Marco
Le lendemain matin, je me lève tôt, une sensation d’angoisse sourde me saisissant dès que j’ouvre les yeux. Je n’ai dormi que quelques heures, mais ma tête est pleine, saturée de pensées contradictoires. Les événements des dernières semaines s’enchaînent à une vitesse effrayante, et aujourd’hui, je sais que je dois affronter ma réalité. Je ne peux plus repousser cette décision. La peur me ronge, mais une part de moi est épuisée, prête à tout accepter pour voir un peu de lumière dans cet abîme financier qui semble engloutir ma vie.
Je passe une main dans mes cheveux, scrutant mon reflet dans le miroir de la salle de bain. L’homme que je vois n’est plus celui que je connais. Le temps m’a volé quelque chose de précieux, un morceau de moi-même que je ne retrouverai jamais. Ce visage fatigué, ces yeux presque vides… Ils racontent l’histoire d’un homme qui a perdu sa place dans le monde. Chaque journée qui passe m’enfonce un peu plus dans cette spirale infernale, un tourbillon de culpabilité et de désespoir qui menace de m’engloutir.
Claire, comme d’habitude, est déjà partie au travail. Elle se lève tôt pour s’occuper de Sarah, notre fille, avant de partir. Je sais qu’elle s’inquiète. Elle voit que je suis plus absent, plus distant, comme si je me trouvais dans un autre monde, un monde qui n’est plus le mien. Mais elle ne comprend pas encore à quel point la situation est grave pour moi. Elle n’a pas encore perçu la profondeur de mon désespoir, ce vide qui me ronge de l’intérieur.
Le téléphone vibre sur la table. Je jette un coup d’œil à l’écran et vois le nom d’Émilie s’afficher. Une bouffée de chaleur me monte aux joues. C’est elle. Cette simple notification fait battre mon cœur plus fort, me rappelant cette offre qui hante mon esprit. Ce message ne demande pas de réponse, il m’invite, avec insistance, à faire mon choix.
Bonjour Marco, j’espère que vous avez pris votre décision. Nous vous attendons si vous êtes prêt à nous rejoindre. Nous vous promettons que cela pourrait changer votre vie. À très vite. Emilie.
Je fixe l’écran, mon cœur battant plus fort à chaque mot. Cela fait des jours que j’y pense, que je pèse le pour et le contre. L’argent, le confort, la vie facile que je pourrais offrir à ma famille. L’idée de ne plus avoir à me soucier de demain, de respirer enfin sans cette pression constante de l’incertitude. Mais à quel prix ?
Je me lève de la table, le téléphone toujours à la main, et me dirige vers la fenêtre. Je fixe le monde extérieur, un monde que j’ai longtemps connu, mais qui semble désormais si lointain. Les gens se hâtent pour le travail, plongés dans leurs vies, leurs préoccupations. Ils n’ont aucune idée de ce qui se passe dans ma tête, de ce que je ressens. Moi, je ne suis plus qu’un étranger dans cette vie qui m’a jadis paru familière.
Claire et Sarah ne comprendraient jamais. Je me répète sans cesse que c’est pour elles que je fais cela. Pour qu’elles n’aient jamais à se soucier de l’argent, pour qu’elles aient tout ce qu’elles désirent. Mais chaque pensée à ce sujet semble plus sombre que la précédente. Chaque argument rationnel que je me donne ne fait que renforcer l’angoisse, ce malaise qui m’envahit.
Tu dois faire quelque chose, Marco. La voix de Claire résonne dans ma tête, pleine d’espoir mais aussi d’inquiétude. Elle veut que je m’en sorte, mais cette pression, cette attente, pèse sur moi comme un fardeau. Que puis-je faire d’autre, sinon accepter cette offre ? C’est la seule voie qui semble encore ouverte, la seule possibilité de me sortir de ce marasme.
Les images de ma vie avant cette spirale infernale me reviennent soudainement. Le sourire de Claire, la petite main de Sarah que je tenais quand elle était bébé, les moments simples et heureux que j’ai oubliés sous le poids de la culpabilité et de l’incertitude. Ces souvenirs sont comme des éclats de lumière dans une nuit noire, mais ils appartiennent à un autre temps, à une autre vie. Cette vie… je ne suis plus sûr de pouvoir la retrouver.
Le téléphone vibre à nouveau. Cette fois, c’est un appel. Émilie. Je ferme les yeux une seconde, essayant de me préparer à ce qui va suivre. Puis je prends une profonde inspiration et décroche.
— Allô, Marco ? Sa voix, toujours calme, résonne dans l’appareil. Je voulais savoir si vous êtes prêt à nous rejoindre. Nous avons plusieurs clients qui attendent un homme comme vous. C’est une chance unique, et vous pourriez vraiment changer votre vie. Croyez-moi, vos doutes sont normaux, mais une fois que vous aurez franchi le pas, vous ne regarderez plus en arrière.
Je me sens perdu. Chaque mot qu’elle dit semble avoir du sens, mais quelque chose au fond de moi hurle que je me dirige droit vers l’inconnu, un chemin dont je ne reviendrai peut-être jamais. Pourtant, cette sensation d’opportunité, de pouvoir enfin avoir ce que je veux, de reprendre le contrôle, m’attire comme un aimant. L’idée d’un avenir plus stable, plus confortable, où mes soucis financiers disparaissent… Je sais que c’est le seul moyen de m’en sortir. Mais à quel prix ? Qu’allais-je sacrifier pour cela ?
Je pose mon téléphone sur la table, ferme les yeux un instant, et laisse le poids de ma décision m’envahir. Claire, Sarah… Que leur dirais-je si je me lance dans cette voie ? Comment leur expliquer que j’ai choisi d’entrer dans ce monde de l’ombre pour leur offrir une vie meilleure ? La culpabilité me dévore. Mais je sais que je ne peux plus revenir en arrière. Je n’ai plus le choix.
Le téléphone vibre de nouveau. Cette fois, c’est Claire qui appelle. Je me tends, hésite, puis décide de répondre.
— Allô ? Ma voix est presque timide, comme si j’étais déjà coupable de quelque chose.
— Marco, tu ne me caches rien, n’est-ce pas ? La voix de Claire est douce, mais je perçois une pointe de suspicion. Tu as l’air bizarre ces derniers temps, comme si quelque chose te tracassait. Si tu veux en parler, je suis là. Tu sais que je veux qu’on s’en sorte ensemble.
Je serre les dents, une boule de stress se forme dans ma gorge. Je ne peux pas lui dire la vérité, pas maintenant. Je suis trop perdu pour lui expliquer ce qui se passe réellement dans ma tête. Comment lui dire que je suis prêt à tout risquer pour échapper à cette angoisse ? Je n’arrive même pas à l’admettre à moi-même.
— Non, ça va, Claire. Je… j’ai juste un peu de stress. Mais je vais m’en sortir. Tout va bien.
— D’accord, mais… Elle semble encore hésiter. Si tu as besoin de parler, je suis là. N’oublie pas ça.
Je raccroche, le cœur lourd. J’ai l’impression d’être pris au piège dans un dédale de mensonges et de décisions irréversibles. Je suis à un tournant de ma vie, et je sais que ce que je choisis aujourd’hui déterminera l’homme que je deviendrai demain.
Je me lève, prends mon manteau, et me dirige vers la porte. Je n’ai plus de temps à perdre. La décision est prise. Je dois accepter l’offre. Je n’ai plus d’autre choix. Je me rends dans un café, m’assois seul à une table, et prends mon téléphone en main. Mes doigts tremblent légèrement alors que je compose le numéro d’Émilie. Il faut que ce soit fait, qu’il n’y ait plus de retour possible.
— Allô, Émilie ? Je prends une profonde inspiration avant de parler. Je suis prêt.
Un silence se fait de l’autre côté du fil, puis sa voix, plus douce que jamais, répond :
— Bienvenue à bord, Marco. Vous ne le regretterez pas.
MarcoJe reste immobile devant le grand miroir de la chambre, comme si je cherchais à me convaincre moi-même. Le reflet me renvoie l’image d’un homme qui n’est plus vraiment moi. Le costume sombre épouse ma carrure, mes cheveux soigneusement coiffés brillent sous la lumière tamisée, et mes traits paraissent plus durs qu’avant, comme si ce métier avait déjà creusé des lignes invisibles sur mon visage.Je me force à sourire à mon reflet, mais ce sourire n’a rien de naturel. C’est un masque. Une promesse silencieuse : je suis l’homme que tu attends.La poignée de la porte tourne. Mon cœur accélère. Je redresse les épaules, le souffle suspendu.Elle entre.Et aussitôt, la pièce change de dimension.Ses longs cheveux noirs glissent sur ses épaules comme une rivière nocturne. Sa robe rouge, ajustée à la perfection, semble faite pour embraser le regard. Ses talons claquent doucement sur le sol, chaque pas résonne comme une provocation. Elle ne baisse pas les yeux. Elle me jauge.— Marco ?Sa
MarcoLes jours suivants, je me laisse happer par le rythme effréné de ce nouveau travail, comme si je n’avais plus vraiment le choix. Chaque mission m’engloutit un peu plus, chaque rencontre m’entraîne dans cette existence parallèle où les règles sont simples, presque brutales : l’argent contre ma présence, le corps contre la chaleur d’un regard ou d’un sourire. Et plus le temps passe, plus je deviens habile, plus je m’installe dans ce rôle. C’est comme si mon corps avait appris par cœur la chorégraphie de ce métier. Je souris au bon moment, je pose ma main avec la juste douceur, je retiens mes silences comme des promesses. J’apprends à être ce que les autres attendent de moi.Et je deviens bon. Trop bon.Chaque contrat m’offre une somme qui aurait pu bouleverser ma vie d’autrefois, mais qui maintenant ne me paraît plus qu’une suite de chiffres sans saveur. L’argent s’accumule, abstrait, irréel, et pourtant je continue à le poursuivre comme un drogué court après sa dose.Pendant ce t
MARCOLes jours qui suivent ne sont qu’un tumulte. Je vis dans un tourbillon de contradictions. D’un côté, Claire. Ses yeux qui fouillent les miens, ses silences lourds, ses questions auxquelles je ne sais plus répondre. Elle m’attend, elle m’espionne presque, espérant que je lui donne une bribe de vérité. Et de l’autre… ce monde parallèle. Une vie où l’argent coule à flots, où les désirs des autres deviennent ma réalité, où chaque mission me rapproche d’un luxe que je n’aurais jamais cru possible.Mais à quel prix ?Chaque geste quotidien devient une torture. Le matin, je croise Claire dans la cuisine. Ses doigts serrent une tasse de café, son regard se détourne de moi comme si j’étais déjà absent. Je veux lui parler, mais les mots s’étouffent dans ma gorge. Alors je fuis. Je prétexte un rendez-vous, une urgence. Et elle reste là, seule, dans la lumière pâle du jour qui se lève.Ce matin-là, je finis une nouvelle fois par m’échapper. Je me retrouve dans ma voiture, garé à un feu roug
MARCOQuand je rentre chez moi ce soir-là, une lourde sensation de vide m’envahit. La porte de l’appartement est toujours la même, la poignée froide sous ma main, le parquet légèrement grinçant dans l’entrée. Le hall a l’odeur familière du café du matin, un mélange de lessive et de chaleur domestique. Tout semble… normal. Trop normal. Comme une scène de théâtre parfaitement en place.Mais moi, je sais que c’est faux. Rien n’est normal. Rien.Ce que je viens de vivre, cette transformation, ce masque que j’ai porté… ça m’écrase. Chaque détail de ma vie d’avant me paraît fade, insignifiant, presque grotesque. Le canapé, les cadres aux murs, les jouets de ma fille encore éparpillés près du salon… ce sont des vestiges d’une existence qui ne m’appartient plus vraiment.Je n’ai même pas franchi le seuil du couloir que sa voix fend l’air. Claire.— Alors, comment s’est passée ta journée ?Elle m’appelle depuis la cuisine. Sa voix est claire, familière. Une voix qui m’a longtemps rassuré. Mais
MARCOJe me réveille tôt, les mains moites, le cœur battant trop vite. Pas une minute de sommeil. Mes pensées ont tourné en rond toute la nuit, oppressantes, insupportables. Le café que je prépare ne fait rien pour calmer l’angoisse qui me colle à la gorge. Mes doigts tremblent autour de la tasse.Le téléphone vibre. Je sursaute. Un message de Claudia. Trois phrases sèches, tranchantes. Ce soir. Première cliente. Hôtel Orion. Sois prêt.Je relis. Et soudain tout se complique. J’ai la bouche sèche, un goût métallique sur la langue.Je passe la journée enfermé dans un brouillard. Je me change trois fois, incapable de me décider. Finalement, chemise noire, pantalon sobre, parfum discret. J’ai l’impression de me costumer pour un rôle qui me dépasse. Pas d’hésitation, pas de peur. Voilà ce qu’elle attend de moi. Mais à l’intérieur, je suis une plaie ouverte.Quand j’arrive à l’hôtel, mes jambes sont lourdes comme du plomb. Le hall est vaste, saturé de marbre et de lumière. Trop propre, tro
MarcoJe ne sais pas trop à quoi m’attendre. Après avoir accepté l'offre de l’agence, je me retrouve maintenant devant un bâtiment imposant, en plein cœur du quartier le plus chic de la ville. L’architecture moderne et glacée m’intimide, comme si le luxe m’écrasait de son poids. Mon cœur bat plus fort à chaque pas, mais je n’ai pas d’autre choix que d’avancer. Les rues pleines de gens en costume, les voitures de luxe garées sur le trottoir… tout cela semble tellement loin de ma vie actuelle. J’ai l’impression de me glisser dans un monde qui ne m’est pas destiné, un monde que je n’ai jamais vraiment connu, mais qui m’appelle d’une manière étrange.En entrant dans le hall de l'agence, l’atmosphère me frappe immédiatement : c'est un calme glacé . Tout ici respire la perfection, l’ordre, et une froide efficacité. La réceptionniste, une jeune femme aux cheveux impeccablement coiffés et au regard neutre, me regarde sans un mot. Elle m’indique d’un geste de la main une porte en verre, sans m