Marco
Je me lève finalement du canapé, l’esprit en ébullition. Je n’ai pas dormi de la nuit, mes pensées tournent en boucle. L’appel d’Émilie de l’agence d’escort résonne dans ma tête, comme une mélodie douce mais envoûtante, m’attirant vers une route que je n’avais jamais envisagée.
Je vais dans la cuisine, prends une tasse de café brûlant et m’assois à la table. Claire est déjà partie au travail, comme d’habitude, pressée, absorbée par ses propres préoccupations. Elle ne remarque plus les détails. La tension dans l’air, les silences lourds qui s’installent entre nous chaque soir. Elle s’inquiète pour notre avenir, mais moi, je sens que ma lutte intérieure devient de plus en plus violente.
Depuis des semaines, je cherche un moyen de sortir de cette impasse financière. Mais tout m’échappe. J’envisage toutes les options : reprendre des études, chercher un autre travail dans un autre secteur, déménager… Mais rien n’avance assez vite. Mes économies fondent comme neige au soleil. Chaque jour sans solution devient plus insupportable. Et puis… il y a cette offre.
Je pose ma tasse sur la table, les mains tremblantes. Je m’étonne de constater combien cette proposition d’Émilie me paraît raisonnable, même si une voix intérieure crie que c’est un chemin dangereux. Mais l’argent, le luxe, la facilité… tout est à portée de main. Je n’ai même pas à chercher. Je peux avoir tout cela en échange de quelques heures de travail. Rien de plus. Et, me dis-je, qui saura ce que je fais derrière ces portes closes ?
Le téléphone vibre sur la table. Je n’ai même pas besoin de regarder l’écran pour savoir qui c’est. Émilie, bien sûr. Elle ne perd jamais de temps. Je prends une profonde inspiration et décroche.
— Marco, j’espère que vous avez pris votre décision. Sa voix est calme, mais pleine de cette assurance qui se lit même à travers un simple appel téléphonique. Nous avons une place pour vous. Je pense que ce travail pourrait être exactement ce dont vous avez besoin.
J’hésite. Mon instinct crie de raccrocher immédiatement. Mais une autre partie de moi, plus pragmatique, fatiguée de lutter contre un monde qui m’échappe, m’incite à continuer cette conversation.
— Je… je suis encore hésitant, Émilie. Ma voix trahit une incertitude que je n’ai pas envie d’admettre, mais je n’ai pas d’autre choix que de l’exprimer. Je ne sais pas si ce genre de travail me correspond.
— Marco, il n’y a rien à craindre. Je peux presque l’imaginer sourire de l’autre côté du téléphone. Vous ne faites rien de mal. Vous offrez simplement un peu de votre temps. C’est un marché équitable, et c’est un domaine qui regorge d’opportunités. Nous avons une clientèle fidèle, et vous pourriez devenir l’un des meilleurs.
Je me lève et m’approche de la fenêtre. Le monde extérieur semble si paisible, indifférent à mes tourments. Mais moi, je suis pris dans un tourbillon de désespoir et d’espoir, une confusion totale. Je ferme les yeux, luttant contre l’envie de tout laisser tomber et de céder à cette proposition.
— Je vais réfléchir encore un peu. Je raccroche brusquement avant qu’Émilie n’ait le temps de répondre.
Mes doigts tremblent. Que fais-je de ma vie ? Un mois auparavant, j’étais un homme d’affaires respectable, un mari aimant, un père dévoué. Aujourd’hui, je ne suis plus qu’un homme perdu, désespéré, qui regarde son monde s’effondrer. J’ai besoin d’une bouée de sauvetage. J’ai besoin de tout cela. L’argent. Le luxe. Le confort. La sécurité. Je veux offrir cela à ma famille, mais à quel prix ?
Claire… elle ne me comprendrait jamais.
Je sais qu’elle ferait tout pour m’empêcher de prendre cette route. Elle s’accrocherait à ses principes, à ses valeurs. Mais moi, je ne suis plus certain de ce qui est juste ou faux. Je ne suis plus sûr de rien.
Je m’assois à la table et allume mon ordinateur. Le nom de l’agence apparaît sur l’écran. J’ouvre une nouvelle fenêtre de navigation et cherche des informations sur cette société mystérieuse. Rien d’incriminant. Des avis plutôt positifs, des témoignages d’anciens employés satisfaits de leur expérience. Tout semble en ordre, presque trop parfait.
Mon esprit tourne en rond. Les chiffres qui défilent à l’écran sont hypnotiques. Les salaires proposés sont cinq fois supérieurs à ce que j’aurais gagné dans un emploi classique. L’idée d’une vie sans soucis financiers, d’une liberté totale… Il y a quelque chose de séduisant dans ce mode de vie. Mais en même temps, j’ai peur de me perdre, de me déshumaniser. Mon corps, mes désirs, mon image… tout serait mis à disposition d’inconnus. Tout ce que j’ai connu jusque-là semble remis en question.
Je ferme l’ordinateur d’un geste brusque.
Une décision s’impose à moi, et je le sais : je dois sortir de cette spirale. Mais je ne suis pas sûr de la direction à prendre.
Le soir arrive. Claire rentre du travail, fatiguée, les yeux cernés. Elle m’adresse un sourire las, mais je perçois l’inquiétude dans son regard.
— Alors, tu as trouvé quelque chose ? demande-t-elle d’une voix douce.
Je n’ai pas le courage de répondre. Je baisse la tête, me concentre sur mon café froid. Claire s’assoit en face de moi, pose son sac sur la table.
— Marco, on ne peut pas continuer comme ça. Sa voix tremble. Je sais que c’est difficile pour toi, mais il faut qu’on trouve une solution. Elle prend ma main, cherchant mon attention. Tu dois faire quelque chose.
Je la regarde dans les yeux, et je sais qu’en un sens, j’ai déjà fait mon choix. Je dois agir. Mais la route que je vais emprunter est incertaine, et je ne sais pas si je pourrai revenir en arrière.
La tentation est forte. L’avenir semble tout tracé, mais à quel prix ?
Je me lève brusquement,
prends mon téléphone et compose le numéro d’Émilie.
MarcoLes jours qui suivent sont tendus, comme une corde qu’on étire jusqu’à l’éclatement. D’un côté, je me sens plus léger , comme si j’avais déposÉ un sac trop lourd et de l’autre, le vide du passé me frappe à chaque moment de solitude. J’ai effacé Claire de mon téléphone, mais elle n’est pas sortie de ma tête. Sa phrase me revient en boucle : je vais de l’avant. Et moi ? Est‑ce que j’avance vraiment, ou est‑ce que je reste figé à regarder les débris de ma vie ?Je me réveille tôt, sans repère. La routine qui me tenait en équilibre a disparu; il ne reste que des heures vides à remplir. Pendant des mois j’ai laissé le vent me pousser, je me suis laissé porter par des choix sans réfléchir. Aujourd’hui le vent se calme et je dois décider, enfin, quelle direction prendre. La clarté me brûle autant qu’elle me libère.Le travail me hante. Comment reprendre après avoir tout abandonné , famille, stabilité, dignité ? La question me prend à la gorge, mais une idée germe : revenir à quelque ch
MarcoLes jours suivants sont marqués par un mélange d’angoisse et de résolution. Chaque décision que je prends me rapproche inexorablement d’un tournant. Je n’ai pas retrouvé ma famille, je n’ai rien réparé avec Claire, mais je sens au fond de moi qu’il faut avancer, coûte que coûte. Ce retour à la réalité me donne la nausée et, en même temps, une étrange clarté : je dois me confronter à moi-même, maintenant.Je sors de l’hôtel et je passe mes journées à errer dans des cafés, des parcs, à croiser des visages qui ne me reconnaissent pas. Je force les rencontres, j’accepte la normalité même quand elle me bouscule. La ville me semble à la fois cruelle et consolante : un lieu où tout peut recommencer si je suis prêt à accepter la chute. J’ai été l’artisan de ma déroute , le luxe, les promesses vides, les choix égoïstes , et il ne sert à rien d’en vouloir au monde. Il faut reconstruire, pierre après pierre.Le travail revient comme une possibilité, fragile mais réelle. Après la conversati
MarcoJe ne sais pas si j’ai pris la bonne décision, ni si cela va changer quelque chose. Mais après l’appel avec ma patronne, un poids semble s’être allégé de mes épaules. Une décision est prise, même si elle me laisse dans l’incertitude. Je viens de couper le dernier lien qui me retenait dans ce monde, et bien que je ne sois pas sûr de ce que l’avenir me réserve, il y a quelque chose de profondément libérateur dans cet acte.Je me lève de la chambre d’hôtel, sentant la nécessité de bouger, de faire quelque chose pour m’ancrer dans une réalité différente. À l’extérieur, la ville semble plus vivante que jamais. Les gens passent sans me voir, dans une routine implacable, comme si tout autour de moi continue sans se soucier de ma propre existence. Mais moi, j’ai décidé de changer. Même si je ne sais pas encore dans quelle direction ce changement va me mener, je sais que chaque minute qui passe me rapproche d’une nouvelle version de moi-même.Je marche sans but, flânant dans les rues, me
MARCOJe ne sais pas pourquoi je suis encore là.À errer dans cet hôtel anonyme, à fixer les lumières tremblantes des néons à travers la vitre, comme si quelque chose, dehors, pouvait encore me sauver. Mais tout semble flou, irréel. Le monde m’échappe. Et moi, je ne suis plus qu’un corps sans direction, un souffle qui flotte entre deux vies.Je ne me reconnais plus.L’homme que j’étais s’est dissous dans la fatigue, dans les mensonges, dans la fuite.Celui que Claire a aimé, celui qui riait, qui croyait à la simplicité, à l’amour sincère, n’existe plus.Je suis devenu ce que je craignais : un produit de mes erreurs, un pion dans un jeu que je ne contrôle plus.Je me revois, autrefois, croyant que tout pouvait s’acheter.Que la reconnaissance, le luxe, la réussite suffiraient à combler le vide.Mais ce vide-là, je le ressens plus que jamais.Il est là, assis à côté de moi, invisible, mais présent, lourd, froid.Je reste longtemps immobile, dans cette chambre trop silencieuse.Le drap f
MARCOLe matin se lève, mais aucun rayon ne traverse vraiment le jour. Tout semble suspendu, figé dans une lumière blafarde. J’ai la sensation d’être un spectre, un fantôme errant dans ma propre vie. L’air est lourd, saturé d’un silence qui pèse sur ma poitrine. Et dans ma tête, une phrase tourne en boucle, gravée comme une brûlure :Je pense qu’on devrait prendre des chemins séparés.Les mots de Claire. Froids. Nets. Inévitables.Elle a parlé. Et dans sa voix, j’ai entendu la fin d’une histoire que je n’ai pas su protéger.Je me lève sans énergie. Mon corps obéit par habitude, pas par volonté. L’appartement est silencieux, trop ordonné. Chaque meuble, chaque souvenir semble me juger. Les murs eux-mêmes me rappellent celui que j’étais.Un homme qui croyait contrôler le jeu.Un homme qui se croyait libre.Un homme qui a tout perdu.Je traverse les pièces lentement, en m’accrochant à des gestes inutiles , ranger un verre, déplacer un livre, essuyer une surface déjà propre. Rien n’a de s
MARCOLes jours suivants ne sont qu’une succession d’attentes, de silences et de doutes.Après ma rencontre avec Claire, tout s’est figé.Aucune nouvelle. Aucun message.Seulement ce vide, lourd et étouffant, qui s’infiltre dans chaque respiration.Je m’étais attendu à une délivrance, à une sorte de légèreté après les mots échangés.Mais rien.Rien n’a changé.Si je suis honnête avec moi-même, je sais que la rupture n’était pas qu’une possibilité.C’était déjà un fait.Ce n’était pas une crise à surmonter, pas une tempête passagère.Non. Claire avait vu ce que je refusais d’admettre : les fissures.Celles qui ne se referment jamais.Je passe mes journées à errer dans mes pensées, incapable de me concentrer.Le travail devient un poids de plus, un mécanisme pour ne pas sombrer.Et pourtant, au milieu de ce chaos, une image revient sans cesse : celle de ma fille.Son regard, sa voix, son absence.Je me demande ce qu’elle pense de moi maintenant.Est-ce qu’elle me voit encore comme un pè