เข้าสู่ระบบÉlise
La pièce est silencieuse. Trop silencieuse.
Le papier glacé entre mes mains semble peser une tonne, et chaque mot imprimé me brûle les doigts comme si le papier lui-même savait ce qu’il contenait. Je le relis encore… une fois… deux fois… incapable d’accepter que c’est bien la vérité. Mon cœur tambourine si fort que j’ai l’impression qu’il va éclater. Pourtant, je dois faire ce qu’il attend de moi : signer.
Je m’assieds sur le bord du lit, les jambes tremblantes. Le stylo repose devant moi, lourd comme une arme. Liam reste debout, appuyé contre le chambranle de la porte, ses yeux détournés vers un point invisible, comme si la vue de ma souffrance l’ennuyait.
Cette indifférence est un coup de lame qui s’enfonce dans ma poitrine.
Mes doigts se crispent sur le stylo. Je tente de respirer profondément, mais chaque inspiration me déchire. Je ferme les yeux une seconde, cherchant un reste de dignité. Rien. Seulement un vide qui m’avale.
Enfin, je signe.
Chaque lettre est une blessure. Le grincement de la plume sur le papier devient le bruit de ma propre disparition. Je termine, relève les yeux vers lui. Pas un mot. Pas un geste. Juste ce mouvement mécanique : il me tend les papiers.
Je les serre contre moi. Mes jambes se dérobent, mes genoux heurtent le sol. Je m’effondre sur moi-même, réduite à une silhouette recroquevillée.
— Voilà… c’est fait… murmuré-je, la voix étranglée par les sanglots.
Il détourne le regard. Pas de main tendue, pas de chaleur. Je suis seule. Pire que seule.
Je me relève, vacillante, les papiers serrés contre ma poitrine comme un dernier rempart inutile. Chaque pas en direction de la porte est un arrachement. Dehors, la nuit avale mes sanglots.
Je marche. Je ne sais pas où. La ville est floue, brouillée par mes larmes. Les passants me frôlent sans me voir. Les lampadaires jettent une lumière pâle sur mon chemin, comme si même la ville avait perdu ses couleurs.
Puis…
Un bruit métallique. Un crissement de pneus.
Une douleur brutale explose dans mon corps. Le sol disparaît. Je sens l’air me happer, puis un choc violent. Et… l’obscurité.
Arnold
Je conduis depuis une heure, les mains crispées sur le volant.
Mes pensées tournent en boucle, écrasantes.
Les chiffres. Les menaces. Les rendez-vous avec ces hommes qui sourient en façade mais veulent me voir tomber. Même moi, Arnold Lemaire, l’homme le plus riche du pays, je ne suis pas intouchable.
Mon téléphone vibre. Je ne décroche pas. Mais je lis mentalement les mots du message que j’ai reçu plus tôt. Un ultimatum.
Je ne vois pas le feu rouge.
Je ne vois pas la silhouette.
Juste un mouvement. Trop tard.
Le choc résonne dans mon crâne. Mon cœur se fige.
Je freine brusquement, sors de la voiture, cours. Elle est là, étendue sur le bitume. Ses cheveux sombres se répandent comme une tache d’encre. Elle respire, mais faiblement. Ses lèvres tremblent, son visage est pâle comme la lune.
— Hé… tenez bon… je vous en prie…
Ma voix est rauque. Moi qui ne perds jamais mon sang-froid, je sens ma gorge se nouer. Sans réfléchir, je la soulève doucement. Elle est légère, presque irréelle dans mes bras.
J’ouvre la portière arrière et l’installe avec précaution. Je roule vite. Très vite. Direction la clinique la plus chère et la plus discrète du pays. L’endroit où même les murs savent garder un secret.
Élise
Quand je rouvre les yeux, tout est blanc. Trop blanc.
Le plafond est lisse, impersonnel. L’air sent la propreté clinique, avec cette odeur de désinfectant qui me donne la nausée. J’entends un bip régulier quelque part à côté de moi.
Un visage apparaît. Un homme, élégant, la quarantaine, un costume sombre impeccablement taillé. Ses yeux, d’un vert profond, me fixent avec une intensité qui me trouble.
— Vous êtes réveillée… dit-il doucement.
Je fronce les sourcils.
Des questions s’accumulent dans ma tête, mais il y en a une qui s’impose avant toutes les autres.
— Où… où suis-je ?
Il hésite, comme s’il pesait ses mots.
— Dans une clinique privée. Vous avez eu un accident.
J’essaie de me redresser, une douleur me traverse les côtes. Ma respiration se bloque.
Puis une autre question me brûle les lèvres :
— Qui… qui suis-je ?
Le silence qui suit est lourd.
Mon cœur s’accélère. Je cherche dans ma mémoire… mais c’est le néant. Pas un prénom, pas un souvenir. Juste ce vide froid et terrifiant.
— Vous ne vous souvenez de rien ? demande-t-il.
Je secoue la tête, paniquée. Des larmes me montent aux yeux.
Il pose une main sur la mienne, un geste à la fois protecteur et troublant.
— Alors… je vais vous aider à retrouver qui vous êtes.
Mais dans son regard, il y a autre chose. Quelque chose qui me fait frissonner. Comme s’il venait de comprendre que ce que j’ai perdu… pourrait lui appartenir.
LiamLe regard d’Élise. C’est la seule chose qui existe dans cette pièce sursaturée d’opulence. Un regard qui me transperce, un mélange déchirant de terreur et de fierté. Elle me supplie silencieusement de ne pas céder. Mais derrière cette supplique, je vois autre chose. Une résolution froide. Elle a un plan. Elle affronte le monstre à visage découvert.Gessler attend, un sourire de fauce aux lèvres. Il croit avoir gagné. Il croit que la menace contre ma mère va plier mes genoux.Ma voix, quand elle sort, est plus calme que je ne l’aurais cru.— Mes droits… ces projets… ils étaient ma colonne vertébrale. La seule chose qui me restait de l’homme que j’étais. Les signer, c’est signer mon arrêt de mort.— C’est une mort lente et confortable que je vous offre, Carter, rétorque Gessler. L’alternative est bien plus… abrupte.Je secoue la tête, lentement, mes yeux ne quittant pas ceux d’Élise.— Non. Vous vous trompez sur toute la ligne, Gessler. Vous croyez que la peur est le sentiment le p
ÉliseLe message de Liam a brûlé dans mon esprit toute la nuit. « La rose fanée se souvient du soleil. » Un code si simple, si nous. Il se souvient. Il est là. Il n’a pas abandonné. Cette certitude est un élixir de fer coulant dans mes veines, remplaçant le sang par de la volonté.Arnold a changé. Sa courtoisie est une couche de glace si mince que je vois la fureur bouillonner en dessous. Il me regarde comme un collectionneur regarde une pièce rare qui lui échapperait, avec une colère mêlée d’une incrédulité blessée.Ce matin, le petit-déjeuner est un silence tendu. Le cliquetis de ma cuillère dans la tasse de porcelaine est une détonation.— Tu sembles pensive, Élise, dit-il enfin, posant son journal. Les nouvelles sont… édifiantes, ces derniers temps.Je lève les yeux, gardant mon visage aussi lisse que la surface de mon thé.— Vraiment ? Je ne lis plus les journaux. Ils ne parlent que de la chute des hommes. C’est un spectacle monotone.Ses doigts se crispent imperceptiblement sur
ÉliseLe jardin est vaste, trop bien entretenu pour être vraiment vivant. Chaque buisson est taillé au cordeau, chaque allée de gravier impeccable. Maria marche à mes côtés, silencieuse, mais sa présence n’est plus tout à fait celle d’un gardien. Son appel à Liam a trahi une loyauté qui vacille. Je dois creuser cette faille.— Il fait froid, dis-je en croisant les bras sur ma poitrine. Le soleil est une tromperie.— L’hiver approche, madame, répond-elle, le regard droit devant.— L’hiver, oui. Tout gèle. Même les sentiments. Ou peut-être surtout eux.Je m’arrête, feignant de contempler une rose tardive, presque fanée.— Maria… merci. Pour la promenade.— Ce n’est rien, madame.— Si. Pour moi, c’est beaucoup. Un peu d’air qui n’est pas celui de cette maison.Je me tourne légèrement vers elle, baissant la voix.— Il a peur, n’est-ce pas ? Arnold. Je l’ai vu dans ses yeux ce matin.Maria ne répond pas, mais un muscle tressaute sur sa mâchoire. Un silence est une réponse, ici.— Quand on
ÉliseLa lueur de l'aube filtre à travers les volets, dessinant des barres de lumière pâle sur le sol. Je n'ai pas dormi. Le nom "Dubois" tournait en boucle dans ma tête, une mélodie funèbre. La signature de Liam. Arnold qui le dépouille.Je me lève, le corps lourd, l'esprit étrangement vif. La peur est toujours là, une bête tapie au fond de mon ventre, mais elle a été rejointe par autre chose. Une froide détermination.Maria entre avec mon petit-déjeuner, posant le plateau sur la table avec une efficacité silencieuse. Elle jette un regard vers le lit défait, mais ne dit rien.— J'aimerais me promener dans le jardin, dis-je d'une voix que je veux neutre.Elle hésite, une fraction de seconde.— Monsieur a donné des consignes pour que vous vous reposiez.— Une promenade lente est un repos, Maria. L'air frais me fera du bien. Vous pouvez m'accompagner si les consignes de monsieur vous inquiètent.Je la regarde droit dans les yeux. Je ne supplie pas. Je propose. Je teste les limites de ma
ArnoldLe bureau est silencieux, baigné seulement par la lueur froide de la lampe en cristal sur mon bureau. Les rapports s'empilent, nets, ordonnés. Des colonnes de chiffres qui obéissent au moindre de mes désirs. Le monde, à travers ces documents, est une mécanique prévisible que je maîtrise.Mais ce soir, la mécanique a des ratés.Je fixe l'écran de mon ordinateur sans voir les courbes boursières. Une image persiste, tenace, derrière mes paupières : Élise, de l'autre côté de la table, pâle et silencieuse. La façon dont elle a serré son verre. L'éclat de rébellion , oui, de rébellion , dans son regard quand elle a mentionné le psychiatre.Elle a peur. C'est bon. La peur est un outil. Elle doit avoir peur.Alors pourquoi cette sensation d'inconfort ? Pourquoi son silence pèse-t-il soudain plus lourd qu'une défaite en Bourse ?« Termine ton repas. »Des mots banals. Une phrase de mari attentionné. Mais en les prononçant, j'ai senti une faille, une fissure minuscule dans l'armure de co
ÉliseLe dîner est un supplice raffiné.La salle à manger est immense, la table en ébène luisante semble s'étirer sur des kilomètres. Je suis assise à une extrémité, Arnold à l'autre. La distance qui nous sépare est un abîme que même la voix ne pourrait franchir sans effort. Le silence n'est brisé que par le cliquetis des couverts en argent sur la porcelaine fine.Maria circule comme une ombre, déposant des plats d'une présentation impeccable. Une cuisine gastronomique, sans saveur. Chaque bouchée a le goût de la cendre. Je les avale, mécaniquement, les yeux baissés sur mon assiette.— Le homard n'est pas à ton goût ? ta voix d'Arnold, calme et posée, résonne dans le vide.Je lève les yeux. Son regard est fixé sur moi, un mélange de fausse sollicitude et de froide évaluation.— Il est parfait, murmurai-je.— Tu ne manges presque rien. Maria a pourtant suivi les instructions du nutritionniste à la lettre. Il faut reprendre des forces, Élise.Reprendre des forces. Pour quoi ? Pour mieux







