Isadora
Il s’avance, et sans un mot, me serre contre lui. Je sens ses doigts tracer des cercles brûlants sur ma peau nue, comme pour marquer ce territoire qui est désormais mien autant que sien.
— Vous êtes mienne, murmure-t-il. Pas dans un sens de possession, mais dans celui d’une promesse. Une promesse que je tiendrai.
— Et si je ne veux pas ?
— Alors vous apprendrez à vouloir.
Je frissonne à ses mots, à leur double tranchant. J’ai l’impression d’être une proie, mais aussi une reine. Une reine captive dans un château de feu.
Il s’éloigne, me laissant suspendue à cette tension, à cette faim impossible à combler.
Je me laisse tomber sur le canapé, les yeux rivés sur la porte qu’il vient de refermer derrière lui.
Je suis entrée dans un jeu dont je ne maîtrise ni les règles ni l’issue.
Mais je sais une chose.
Je ne pourrai plus jamais m’en détourner.
Car cette faim qui me ronge est aussi la seule vérité que je puisse encore reconnaître.
Je suis à la fois la flamme et le bois qui brûle.
Et je suis prête à me consumer entièrement.
Le matin s’infiltre à peine derrière les rideaux lourds de la suite. La lumière est pâle, fragile, comme un fil tendu entre la nuit et le jour, entre l’ombre et la clarté. Je suis allongée sur le lit immense, la peau encore brûlante du contact de ses mains, le goût âcre de ses lèvres suspendu dans ma mémoire.
Je n’ai pas dormi. Comment aurais-je pu ? Mon corps réclame encore sa présence, mes pensées tourbillonnent comme un feu incontrôlable. Je sens chaque douleur mêlée à chaque désir, chaque peur enracinée dans cette faim qui ne cesse de croître.
Il est là, silencieux dans l’ombre de la chambre, un observateur invisible, un roi dans son royaume de silence. Je ne sais pas s’il dort ou s’il veille, mais je sens sa présence comme un poids, une tension dans l’air.
— Vous ne parlez pas ce matin, dit-il enfin, la voix douce mais teintée d’une ironie qui me fait frissonner.
Je tourne la tête vers lui. Ses yeux sont des abîmes, des puits sans fond où se mêlent la domination et une tendresse que je ne comprends pas encore.
— Pourquoi devrais-je parler ? Je murmure, les lèvres sèches, la voix rauque.
Il s’avance, lentement, chaque pas une déclaration silencieuse.
— Parce que vous êtes ici, Isadora. Pas seulement par hasard. Parce que vous avez choisi ce chemin, ce feu. Et dans ce feu, il faut parler, ou périr.
Je déglutis, incapable de détourner mon regard. Sa proximité m’oppresse et m’attire à la fois, un aimant puissant qui défie toute logique.
— Et si je ne sais pas encore ce que je cherche ? Que se passe-t-il alors ?
Il sourit, un sourire qui n’atteint pas ses yeux, un sourire de prédateur.
— Alors je vous trouverai. Je vous forcerai à le découvrir. Que vous le vouliez ou non.
Il s’assoit à côté de moi, ses doigts effleurent ma joue, une caresse légère mais chargée de promesses.
— Ce monde est fait de sacrifices, Isadora. Vous devrez laisser partir des morceaux de vous-même pour avancer. Parfois, ce sera douloureux. Parfois, ce sera cruel. Mais c’est le seul chemin.
Je ferme les yeux, laissant sa main sur ma peau, ressentant la chaleur, le pouvoir.
Je ne sais pas ce qui m’attend, mais une chose est sûre : je suis engagée dans un combat où je ne pourrai plus me cacher derrière mes peurs.
Je me lève, presque comme une automate. Je m’habille lentement, chaque geste est une victoire sur moi-même.
— Où allons-nous ? Je demande, ma voix tremblante mais déterminée.
Il se lève, droit comme un roi, la silhouette parfaite dans la pénombre.
— Là où la faim trouve son apogée. Là où l’on apprend ce que coûte vraiment le désir.
Il ouvre la porte, et je le suis, prête à affronter l’inconnu.
Dans le couloir, le silence est lourd, chaque pas résonne comme un battement de cœur.
Nous descendons, hors du luxe feutré de la suite, vers un sous-sol où la lumière ne filtre jamais vraiment.
La porte s’ouvre sur une pièce vaste, obscure, remplie d’ombres mouvantes et de murmures. L’air est épais, saturé d’une odeur de cuir, d’encens brûlé et d’une étrange promesse.
Des silhouettes masquées se tiennent là, immobiles, leurs yeux perçant la pénombre, fixant l’entrée avec une attente chargée de mystère.
Mon souffle se fait court. Je sens le poids du regard invisible de chacun d’eux, comme autant de jugements, de défis lancés à mon âme fragile.
Il s’avance vers eux, une autorité naturelle, une puissance que je ne possède pas encore. Son pas claque sur le sol froid, et le murmure s’éteint peu à peu.
— Bienvenue dans la Part du Feu, Isadora. Ici, les appétits se révèlent, les vérités brûlent, et ceux qui ne sont pas prêts s’effacent.
Un silence presque religieux s’installe. Je ressens une tension palpable, une énergie prête à exploser, à déchirer le voile fragile qui me protège encore.
Un homme, plus grand que les autres, s’avance lentement vers moi. Son masque est orné d’or et d’onyx, les courbes précises d’un artisan hors pair. Sa voix, quand il parle, est grave, puissante.
— Isadora, vous entrez dans un monde où les masques ne sont pas que des ornements. Ils cachent les âmes, protègent les secrets. Mais ici, derrière chaque masque, se cache un feu prêt à consumer.
Je baisse la tête, consciente de mon ignorance, de ma faiblesse. Mais je sais aussi que reculer n’est plus une option.
— Qu’attendez-vous de moi ? Ma voix tremble, mais je cherche à paraître assurée.
— Que vous vous trouviez vous-même. Que vous appreniez à danser avec ce feu, à ne pas vous brûler. Que vous acceptiez ce que vous êtes, ce que vous pourriez devenir.
Il fait un geste et un serviteur masque noir apporte une coupe d’un liquide rouge sombre, presque hypnotique.
— Buvez. Le chemin commence ici.
Je tends la main, mon cœur battant la chamade. Chaque goutte qui glisse sur ma langue est une promesse, un serment silencieux.
Je sens la pièce vibrer autour de moi, les regards peser, les murmures s’amplifier. Le feu ne brûle plus seulement en moi, il est partout, dans l’air, dans chaque souffle, dans chaque battement.
Je ferme les
yeux, prête à embrasser l’inconnu. Je suis Isadora, et ce feu, je le veux. Même s’il doit tout consumer.
IsadoraJe ferme les yeux et je laisse mon corps s’exprimer, abandonnant mes peurs dans cette danse incandescente.Je suis Isadora.Je suis le feu.Et je brûlerai, encore et encore, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien que ma force.Les heures s’égrainent, les regards ne quittent pas mes gestes, analysant chaque pas, chaque hésitation. La danse est un rituel, un apprentissage aussi brutal que magnifique.Quand enfin je m’arrête, haletante, la salle entière semble retenir son souffle.— Vous avez commencé, déclare la femme au masque d’argent, respectueuse. Mais ce n’est que la première étincelle. Le feu exige un sacrifice constant. Une vérité incessante.Je me redresse, le corps brûlant, le cœur lourd mais vibrant.— Je suis prête à payer ce prix.Le roi du silence se rapproche, ses yeux plongés dans les miens.— Alors le véritable embrasement commence, Isadora. Le feu n’est pas seulement une force à maîtriser. C’est une part de vous-même qui s’éveille, une guerre que vous menez avec vo
IsadoraLa liqueur rougeâtre brûle ma gorge comme une flamme vive. Un frisson court le long de ma colonne vertébrale, comme si une force ancienne s’éveillait en moi, réclamant son dû. Autour de moi, les silhouettes masquées semblent s’incliner en une révérence silencieuse, témoins d’un rite aussi vieux que le temps lui-même. Chaque regard derrière ces masques, aussi impassible soit-il, pèse sur moi comme un jugement sourd.— Vous sentez ça ? Sa voix est là, proche, derrière moi, rauque et pleine de promesses.Je me retourne lentement. Lui. Toujours lui. Sa présence est une ombre familière qui s’insinue sous ma peau, une chaleur autant qu’une menace. Cette ambivalence me déchire, mais je ne peux fuir.— Oui, je sens. Le feu. Celui que je ne peux fuir.Son regard brûle le mien, un duel silencieux entre maîtrise et chaos. Il y a en lui quelque chose d’indomptable, de sombre, qui m’effraie autant qu’il m’attire.— Ce feu ne vous consumera pas si vous apprenez à le dompter. Mais il vous dé
IsadoraIl s’avance, et sans un mot, me serre contre lui. Je sens ses doigts tracer des cercles brûlants sur ma peau nue, comme pour marquer ce territoire qui est désormais mien autant que sien.— Vous êtes mienne, murmure-t-il. Pas dans un sens de possession, mais dans celui d’une promesse. Une promesse que je tiendrai.— Et si je ne veux pas ?— Alors vous apprendrez à vouloir.Je frissonne à ses mots, à leur double tranchant. J’ai l’impression d’être une proie, mais aussi une reine. Une reine captive dans un château de feu.Il s’éloigne, me laissant suspendue à cette tension, à cette faim impossible à combler.Je me laisse tomber sur le canapé, les yeux rivés sur la porte qu’il vient de refermer derrière lui.Je suis entrée dans un jeu dont je ne maîtrise ni les règles ni l’issue.Mais je sais une chose.Je ne pourrai plus jamais m’en détourner.Car cette faim qui me ronge est aussi la seule vérité que je puisse encore reconnaître.Je suis à la fois la flamme et le bois qui brûle.
IsadoraLa lettre brûle entre mes doigts comme un secret défendu. Je la relis encore et encore, chaque mot pesé, chaque phrase savoureuse comme une promesse empoisonnée.« Revenez quand vous aurez faim. »Faim. Ce mot tourne en boucle dans ma tête, une mélodie obsédante qui refuse de s’éteindre. Une faim qui me consume de l’intérieur, qui me dévore sans pitié, qui me déchire et m’appelle à sortir de l’ombre, à franchir ce seuil invisible que je pressens plus qu’autre chose.Je suis devenue cette femme que je ne voulais pas être. Une femme enchaînée à un désir qu’elle ne contrôle plus. Une proie. Une prédatrice. Une amante captive d’un jeu dont je ne connais ni les règles, ni la fin.Le jour s’efface vite, comme avalé par l’ombre. Je quitte mon appartement avec un seul objectif : revenir à ce lieu qui n’existe pas vraiment, à cet homme qui n’a pas laissé de traces, à cette nuit sans nom où tout a basculé.Je glisse la lettre dans ma poche, la peau de son papier contre la paume, comme u
IsadoraJe suis restée jusqu'à l'aube. Le ciel a changé de teinte sans que je m'en aperçoive. Les étoiles ont fui une à une, avalées par la pâleur du matin. Mon corps est las, à vif, rongé d’épuisement. Mais mon esprit, lui, est en feu. Un feu froid, affamé, comme si quelque chose de fondamental avait été brisé en moi, ou peut-être éveillé.Je suis partie sans un mot. Je n’ai pas refermé la porte. Je n’ai pas osé. Il était encore là, assis dans son fauteuil, la coupe toujours vide. Immobile. Comme un roi en exil. Ou une bête à l’affût. Majestueux. Dangereux. Irréel. Un spectre fait de chair et de nuit.Je descendais les marches comme si j’émergeais d’un rêve. Ou d’une transe. Le monde semblait trop net, trop rapide. L’air piquait mes joues, le silence me giflait.Dans la rue, les premiers passants levaient les yeux vers le ciel. Ils cherchaient le jour, moi je portais encore la nuit. Personne ne voyait ce que je traînais sur ma peau : l’empreinte invisible de ses mains. Ses ongles dan
IsadoraJe n’ai pas dormi.Pas vraiment. Pas comme avant.Le Casino s’est vidé, les musiques se sont tues, et pourtant, dans ma tête, tout tourne encore.Adrien de Vallières.Ce nom ancien qui claque comme une épée dans un monde de parvenus.Un nom qui coupe. Un nom qui règne.Je suis rentrée chez moi à l’aube, robe froissée, talons à la main, cheveux défaits.Le vert n’avait pas suffi à le faire rester.Mais ses mots…Ils sont restés plantés dans ma peau comme des aiguilles.— Vous croyez savoir ce que vous cherchez.Non.Je ne sais rien.Je sais juste que pour la première fois, je n’ai pas contrôlé.Pour la première fois, ce n’est pas moi qui ai tendu le piège.Je veux comprendre ce qu’il a vu en moi.Je veux savoir pourquoi ses yeux m’ont brûlée.Je veux… sentir encore ce frisson.Je le cherche.Trois jours. Trois nuits.Je retourne au Casino, seule, maquillée comme une provocation.Rouge à lèvres carmin. Fard charbonneux.J’entre dans chaque pièce comme on entre en guerre.Chaque