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Chapitre 45 — Les premières fissures

Author: Déesse
last update Last Updated: 2025-10-07 03:17:34

Marco

Le soir tombe et la maison s’enveloppe d’un calme artificiel, comme une couverture trop fine pour cacher l’orage. Claire prépare le dîner en silence, ses gestes précis, presque mécaniques. On dirait qu’elle cherche à étouffer le bruit de ses pensées dans le cliquetis des assiettes. Sarah, d’ordinaire si joyeuse, tente de meubler l’air de ses histoires de la journée. Mais même sa voix résonne faux, comme un rire brisé dans une pièce vide.

Je me sens coincé entre deux mondes. D’un côté, cette vie avec Claire, cette promesse de reconstruction, d’avenir apaisé. De l’autre, Marissa. Ce passé que je croyais enterré mais qui m’aspire à chaque instant. La culpabilité pèse, de plus en plus lourde, tissant ses nœuds dans ma poitrine. Tout devient un enchevêtrement que je ne parviens plus à démêler.

Claire, fidèle à son masque, reste calme pendant le repas. Mais ses yeux me suivent. Par instants, elle me lance des regards furtifs, comme si elle guettait une vérité prête à éclater. Quelle v
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    Deux ans.Le temps n'a pas tout guéri, mais il a pansé les plaies les plus vives, transformant les cicatrices en souvenirs, doux-amers, mais acceptés.Je ne vis plus dans la villa. Elle était devenue trop grande, trop chargée du fantôme de l'homme que j'avais été. Je l'ai vendue. L'argent a servi à autre chose.Henri et moi, nous avons monté notre petite affaire. « Atelier Marco & Henri ». Nous réparons. Des charpentes qui menacent de s'effondrer, des parquets qui grincent, des âmes de maisons fatiguées. Nous n'employons pas de jargon marketing. Notre réputation se fait par le bouche-à-oreille. On dit de nous que nous sommes lents, chers, mais que notre travail tient. Comme les fondations sur lesquelles nous bâtissons.Je vis dans un appartement, plus modeste, près de l'atelier. Il y a des livres qui traînent, de la poussière parfois, une guitare que j'apprends à jouer maladroitement. Il y a de la vie. Ma vie.Ce soir, c'est vendredi. Le soir que Sarah passe avec moi.Elle a huit ans

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    Marco Les jours qui suivent sont étrangement calmes. La visite de Claire et Sarah a laissé une empreinte dans la maison, une vibration subtile qui persiste, comme la note tenue d'un diapason. Le verre de jus de fruit est toujours sur la table basse. Je ne peux pas le toucher. C'est une relique.Henri et moi attaquons la pergola. Le bois est vieux, certaines poutres sont pourries. Il faut tout démonter, trier, remplacer. C'est un travail plus complexe, plus physique. Je manie la scie, le marteau, la masse. Mes mains, déjà marquées, se couvrent d'ampoules qui crèvent et se reforment. Henri est un maître exigeant. Il ne tolère pas l'à-peu-près.— Une charpente, ça doit être carré, Marco. Si les fondations sont de travers, tout le reste va suivre. C'est comme dans la vie.Je hoche la tête, concentré sur la ligne que je trace à la craie. Je suis dans l'effort, dans la précision. Penser aux poutres, aux angles, aux clous. Ne penser à rien d'autre.Pourtant, des images reviennent. Le visage

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