Home / Romance / L'Énigme du Masque d'Ivoire / Chapitre 4 : Les Ombres du Passé

Share

Chapitre 4 : Les Ombres du Passé

Author: Primso Fam
last update Last Updated: 2025-03-06 00:11:21

Le soir tombait lentement sur Dakar, enveloppant la ville d'un manteau d'ombres. Assise sur une chaise en rotin près de sa fenêtre, Aïcha tenait une tasse de thé entre ses mains tremblantes. Ses pensées tournaient en boucle, inexorablement attirées par les révélations du professeur Ndiaye.

Un ancien royaume… Une langue oubliée… Un masque qui murmure des vérités enfouies…

Elle baissa les yeux vers l'objet posé sur son bureau. L'ivoire semblait capter la faible lumière de la lampe, projetant une lueur spectrale sur le bois verni. L'inscription au dos du masque, à peine visible sous certains angles, lui paraissait plus étrange que jamais.

Un soupir échappa à ses lèvres. Devait-elle vraiment montrer cet artefact au professeur ?

Une part d'elle hésite. Ce masque… il lui a donné la sensation d'être respecté, scrutée, analysée. Depuis qu'elle l'avait en sa possession, quelque chose d'inexplicable se produisait. Était-ce son imagination ? Ou bien avait-elle réveillé une force ancienne, endormie depuis des siècles ?

Elle serra sa tasse, cherchant à se réchauffer. Malgré la chaleur de la nuit, elle ressentait une froideur persistante, comme si une présence invisible flottait autour d'elle.

Soudain, un bruit résonna dans son appartement.

Un froissement, léger, presque imperceptible, venant du salon.

Aïcha se figea.

Son cœur se mit à battre à un rythme affolé. Était-ce le vent ? Non… Les fenêtres étaient fermées. Une intrusion ? Elle se mordit la lèvre, tentant de calmer le flot de pensées alarmantes qui traversaient son esprit.

Elle pose lentement sa tasse sur la table et se leva, chacun de ses pas étouffé par le tapis en jute.

Dans le pénombre du salon, les meubles prenaient des formes inquiétantes. Le lampadaire près du canapé diffusait une lumière tamisée, insuffisante pour dissiper totalement l'obscurité.

Aïcha retint son souffle. Quelqu'un a choisi de bouger dans un coin de la pièce.

Une silhouette indistincte.

Elle sentit une vague de panique monter en elle, son instinct lui hurlant de fuir. Mais une autre partie d'elle, plus rationnelle, lui commandait de rester et d'affronter la situation.

— Qui est là ? lancement-t-elle d'une voix qu'elle espérait ferme.

Aucune réponse.

Elle s'approche lentement, chaque pas résonnant dans le silence oppressant. Son regard scrutait chaque recoin, chaque ombre, à la recherche d'un mouvement suspect.

Puis, soudain, une bourrasque glacée soufflée dans la pièce, éteignant la lampe du salon.

Le noir complet.

Son souffle se bloqua. Elle sentit son estomac se tourmenter. Son corps entier était en alerte, chaque fibre de son être lui hurlait qu'un danger rôdait dans l'obscurité.

Dans le silence, un chuchotement s'élève.

Un murmure, indistinct, venu de nulle part.

Aïcha sentit ses jambes fléchir. La voix était faible, mais elle pouvait presque sentir son souffle contre son oreille.

Elle recula brusquement et heurta la table derrière elle. Un bruit sourd résonna lorsque la tasse qu'elle avait laissée tomba au sol, éclatant en mille morceaux.

Puis, aussi vite qu'il était apparu, le murmure cessa.

La lumière du lampadaire clignota une fois, puis se ralluma.

Tout était exactement à sa place.

Aucune silhouette. Aucune intrusion.

Seul le masque, posé sur son bureau dans la chambre, semblait briller plus intensément qu'avant.

Le cœur battant à tout rompre, Aïcha s'appuya contre le mur. Que venait-il de se passer ? Était-ce un simple délire dû au stress ? Ou bien…

Elle passa une main tremblante sur son visage. Elle devait se ressaisir.

Elle retourne dans sa chambre, referma la porte derrière elle et s'assit sur son lit. Son regard restait fixé sur le masque.

Demain, elle l'amènerait au professeur Ndiaye. Elle ne pouvait plus ignorer ce qui se passait.

Mais ce soir… Elle savait qu'elle ne dormirait pas.

Continue to read this book for free
Scan code to download App

Latest chapter

  • L'Énigme du Masque d'Ivoire   Chapitre 238 — Ce qui reste quand on part

    Le masque d’ivoire restait là.Silencieux.Non gardé. Non protégé. Non surveillé.Il n’était plus ce qu’il fut.Il n’était plus symbole, menace, ni secret.Il était présence.Et parfois, quand le soleil descendait juste assez bas, son ombre dessinait non pas un visage… mais un sentier.Dior venait souvent s’asseoir à côté.Elle parlait peu.Elle écoutait surtout.Les arbres. Le vent. Les pas des enfants qui couraient dans le champ.Et parfois, elle écrivait une phrase dans son carnet, sans explication.Ce jour-là, elle nota :“Les ancêtres ne veulent pas qu’on les prie. Ils veulent qu’on marche.”À des milliers de kilomètres, une vieille femme coréenne entendit parler du masque. Elle envoya une lettre manuscrite. Elle disait :“Dans ma langue, nous avons un mot qui signifie : ‘souvenir qui fait respirer’. Je n’ai jamais su comment l’écrire. Mais je crois qu’en voyant votre projet, j’ai compris ce qu’il voulait dire.”Ils l’accrochèrent sur le mur de la Maison.En dessous, un

  • L'Énigme du Masque d'Ivoire   Chapitre 237 — Ceux qui n’avaient pas de nom

    La nuit tombait doucement sur le village.Une de ces nuits où l’on ne sait plus si l’on veille ou si l’on rêve debout.Le ciel avait cette couleur entre le bleu et le cuivre, et les grillons chantaient avec un calme ancien.Dior marchait pieds nus dans le champ.Depuis qu’elle avait touché la feuille marquée d’or, quelque chose s’était ouvert en elle.Elle ne savait pas quoi.Elle n’avait pas cherché à comprendre.Elle avançait.Comme guidée par une mémoire qui n’était pas la sienne.Un vieil homme l’attendait sous le manguier.Il s’appelait Abdourahmane. Il ne parlait presque plus.Mais quand Dior s’assit à côté de lui, il parla pour la première fois depuis des mois.— Tu sais ce qu’elle m’a dit, moi aussi ?Dior leva les yeux.— Qui ? Maïssa ?Il sourit.— Non. Celle d’avant Maïssa. Celle qu’on n’a jamais vue. Celle que personne ne dessine, mais qu’on reconnaît dans l’odeur de certaines pluies.Dior l’écoutait, concentrée.— Elle m’a dit : “Tu n’as pas besoin de nom pour entrer dans

  • L'Énigme du Masque d'Ivoire   Chapitre 236 — Là où le silence apprend à parler

    Le jour se levait lentement sur le champ de Joal. La lumière traversait les feuillages comme un souffle ancien revenu. Les ombres s’étiraient en silence. Tout semblait attendre quelque chose.Mais personne ne savait quoi.Ce matin-là, Moulaye se leva avant les autres.Il portait le carnet de Maïssa contre sa poitrine.Il l’avait lu. Pas d’une traite.Mais comme on lit un chant : une page par semaine. Une respiration après chaque mot.Il avait compris.Maïssa ne lui avait pas confié un rôle.Elle lui avait offert une ouverture.À quelques kilomètres de là, dans une maison sans nom, une vieille femme que personne ne connaissait lisait une lettre.Elle la tenait avec précaution, comme on tient un œuf fragile.C’était une lettre écrite à la main, dans une calligraphie douce.On pouvait y lire :“Si tu lis ceci, c’est que la chaîne n’a pas été brisée.Que l’histoire a franchi encore une bouche.Alors… parle à ton tour.Mais sans chercher l’écho.Laisse la parole descendre jusqu’à la plante

  • L'Énigme du Masque d'Ivoire   Chapitre 235 — La terre où les noms se déposent

    Ce matin-là, il n’y avait pas de vent.Pas un frisson dans les feuilles du manguier.Mais dans l’air… quelque chose vibrait.Dans la cour de la Maison de la Mémoire, un groupe d’enfants attendait. Assis en cercle. Silencieux. À peine remuants. On aurait dit qu’ils savaient — sans qu’on leur ait dit — que ce jour n’était pas comme les autres.Maïssa les rejoignit, vêtue simplement, les traits paisibles, les yeux un peu plus fatigués que la veille.Elle les regarda, puis s’accroupit au centre du cercle.Elle murmura :— Aujourd’hui, je vais vous dire… ce que je n’ai jamais dit à personne.Les enfants se redressèrent légèrement, instinctivement.— Je n’ai jamais su pourquoi le masque m’avait choisie.Un silence.— Mais je crois que ce n’est pas moi qu’il avait vue. C’était vous.Et il savait… qu’il fallait quelqu’un pour tenir l’embrasure de la porte, en attendant que vous puissiez la franchir seuls.Elle leva les yeux.— Vous êtes prêts ?Des hochements de tête. Lents. Intenses.Elle so

  • L'Énigme du Masque d'Ivoire   Chapitre 234 — Ce que le feu laisse après lui

    La saison des pluies était revenue.Pas brutale. Pas silencieuse non plus.Une pluie lente, nourricière. Celle qui frappe les tôles comme un tambour de souvenir. Celle qui fait pousser les choses enfouies, qu’on avait oubliées — ou qu’on n’osait plus nommer.Dans le champ de Joal, les pousses issues du Rituel des Germes avaient grandi. Certaines étaient devenues des buissons, d’autres des fleurs sauvages, et une — plus solide — commençait à former un tronc.Personne ne savait vraiment ce qui avait été planté là.Mais tout le monde savait qui.Et surtout pourquoi.Maïssa marchait entre les hautes herbes, son foulard roulé autour du cou.Elle s’arrêtait parfois pour observer les feuilles, sentir l’écorce, écouter un bourdonnement. Elle n’attendait rien de la nature. Elle ne demandait plus.Elle était simplement présente.Elle se souvenait de ce qu’avait dit le passeur, autrefois :“Le quatrième masque est en toi. Il écoute.”Depuis, elle avait compris : le masque ne couvrait plus son vi

  • L'Énigme du Masque d'Ivoire   Chapitre 233 — L’encre dans les pas

    Dans la petite cour de sa maison, Maïssa traçait des lettres dans la terre.Elle n’écrivait pas pour être lue.Elle écrivait pour ressentir.Des lettres en wolof, en peul, en sérère, en bambara, en langue qu’elle ne parlait pas mais que son corps reconnaissait.Une voisine la regardait souvent faire. Elle demandait parfois :— Tu fais des cartes ?Et Maïssa répondait :— Non. Je trace les chemins qu’on n’a pas pris. Et je les laisse s’effacer.Car ce qu’elle cherchait à laisser, ce n’était pas une œuvre.C’était une empreinte souple. Une mémoire qui s’adapte. Qui se dépose, et repart si elle n’est pas accueillie.Dans un village du Saloum, une enfant organisa la première “veillée de l’eau”.Elle avait sept ans.Son père était pêcheur. Sa mère, muette depuis l’accident du port.Un soir, l’enfant dit :— Moi je vais parler pour elle. Et pour l’eau. Et vous m’écoutez, mais vous devez fermer les yeux.Ils s’exécutèrent.Et elle dit :“L’eau n’aime pas qu’on l’appelle ‘ressource’.Elle pré

More Chapters
Explore and read good novels for free
Free access to a vast number of good novels on GoodNovel app. Download the books you like and read anywhere & anytime.
Read books for free on the app
SCAN CODE TO READ ON APP
DMCA.com Protection Status