Chapitre 3

« Léa ! »

Lucien a appelé.

Hélène s'est enfin tournée vers Léa à contrecœur et lui a lancé un regard froid : « Toi aussi, tu es venue. »

Léa a jeté un coup d'œil à Hélène qui tenait la main d'Élise et a entendu Élise lui dire avec un sourire léger.

« C'est que Madame Thomas ne m'avait pas vue depuis longtemps, elle a insisté pour que je vienne. Sinon, avec ma position, il n'aurait pas été vraiment approprié que j'assiste au dîner familial d'aujourd'hui. »

« Pourquoi ce ne serait pas approprié ? »

Hélène a regardé Élise avec satisfaction : « Moi, je t'aime bien. Te voir me rend heureuse. Allez, entrons, asseyons-nous et discutons un peu ! »

« Toi, va aider à la cuisine. »

Cette remarque était destinée à Léa.

Après avoir donné ses instructions, elle a tiré Élise par la main avec enthousiasme pour entrer dans la maison.

Lucien s'est approché de Léa : « Je t'accompagne à la cuisine… »

« Pourquoi ? »

Léa s'est tournée vers Lucien et lui a demandé froidement : « As-tu oublié qui est réellement ta femme ? »

Chaque fois qu'elle venait au Manoir Thomas, Léa n'avait pas le temps de s'asseoir qu'Hélène l'envoyait déjà à la cuisine pour aider, en prétextant que Lucien était difficile et avait grandi avec les repas faits à la maison, et qu'il fallait que Léa apprenne à mieux le servir.

Avec le temps, Léa s'était habituée à cela.

Même si elle se brûlait les mains et qu'elles se couvraient des cloques, Lucien soufflait doucement dessus et elle ne sentait plus la douleur.

De plus, comparée à discuter avec une bande d'aînés dans le salon, elle se sentait plus à l'aise dans la cuisine.

Mais maintenant… pourquoi Élise pouvait entrer dans le salon, alors qu'elle, la véritable jeune madame Thomas, devait aller à la cuisine ?

Lucien ne comprenait pas tout de suite : « Que veux-tu dire par là ? Si tu ne veux pas aller à la cuisine, alors ne vas pas. Pourquoi te fâcher contre moi ? »

« Léa, personne ne t'a jamais forcée. »

Lucien a pris patience et a doucement attrapé la main de Léa, « Je sais que tu fais tout cela par amour pour moi, et je suis toujours reconnaissant pour tes efforts… »

Cet homme avait recommencé à jouer la comédie.

Dans un moment de distraction, Léa a senti que les cloques sur sa main brûlaient encore comme autrefois.

Léa a retiré sa main, trop fatiguée pour discuter, et elle est entrée dans la villa.

Lucien a froncé les sourcils. Même s'il savait qu'il avait tort, sa patience s'amenuisait peu à peu.

Il n'était rentré que tard dans la nuit.

Il n'avait rien fait pour la trahir, alors fallait-il qu'elle fasse la tête toute la journée ?

Le couple est entré dans le salon, l'un après l'autre.

Presque tous les membres de la famille des Thomas étaient présents, le vaste salon était bondé et les rires résonnaient.

Seul le protagoniste, silencieux dans son fauteuil roulant, rendait le coin autrefois insignifiant imposant par sa présence.

Quand Léa est entrée dans le salon, son regard a immédiatement été attiré par Alex.

L'homme portait une chemise vert foncé qui mettait en valeur sa peau claire comme la neige, ses manches retroussées laissaient apparaître ses avant-bras aux muscles parfaits, alliaient souplesse et puissance dans une harmonie sans faille.

Il lisait un journal étranger, les sourcils légèrement froncés par une nuance de mélancolie, et ses yeux derrière ses lunettes dorées se plissaient à peine.

Après toutes ces années sans le voir, le temps n'avait laissé aucune trace sur lui.

Peut-être sentant son regard, Alex a levé les yeux vers elle.

Léa a ressenti une étrange culpabilité, comme si elle avait été prise en flagrant délit, et elle a détourné le regard instinctivement.

« Que fais-tu ici ? »

La voix d'Hélène a retenti, attirant immédiatement l'attention de tous.

Léa a roulé des yeux intérieurement et s'apprêtait à répondre, quand Lucien a parlé à côté d'elle.

« Maman, Léa ne se sent pas bien aujourd'hui, ne la force pas à aller dans la cuisine. »

« Qu'est-ce qu'une poule qui ne pond pas pourrait bien avoir comme malaise ? »

Hélène a répondu d'un ton sarcastique en scrutant Léa de haut en bas : « Je la trouve en pleine forme, elle fait juste preuve de paresse, n'est-ce pas ? Elle ne veut même pas aider à préparer le repas, que puis-je attendre d'elle ? »

« Maman, toutes les poules pondent des œufs, mais que les œufs éclosent ou non ne dépend pas seulement de la poule. »

Léa parlait sérieusement, comme si elle faisait une petite leçon à Hélène.

Ses mots, dénués de toute agressivité, ont fait sourire involontairement ceux qui ont compris le sous-entendu.

Le salon est devenu silencieux un instant, puis quelques rires étouffés ont percé, comme si certains savouraient le spectacle.

Hélène s'est immédiatement mise en colère, « Tu insinues quelque chose sur Lucien… »

Sa timidité rendait difficile l'expression complète de sa pensée.

Hélène a regardé Léa avec frustration, elle ne savait plus comment répliquer, comme si un coup de poing avait frappé du coton, et qu'une aiguille s'y cachait à l'intérieur !

Lucien a également été surpris et a jeté un coup d'œil de côté vers Léa.

Elle avait un air calme, presque naïvement vulnérable, sans aucune intention de répliquer délibérément.

« Ça suffit. »

Le vieux monsieur Thomas a froncé les sourcils et a dit d'un ton mécontent : « Nous sommes tous de la même famille. Asseyez-vous et parlez calmement, ne vous disputez pas. »

« Oui, Mlle Bernard, tu… »

« Mlle Laurent, c'est une affaire familiale, tu n'es pas censée intervenir. »

Léa a coupé Élise d'une seule phrase.

Élise s'est sentie gênée et a instinctivement cherché l'aide de Lucien du regard.

À sa grande surprise, Lucien a fait semblant de ne pas le voir et a posé sa main sur l'épaule de Léa : « Léa, sois sage, écoute papi, asseyons-nous. »

Cette douceur ressemblait parfaitement à un bon mari apaisant sa femme irritée !

Élise a discrètement serré le poing, une pointe de jalousie empoisonnée a traversé ses yeux, vite remplacée par un sourire léger.

Hélène, toujours en colère, a lancé un regard sévère à Léa de loin et a murmuré entre ses dents : « Cela fait cinq ans qu'elle est dans la famille des Thomas et elle n'a toujours pas le moindre mérite. »

Élise a calmement apaisé : « Madame, ne dites pas cela. Si Lucien entend, il serait embarrassé. »

« C'est mon fils, il ne pourrait pas prendre le parti d'une étrangère contre sa propre mère, n'est-ce pas ? »

Hélène a tapoté le dos de la main d'Élise, « Lucien est toujours obéissant et toujours de mon côté, ne t'inquiète pas. »

« Mais toi, au moins, tu penses à Lucien, tu es une femme attentionnée, pas comme cette Léa qui ne fait que débiter des absurdités. Elle ne sera satisfaite que lorsqu'elle aura piétiné la réputation de son mari ! »

Puis Hélène a soupiré, « C'est parce que Lucien a perdu la tête et s'est marié trop tôt, sinon tu serais digne de lui. »

Élise a affiché une expression inquiète, « Madame, vous ne pouvez pas dire ça, je n'oserais jamais y penser ! »

« Ne t'inquiète pas », Hélène a secoué la tête, dépitée, « Je l'ai dit à la légère, regarde comme tu as été effrayée. »

Les deux discutaient, et Léa comprenait qu'elles parlaient d'elle, mais elle n'y prêtait pas attention.

Depuis qu'elle s'était assise, elle sentait clairement un regard perçant posé sur elle, avec une pointe de satisfaction malicieuse.

Ensuite, le léger bruit du fauteuil roulant sur le tapis en laine s'éloignait peu à peu.

Léa a eu une idée et a trouvé une excuse pour se lever et partir.

Dans le jardin, Alex répondait au téléphone sous le poirier en fleurs, et le vent faisait tomber un tapis de petites fleurs blanches.

Léa s'est approchée et a entendu Alex dire au revoir en anglais à son interlocuteur.

Sa voix était grave, avec un accent de nonchalance naturelle en anglais, étrangement séduisante.

« Alex. »

Léa a appelé doucement, d'une voix prudente.

Alex s'est retourné vers elle, un peu intrigué : « Tu as quelque chose à me dire ? »

« Oui. »

Léa a hoché la tête, prête à tenter un pari risqué aujourd'hui.

« Je veux te proposer un marché. »

Alex, intrigué, a répondu : « Ah oui ? »