son adultère. »

« Donne-moi quinze jours. Je veux régler tous les comptes avant de divorcer. »

Face à l'inquiétude dans les yeux de Manon, Léa a souri doucement, « Crois-moi, Manon, ce n'est pas moi qui ai besoin de Lucien, c'est lui qui ne peut pas se passer de moi. »

Pendant cinq ans de mariage, elle avait été l'épouse parfaite.

Plusieurs projets d'Industrie Solénautique avaient été conçus grâce à ses idées, et même la décision du vieux monsieur Thomas de confier l'entreprise à Lucien provenait du projet de jumeau numérique qu'elle avait proposé.

En y réfléchissant bien, si Lucien refusait de la quitter, ce n'était pas par bonté d'âme, mais parce qu'il voulait garder sa meilleure alliée sous le masque de l'amour.

Manon est restée silencieuse.

Elle ne savait pas d'où Léa tirait cette assurance, mais à cet instant, elle retrouvait la femme forte et éclatante qu'elle avait connue.

Elle n'a pu s'empêcher d'y croire, et a fini par hocher la tête : « D'accord, je t'aiderai. »

Quand Léa a quitté le salon de thé, le soir était déjà tombé.

Elle a hélé un taxi et s'est fait conduire au Manoir Thomas.

Pendant le trajet, elle a sorti son téléphone et a dressé une liste détaillée des choses qu'elle devait emporter.

Soudain, un message a surgi sur l'écran :

« Boss, je t'en supplie, aide-moi ! Je vais monter sur le terrain à la fin du mois prochain, tu ne vas pas m'en empêcher, hein ? »

« Je suis occupée. On se reverra quand j'aurai le temps. »

Léa a envoyé le message, et le taxi s'est arrêté dans le même instant.

« Mademoiselle, nous sommes arrivés. »

Le chauffeur l'a appelée, et Léa a enfin levé les yeux.

Du coin de l'œil, elle a aperçu Lucien et Élise qui descendaient de la voiture dans la cour.

Au loin, la lumière rouge du couchant se reflétait sur la robe écarlate d'Élise ; elle semblait briller dans la lumière du soir.

Ils riaient ensemble, Élise se penchait parfois vers son oreille, et Lucien, habitué, ne s'en détournait pas.

Une douleur sourde et creuse, incontrôlable, lui a traversé le cœur.

Elle a détourné le regard, a payé sa course, puis est descendue pour s'avancer vers Lucien.

Sa belle-mère Hélène est sortie à ce moment-là. Bien qu'elle ait été la première à remarquer Léa, elle ne lui a pas accordé un regard, préférant accueillir Élise avec un sourire radieux.