Elise
Il entre dans la salle de bain. J’entends l’eau. Elle coule fort, droite, impitoyable, comme une lame. Il se douche. Comme si de rien n’était. Comme si je n’existais pas. Comme si je n’étais qu’un fond sonore, une nuisance domestique, un corps qu’on ne regarde plus.
Je me déshabille, lentement, pièce après pièce, chaque bouton me lacère, chaque zip me racle la peau, mais je continue, parce que je veux qu’il me voie, qu’il se souvienne, qu’il ressente encore un peu de chaleur, un peu de désir, un soupçon d’envie, même sale, même brève, même cruelle.
Je pousse la porte, nue, tremblante, honteusement offerte.
La vapeur m’enlace, brûlante, et je le vois, de dos, son corps ruisselant, ses omoplates qui bougent à peine sous le jet, son cou tendu, son silence plus fort que tout. Je le rejoins, pieds mouillés, souffle court, je m’approche, si près que l’eau qui glisse sur lui vient mourir sur moi.
Il sursaute se retourne et me voit. Il ne dit rien.
Je laisse mes seins effleurer son dos, mon ventre contre ses reins, mes bras autour de lui, mes mains sur son torse mouillé. Je remonte lentement, caressant chaque centimètre de sa peau, ses pectoraux, son cou, ses épaules, ses cheveux trempés qui collent à ses tempes.
— Liam… je suis là… regarde-moi…
Mais il détourne les yeux , il me fuit.
Je colle davantage mon corps contre le sien, j’embrasse son dos , doucement, tendrement, comme avant, comme si j’y croyais encore, comme si c’était notre nuit, celle qu’on devait célébrer, celle qui aurait dû être douce, pleine de souvenirs, de rires, de mains liées sous la table.
— C’est notre nuit… notre anniversaire… s’il te plaît…
Il tressaille. Mais recule.
— Arrête, Élise ce n'est pas maintenant.
Pas maintenant. Pas jamais. Pas toi.
— Tu veux que j’arrête de t’aimer aussi ? Que je me taise, que je disparaisse ? Que je m’efface comme une erreur sur un brouillon ?
Je le repousse contre le mur, sans force, mais avec tout le poids de mon corps, tout le poids des années, des soupirs, des gestes qu’il n’a pas vus. Mes mains glissent vers son ventre, plus bas, lentement, comme une supplique. Je le touche , il est tiède, dur.
— Je suis ta femme, Liam. J’ai le droit de te toucher, non ? Dis-moi que tu ne ressens rien. Dis-le-moi en me regardant dans les yeux.
Il m’attrape les poignets. Les serre fort . Ses doigts me blessent. Mais je ne recule pas.
— Tu ne comprends pas ? Je ne veux pas de toi.
Je frissonne. Ma gorge se ferme. Mes jambes vacillent.
— Tu mens.
Il secoue la tête. Son regard est vide.
— Je suis ailleurs, Élise. Je suis déjà loin de toi. Tu peux me coller contre un mur, gémir, pleurer, supplier… ça ne changera rien.
Je refuse , j’attrape sa main, la plaque sur ma poitrine nue, haletante, battante, offerte. Je veux qu’il sente, qu’il entende mon cœur qui le réclame.
— Et ça ? Tu ne sens rien ? Tu n’as rien dans le ventre, là, en touchant mon cœur, mon sein, ma peau ? Tu ne te souviens de rien ?
Il retire sa main comme si je l’avais brûlé, comme si j’étais toxique, repoussante, impure.
— Tu n'as pas honte ? Tu crois que c’est ça, l’amour ? Te vendre comme ça, te donner comme une fille de passage pour retenir ce que tu n’as jamais eu ?
Je tremble , mais je ne lâche pas.
Je l’embrasse en plein bouche , profondément , désespérément. Je le prends avec ma bouche, avec mon souffle, avec tout ce que j’ai encore de vivant en moi. Il ne répond pas. Mais il ne me repousse pas , alors je recommence encore et encore.
Je me hisse, je l’enlace, mes jambes autour de lui, mon sexe brûlant contre le sien, je gémis contre sa peau, contre son cou, contre cette gorge qui ne me parle plus.
Et là, il craque....
ArnoldDeux jours se sont écoulés.Deux jours où chaque minute a pesé comme une pierre, où je suis resté près d’elle, veillant sur son sommeil agité, répondant aux questions des infirmières, signant des papiers médicaux avec un calme étudié.Élise a repris quelques couleurs, mais ses yeux restent encore voilés, comme si le monde autour d’elle n’était pas tout à fait réel. Ses gestes sont lents, hésitants, et cela me convient parfaitement.Ce matin-là, le médecin de garde passe, son dossier à la main, lunettes glissant sur le bout du nez. Il m’adresse un sourire professionnel, puis un regard qui se veut rassurant.— Elle progresse bien, dit-il en rangeant son stéthoscope. Sa mémoire reste toutefois fragile. C’est normal après un traumatisme de cette ampleur. Il faudra du temps.Je hoche la tête, affichant une inquiétude bienveillante.— Docteur, justement… Le temps, oui… Mais il y a quelque chose qui m’angoisse. Vous comprenez, je suis son mari, et la voir se tourmenter, chercher des s
ArnoldLa lumière de la chambre d’hôpital filtre à travers les stores, découpant des lignes pâles sur le drap blanc qui recouvre Élise.Chaque rayon effleure son visage comme une caresse silencieuse, révélant la finesse de ses traits, la courbe délicate de ses lèvres, la pâleur qui efface presque toute couleur de ses joues.Elle dort encore. Son souffle est lent, régulier, et ses paupières tremblent parfois, comme si ses rêves étaient agités.Je m’installe dans le fauteuil près de son lit, le coude posé sur l’accoudoir, la main soutenant ma tête.Je pourrais rester ainsi des heures.Chaque respiration qu’elle prend me donne cette impression étrange de l’avoir enfin là, vraiment là, sous ma garde.Elle ne peut pas partir. Pas cette fois.Mon regard glisse le long de son bras, jusqu’à sa main fine qui repose sur le drap.Ses doigts sont froids. Alors je les entoure des miens, doucement, comme pour lui transmettre ma chaleur.Un geste tendre… ou du moins, c’est ce que je veux qu’elle cro
LiamJe revois encore la scène comme si c’était un film que je pourrais repasser à l’infini.La salle sentait le cuir, le papier ancien et un léger parfum d’humidité qui collait aux murs. Un silence dense, presque palpable, enveloppait les lieux. On entendait seulement le froissement méthodique des pages que l’on tournait et le grincement de la plume sur le papier.Assise en face de moi, Élise gardait le regard obstinément fixé sur les documents. Son visage, impassible, ne trahissait rien. Ses lèvres, pincées, semblaient retenir des mots qu’elle ne voulait pas prononcer. Était-ce de la colère, de la résignation… ou simplement du vide ?Puis ce geste. Sec, rapide, presque impatient. Sa main a tracé sa signature au bas de la dernière page. Une seconde. Une minuscule seconde… mais pour moi, elle a résonné comme une délivrance attendue depuis des mois.Mon avocat s’est penché vers le sien, échangeant quelques mots discrets que je n’ai même pas écoutés. Déjà, je faisais glisser les papiers
ArnoldElle me regarde, les yeux grands ouverts, remplis de confusion. Ses lèvres tremblent légèrement, et je sais que ses mains se crispent sous le drap, même si je ne les vois pas.Cette phrase qu’elle vient de prononcer résonne encore dans ma tête : "Qui… qui suis-je ?"Elle ne se souvient pas. Rien.Je le vois dans son regard : ce n’est pas une feinte, pas une comédie. Elle est perdue au milieu d’un océan vide, sans repères.Et moi… moi, je pourrais remplir cet océan comme bon me semble.Une partie de moi sait que ce que je m’apprête à faire est immoral. L’autre partie sait que c’est peut-être la seule solution à mon problème actuel.Mon problème… Ce maudit conseil d’administration qui veut ma tête. Cette proposition absurde qu’ils m’ont faite il y a deux jours :"Si vous voulez sauver votre place, mariez-vous. Montrez une image stable. Le marché a besoin de croire que vous êtes un homme prévisible."Et comme je leur ai répondu, à demi ironique : "On ne trouve pas une épouse en q
ÉliseLa pièce est silencieuse. Trop silencieuse.Le papier glacé entre mes mains semble peser une tonne, et chaque mot imprimé me brûle les doigts comme si le papier lui-même savait ce qu’il contenait. Je le relis encore… une fois… deux fois… incapable d’accepter que c’est bien la vérité. Mon cœur tambourine si fort que j’ai l’impression qu’il va éclater. Pourtant, je dois faire ce qu’il attend de moi : signer.Je m’assieds sur le bord du lit, les jambes tremblantes. Le stylo repose devant moi, lourd comme une arme. Liam reste debout, appuyé contre le chambranle de la porte, ses yeux détournés vers un point invisible, comme si la vue de ma souffrance l’ennuyait.Cette indifférence est un coup de lame qui s’enfonce dans ma poitrine.Mes doigts se crispent sur le stylo. Je tente de respirer profondément, mais chaque inspiration me déchire. Je ferme les yeux une seconde, cherchant un reste de dignité. Rien. Seulement un vide qui m’avale.Enfin, je signe.Chaque lettre est une blessure.
Élise Je referme la porte derrière moi. Et je laisse mon cœur derrière elle.Il me plaque brutalement contre le carrelage, rugueux, froid, sans un mot, sans un regard. Il me prend. Il me pénètre d’un coup sec, rapide, sans préparation, sans douceur, sans amour.Ses gestes sont secs, mécaniques et rageurs. Comme s’il voulait me faire payer quelque chose. Comme si j’étais responsable de son malheur, de sa lâcheté, de ses choix.Il me baise sauvagement sans tendresse .Je ne dis rien. Je ferme les yeux. Je fais semblant d’y croire , de le croire , de croire que c’est encore nous.Mais ce n’est rien. Rien que du vide. Une absence immense, épaisse, glaciale, qui me traverse toute entière.Quand il sort de moi, il ne dit toujours rien. Il attrape une serviette. S’essuie comme après un entraînement et quitte la pièce.Je reste là contre le mur , l’eau continue de couler , brûlante et indifférente.Je suis nue, trempée, tremblante, mais pas de froid , d’humiliation.Je finis par sortir. Je t