INÈSL’air de la chambre d’hôtel est parfumé de bulles et de promesses, mais quelque chose pèse. Le champagne pétille dans les flûtes, éclat brillant, presque cruel, qui contraste avec la gravité de ce qui vient de se produire. Je regarde Marius s’approcher de la table, flûte en main, sourire aux lèvres, mais il est absent. Son regard n’est pas ici, il est perdu, prisonnier d’un labyrinthe de pensées que je n’arrive pas à traverser.— À nous… soufflé-je, un peu incertaine, en levant ma coupe.Il prend la mienne, nos doigts se frôlant, et un frisson me traverse. Mais son sourire reste figé, presque absent, comme une façade qu’il s’efforce de maintenir.— Oui… à nous, murmure-t-il, mais ses yeux se perdent dans le vide, et je sens un froid glacial glisser dans ma poitrine.Je m’avance et pose ma main sur son bras. Sa peau est chaude, mais je sens sa tension, cette rigidité qu’il ne contrôle pas. Son souffle est court, ses muscles tendus, et je comprends qu’il est encore en train de se b
INÈSLa salle est glaciale malgré la lumière douce qui traverse les vitres. L’odeur de papier, d’encre et de cuir neuf se mêle au silence pesant. La table de conférence semble un champ de bataille où chaque stylo est une arme, chaque signature une balle tirée.Gracias s’assoit en face, d’une élégance implacable. Son tailleur sombre épouse sa silhouette avec une assurance presque provocatrice. À ses côtés, l’homme. Cet inconnu qui n’a rien dit depuis le début, qui observe tout avec une distance glacée. Ses yeux ne trahissent rien, pas même une étincelle d’hésitation.Marius fixe le document devant lui. Sa main tremble légèrement, mais il s’efforce de garder une posture droite. Je le connais trop bien : cette rigidité est son armure, celle qu’il porte quand il sent qu’il s’effondre à l’intérieur.L’avocat pousse doucement le contrat vers Gracia. Elle prend le stylo, le fait tourner entre ses doigts comme une danseuse qui savoure le dernier pas. Puis, d’un geste ferme, elle signe.Ce gra
GRACIASLa porte du bureau s’ouvre sur un silence presque solennel. L’air est glacé, presque chirurgical. Trois ans de souvenirs, de disputes, de nuits volées, de promesses murmurées entre ces murs… et maintenant, tout doit se condenser en un simple morceau de papier que je vais poser sur cette table. Une signature, et ce sera fini.Je m’avance, les talons résonnant sur le parquet poli, et je sens mes mains légèrement trembler malgré moi. Le stylo dans ma main paraît soudain lourd, comme si sa plume portait tout le poids de mes années passées avec lui. Je regarde mon mari. Il est là, droit, impeccable, costume parfaitement ajusté, sourire presque trop calme. Ce calme me hérisse.L’homme à mes côtés, celui qui m’a accompagnée ici, pose une main ferme sur mon bras. Sa voix est basse, presque suppliante, mais sans laisser de place au doute :— Gracias… signe. Il faut que tu signes.Un frisson me parcourt. Ce n’est pas seulement une demande, c’est un ordre déguisé en conseil, une pression
INÈSElle a osé porter cette robe et est avec cet homme !Cette entrée comme dans un film au ralenti, comme si tout le hall n’était qu’un décor posé pour elle, les colonnes et le marbre simplement là pour servir de toile de fond à sa nouvelle peau.Je sens mes lèvres s’étirer en un sourire, un automatisme social que je maîtrise à la perfection, mais derrière ce masque il y a un mouvement intérieur, quelque chose qui grince, qui racle le métal de ma fierté. Je croyais la connaître par cœur, Gracias la petite sœur sage, un peu effacée, qui se contentait toujours des miettes, de ce qu’on voulait bien lui laisser, qui se tenait à côté mais jamais devant. Et là… là, elle avance, talons nets sur le sol, menton légèrement relevé, l’air de celle à qui tout revient de droit.Et lui, à ses côtés…Ce n’est pas seulement sa carrure ni la coupe parfaite de son costume. Ce qui me frappe, c’est la manière dont il la regarde. Pas comme une conquête qu’on exhibe, pas comme un trophée qu’on brandit pou
GRACIASJe reste un moment dans la chambre, immobile devant le miroir, à écouter mon propre souffle. La robe glisse sur ma peau comme un souvenir qu’on n’a pas encore vécu. Elle tombe parfaitement, comme si elle savait exactement où se poser.Mais mon visage… mon visage raconte encore la nuit, les insomnies, les pensées qui rongent.Alors je m’assois devant la petite coiffeuse. Je n’ai pas envie de me cacher, et pourtant… je le fais.Un voile léger de fond de teint, juste assez pour effacer la fatigue. Un peu de poudre pour estomper les cernes. Du mascara, mais pas trop, pour agrandir le regard sans qu’on voie l’effort. Je colore mes lèvres d’un rouge discret, pas celui de la séduction, mais celui de la femme qui a décidé de se tenir droite, même quand elle brûle à l’intérieur.Je veux ressembler à celle que je deviens dans cette robe. Une femme qui, malgré les fissures, tient encore debout.Quand je descends l’escalier, il est déjà là, debout, une main dans la poche, l’autre tenant u
GRACIASLe feu crépite doucement. J’écoute ce son comme on écoute une langue qu’on ne connaît pas mais dont on devine les intentions.La chaleur gagne mes doigts engourdis. J’ai encore l’impression d’avoir la peau humide, même après la douche.Je sens le poids du plaid sur mes épaules, son odeur discrète, mélange de laine et de bois. Ce n’est pas le genre d’odeur qu’on remarque, mais c’est le genre qui apaise.Je ne pensais pas manger ce soir. Pourtant, une assiette m’attend sur la table basse : une soupe fumante, avec du pain. Rien de spectaculaire. Mais je crois que c’est ça qui me touche. Pas d’effort pour m’impressionner, juste… de quoi tenir debout.Je prends la cuillère. La chaleur m’arrache un soupir. Je ne réalise pas que je tremble encore un peu, jusqu’à ce qu’il me glisse un regard par-dessus son livre.— Ça va ?Sa voix est basse, presque prudente.Je hoche la tête, parce que c’est plus simple que d’expliquer la vérité.Je mange lentement, consciente de ses yeux parfois pos