Élise
Je referme la porte derrière moi. Et je laisse mon cœur derrière elle.
Il me plaque brutalement contre le carrelage, rugueux, froid, sans un mot, sans un regard. Il me prend. Il me pénètre d’un coup sec, rapide, sans préparation, sans douceur, sans amour.
Ses gestes sont secs, mécaniques et rageurs. Comme s’il voulait me faire payer quelque chose. Comme si j’étais responsable de son malheur, de sa lâcheté, de ses choix.
Il me baise sauvagement sans tendresse .
Je ne dis rien. Je ferme les yeux. Je fais semblant d’y croire , de le croire , de croire que c’est encore nous.
Mais ce n’est rien. Rien que du vide. Une absence immense, épaisse, glaciale, qui me traverse toute entière.
Quand il sort de moi, il ne dit toujours rien. Il attrape une serviette. S’essuie comme après un entraînement et quitte la pièce.
Je reste là contre le mur , l’eau continue de couler , brûlante et indifférente.
Je suis nue, trempée, tremblante, mais pas de froid , d’humiliation.
Je finis par sortir. Je traîne mes pas jusqu’à notre chambre. Je cherche encore une raison, une explication, un mot. Je me dis qu’il va venir , s’excuser.
Mais je n’ai que le silence.
Je tire un tiroir pour m'habiller , mais un papier m’attend . Je le lis.
C'est un contrat de divorce.
Je le relis , mes mains tremblent. Mon cœur s’arrête net.
Il sort de la salle du fond du dressing et me voit avec les feuilles mais il ne dit rien.
Je lui jette les pages au visage. Elles volent comme des cendres.
— C’est quoi ça, Liam ? Tu plaisantes ? Aujourd’hui ? C’est notre putain d’anniversaire !
Il les ramasse, doucement. Comme si c’était normal. Comme si j’étais folle.
— Ce sont les papiers du divorce. Il faut qu’on se sépare.
Je suffoque.
— Tu veux m’effacer, comme ça ? Me jeter ? Aujourd’hui ?
Il détourne les yeux.
— Je ne veux plus faire semblant. Je ne t’ai jamais aimée comme tu m’aimais. Mon père m’a poussé à t’épouser , alors que j’aimais Camille. Je l’aime encore. Et maintenant… elle attend mon enfant.
Le mot “enfant” me fauche. Je chancelle.
— Et moi, Liam ? Je suis quoi ? Une transition ? Une punition ? Ou un accident ?
— Je vais t’indemniser , tu auras ce qu’il te faut.
Je tombe à genoux , mon corps ne répond plus , je suis à genoux devant lui .
Je m’agrippe à sa jambe. Je sais que je suis pathétique , mais je ferai tout pour le garder . Il est tout ce que j’ai .
— Je t’en supplie , je t’aime. On peut recommencer , dis-moi ce que je peux faire pour que tu renonce à cette idée ? Dis-moi que c’est pas fini s’il te plaît…
Il me repousse d’un coup de jambe sec comme un chien dans ses pattes.
— Ne me supplie pas, Élise. Tu rends ça encore plus difficile. Je ne t’aime pas et je ne t’ai jamais aimée.
Mon monde s’écroule.
Je me relève lentement , chaque vertèbre est une blessure .
Je respire longuement , donc c'est fini ? Il m'abandonne comme ça ? J'ai échoué ! Je dois me faire une raison , mais.. c'est si difficile... j'ai si mal . Je me rends compte que mon visage est inondé de larme .
Mais...je pense que je le suis assez humiliée pour aujourd'hui . Je lui parle d'une voix brisée :
— Très bien , je vais te donner le divorce . Mais...ne peux-tu pas réfléchir une dernière
fois ?
— Élise…
— Ne dis rien , j'ai compris , tu l'auras ton divorce !
LiamJe n’ai pas dormi de la nuit, mes yeux fixaient le plafond comme si chaque fissure blanche pouvait m’offrir une réponse, comme si les ombres qui glissaient à travers la pièce portaient un fragment de ce visage qui refuse de quitter ma mémoire, et dans ce silence nocturne, le souffle paisible de Camille à mes côtés me paraissait à la fois un refuge et une torture, un rappel cruel de ce que je possède et de ce que je ne peux pas oublier .Au matin, elle s’est lovée contre moi, ses lèvres effleurant ma nuque, ses doigts cherchant la chaleur de mon torse, et j’ai senti mon corps répondre malgré la tempête qui hurlait en moi— Tu es déjà réveillé ? a-t-elle murmuré, la voix encore endormie .— Oui… je pensais, ai-je répondu trop vite, sans lui dire à quoi, sans lui avouer que mes pensées n’étaient pas pour elle .Elle m’a embrassé doucement, mais je n’ai pas eu la force de rester, alors j’ai inventé une excuse, un sourire forcé sur les lèvres .— J’ai des dossiers en retard, je vais m
LiamLa journée a filé sans que je m’en rende compte, chaque heure marquée par la présence douce et exigeante de Camille, par ses sourires, ses éclats de rire qui venaient dissiper mes ombres, mais en même temps les raviver, car derrière chaque geste, chaque caresse, chaque mot tendre, le fantôme d’Élise se tenait tapi, sournois et cruel, me rappelant ce que je croyais oublié, et ce que je n’avais jamais vraiment pu contrôler .Je m’étais installé sur le canapé, un verre de whisky à la main, le corps de Camille effleurant le mien, sa respiration chaude contre mon épaule, ses doigts jouant distraitement avec les miens, et pourtant mon esprit était ailleurs, piégé dans la toile de l’écran de la veille, dans ce sourire sculpté, dans ce port royal que je ne pouvais me résoudre à ignorer .C’est alors que mon téléphone vibre, et mon cœur se fige un instant, car je sais avant même de regarder : c’est mon père. La sonnerie me semble plus aiguë, plus insistante que d’habitude, comme si elle v
LiamUne semaine a passé comme un souffle, comme si les jours s’étaient enchaînés sans que je les compte, et déjà Camille a pris place dans mon appartement, son parfum imprègne les draps, ses vêtements s’éparpillent sur les fauteuils, ses rires résonnent dans les couloirs, et je me surprends à trouver ça naturel, comme si elle avait toujours été là, comme si son corps et le mien avaient signé un pacte invisible que rien ne pourrait rompre .Nous venons de finir le dîner, ses doigts encore brillants de vin jouent avec les miens, la table est encore couverte de miettes et de verres vides, la chaleur de son rire flotte dans l’air, et je me sens léger, débarrassé d’un poids qui me hantait depuis trop longtemps, débarrassé d’Élise, de ses reproches, de ses silences venimeux, de ses yeux accusateurs, débarrassé d’un passé qui ne m’appartient plus, je me répète que je n’ai pas à me soucier d’elle, qu’elle est loin désormais, qu’elle n’existe plus dans mon monde .Mais c’est alors que Camille
ÉLISELa maison n’est plus la même, elle respire une autre vie, bruissante, impatiente, comme si chaque mur avait été poli pour ce jour, chaque lustre rallumé pour ces regards étrangers, chaque couloir purifié pour devenir le passage d’une cérémonie solennelle. Les domestiques s’affairent comme des ombres, leurs pas étouffés glissant sur le marbre, leurs gestes précis dissimulant l’effervescence sous une discipline parfaite. Pourtant, sous cette mécanique, je sens l’électricité, ce frémissement qui court dans l’air, comme avant l’orage.J’entends au loin le bourdonnement des voix, les éclats d’un rire forcé, le claquement des talons qui ponctuent la salle immense, le froissement des étoffes luxueuses, soie et satin qui s’entrechoquent comme des vagues. On a envahi ce lieu que je croyais nôtre, temple de silence et d’ombre, et tout est devenu scène, décor, tribune. Je ne suis plus chez moi, je suis déjà sur un théâtre.On m’a parée comme une statue sacrée. La robe glisse sur ma peau co
ARNOLDLa voiture file à travers la ville encore vibrante du matin, et je laisse derrière moi la maison, Élise alanguie dans ce repos que je lui ai imposé, fragile et docile, endormie sous ma volonté comme sous un voile de velours. Je sais qu’elle pensera à moi, qu’elle se tournera dans ce lit vaste et froid, et que chaque battement de son cœur résonnera de mon absence. Cela me satisfait.Quand les portes vitrées du siège s’ouvrent devant moi, tout redevient mécanique, parfaitement huilé. Les employés se lèvent à mon passage, saluent d’un signe de tête, baissent les yeux aussitôt. Chacun connaît sa place, chacun mesure ce que je tolère et ce que j’exige. Leur silence est une liturgie, et je suis le centre autour duquel tout gravite.Je traverse le hall, et déjà ma secrétaire m’attend, debout, dossier en main, le tailleur impeccable, l’œil vif mais soumis. Elle incline légèrement la tête.— Monsieur, la réunion avec le conseil est fixée pour cet après-midi. Dois-je ajuster l’ordre du j
ÉLISELorsque le dernier tissu retombe doucement sur le mannequin, lorsque les épingles de Clara s’alignent dans leur petite boîte d’argent et que son regard, toujours neutre, s’assombrit d’une fatigue discrète, je comprends que la séance est terminée, mais je sens aussi que quelque chose en moi a été déplacé, comme si chaque étoffe avait prélevé une part de mon ancienne peau. Je me tiens droite, presque vacillante, les épaules encore marquées par le frôlement des étoffes et le poids du regard d’Arnold, et je n’ose pas bouger tant que son silence n’a pas été rompu.Clara incline la tête, range ses croquis avec précision, puis se retire sans bruit, me laissant seule sous la lumière des miroirs, nue sous le voile d’ivoire, offerte encore à l’examen. Arnold s’approche alors, lentement, ses pas feutrés résonnant comme une sentence douce. Ses doigts viennent se poser sur mon bras, fermes mais chauds, et son regard se fait moins tranchant, presque tendre, comme s’il voyait ma fatigue avant