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Chapitre 6 – L’embrasement

Author: L'invincible
last update Huling Na-update: 2025-06-22 17:16:44

Isadora

La liqueur rougeâtre brûle ma gorge comme une flamme vive. Un frisson court le long de ma colonne vertébrale, comme si une force ancienne s’éveillait en moi, réclamant son dû. Autour de moi, les silhouettes masquées semblent s’incliner en une révérence silencieuse, témoins d’un rite aussi vieux que le temps lui-même. Chaque regard derrière ces masques, aussi impassible soit-il, pèse sur moi comme un jugement sourd.

— Vous sentez ça ? Sa voix est là, proche, derrière moi, rauque et pleine de promesses.

Je me retourne lentement. Lui. Toujours lui. Sa présence est une ombre familière qui s’insinue sous ma peau, une chaleur autant qu’une menace. Cette ambivalence me déchire, mais je ne peux fuir.

— Oui, je sens. Le feu. Celui que je ne peux fuir.

Son regard brûle le mien, un duel silencieux entre maîtrise et chaos. Il y a en lui quelque chose d’indomptable, de sombre, qui m’effraie autant qu’il m’attire.

— Ce feu ne vous consumera pas si vous apprenez à le dompter. Mais il vous dévorera si vous faiblissez.

Je serre les poings, refusant d’être cette proie fragile qu’il semble entrevoir.

— Je ne faiblirai pas.

Un sourire en coin, presque cruel, étire ses lèvres. Il sait, il sent que ce combat est loin d’être gagné.

— Pourtant, le chemin est semé d’épreuves. Ce que vous avez vécu n’est qu’un début.

Il fait un pas de côté, me guidant vers le centre de la pièce. La lumière est tamisée, mais j’aperçois les détails : des chaînes qui pendent, des étoffes sombres, des instruments dont je ne connais ni la fonction ni la destination. L’atmosphère est lourde, saturée d’une tension palpable.

— Ici, Isadora, on ne ment pas au feu. On ne cache rien.

Une silhouette se détache alors de l’ombre. Une femme, grande, élancée, dont le masque d’argent semble refléter chaque étincelle dans la pièce. Sa voix s’élève, claire, autoritaire.

— Vous avez franchi la porte de la Part du Feu. Vous entrez dans une confrérie d’élus, où chaque secret est une flamme à entretenir ou à laisser mourir.

Je l’écoute, suspendue à ses mots, consciente que ce que j’ai toujours fui est là, tangible, devant moi.

— Mais ce feu, ajoute-t-elle, n’est pas seulement destruction. Il est création, renaissance. Ceux qui maîtrisent la douleur créent la lumière la plus pure.

Son regard me transperce. Je vois dans ses yeux l’écho de mes propres batailles, des cicatrices que je ne porte pas encore mais que je devrai accepter.

— Montrez-nous, Isadora, que vous n’êtes pas une flamme futile.

Un silence pesant suit sa déclaration. Tous les regards convergent vers moi, une chaleur diffuse s’étendant comme une vague prête à m’engloutir. Je sens mon cœur s’emballer, la pression devenir presque insoutenable.

Je ferme les yeux, je respire. Je puise au plus profond, à cette part de moi que je croyais éteinte, mais qui brûle encore, obstinément.

— Je suis prête, dis-je enfin, la voix ferme malgré le tremblement qui la traverse.

Un murmure parcourt l’assemblée, comme un souffle de vent dans un bois sec.

Il s’avance à mes côtés, ce roi du silence, ce maître des ombres. Sa main serre la mienne, ferme, sans douceur, mais avec une force indéniable.

— Alors, suivez-moi.

Nous traversons la pièce, puis un passage étroit dissimulé derrière un rideau de velours noir. L’air devient plus chaud, plus dense, chargé de parfums enivrants, d’encens et de promesses. Chaque pas semble résonner dans le silence, une cadence obsédante qui creuse le sillon du doute dans mon esprit.

Le corridor débouche sur une salle aux murs couverts de miroirs antiques. Mon reflet se démultiplie, fragmenté, morcelé, comme autant de possibles versions de moi-même. Je me surprends à fixer ces multiples visages, cherchant celle qui me guidera.

— Ici, Isadora, vous affronterez votre propre feu.

Il s’arrête devant un cercle tracé à même le sol, incrusté de symboles anciens, oubliés. La magie ancienne semble vibrer sous mes pieds.

— Regardez-vous, dit-il doucement. Pas seulement avec les yeux, mais avec l’âme.

Je fixe mon reflet. Je vois mes peurs, mes doutes, mes blessures. Mais aussi cette flamme brûlante au centre de mon être, ce feu qui refuse de mourir. Je vois une femme à la fois fragile et indomptable, blessée mais debout.

— Ce feu, c’est votre vérité. Elle peut vous sauver ou vous détruire.

Je ferme les yeux, puis les rouvre avec une résolution nouvelle. Le silence se fait plus profond, comme si le monde retenait son souffle.

— Que faut-il faire ?

— Danser avec le feu. L’apprivoiser. Le laisser vous consumer juste assez pour renaître plus forte.

La femme au masque d’argent revient, portant une cape de velours rouge. Elle déploie la cape devant moi, invitante.

— Enfilez-la.

Je tends la main, hésitante, puis la passe dans le tissu soyeux. Le contact est chaud, presque vivant, comme une peau qui s’adapte à la mienne. Un frisson m’envahit, un mélange de peur et de puissance.

— Cette cape est un symbole. Elle vous lie à la Part du Feu, à ses lois et à ses mystères.

Un murmure d’approbation s’élève, les masques hochant la tête.

— Mais prenez garde, Isadora. La Part du Feu ne pardonne pas les faiblesses.

Je sens une sueur froide glisser dans mon dos, mais mon regard reste fixé devant moi, défiant l’obscurité.

— Je ne fuirai plus.

Il m’entraîne doucement vers le centre du cercle. La musique commence, une mélodie lente, hypnotique, qui s’infiltre dans mes veines. Les notes résonnent comme un battement primitif, une invitation à se perdre pour mieux se retrouver.

Je sens le feu monter, crépiter, danser au rythme de mes battements de cœur. Chaque mouvement est un défi, une déclaration.

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