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Chapitre 3

Author: Léa Bailli
« Mmh… Mirabelle ! »

La voix étrange de Gervais a tiré Mirabelle de ses pensées.

Ses doigts, sans qu'elle s'en rende compte, étaient entrés dans sa bouche.

Même à travers les gants médicaux, elle a eu un sursaut - ses pupilles se sont contractées.

Elle s'est redressée d'un coup pour retirer sa main, mais le mouvement trop brusque l'a déséquilibrée. Elle a vacillé, prête à tomber de la chaise.

Une main puissante l'a alors saisie par la taille et, d'un geste sûr, Gervais l'a soulevée pour la déposer au sol.

Mirabelle a inspiré violemment, comme brûlée.

Elle l'a aussitôt repoussée, les dents serrées, retenant de toutes ses forces le cri qui montait dans sa gorge.

Mais sa nervosité était visible - son corps entier tremblait, son regard fuyait.

Et ce réflexe de recul… comme si le toucher de Gervais l'avait salie.

Le visage de Gervais, déjà tendu, s'est assombri d'un coup.

« Tu recules pourquoi ? » a-t-il craché entre ses dents.

Le cœur de Mirabelle battait à tout rompre.

Elle était nerveuse, honteuse, effrayée, et, timide et sensible - tout à la fois.

Mais plus que tout, elle craignait de l'énerver : qu'il pense qu'elle voulait se faire remarquer, qu'il la trouve répugnante… ou pire, qu'il la renvoie.

Alors elle a ravalé sa panique, a forcé sa voix à rester calme, presque glacée :

« Pardon, Monsieur. J'ai juste perdu l'équilibre. Le soin est terminé. Si vous n'avez plus besoin de moi, je vais rentrer. »

Elle s'est tournée vers la porte, si précipitamment qu'elle a failli se cogner contre le mur.

Mais à peine a-t-elle dit qu'elle partait que Gervais s'est mis à tousser violemment.

Entre deux respirations haletantes, il a murmuré d'une voix éraillée :

« J'ai faim… je veux du porridge. »

Mirabelle s'est arrêtée.

« Je vais appeler le service de maison pour qu'ils en préparent tout de suite. »

« Non. » La voix de l'homme a claqué, autoritaire.

« C'est toi qui vas le faire. »

Elle s'est figée, interdite.

Puis elle s'est retournée, un peu surprise, sans comprendre.

Gervais a eu un sourire sarcastique :

« Madame la Secrétaire Mirabelle aurait-elle oublié ses attributions après deux semaines de déplacement ? »

« Non, Monsieur. » Elle a baissé la tête.

« Je suis votre secrétaire particulière. Prendre soin de vous, c'est effectivement dans mes fonctions. Je vais le préparer. »

Elle a quitté la salle de bain, retirant ses gants en marchant, les posant sur la chaise, puis elle a relevé ses longs cheveux pour ne pas qu'ils la gênent.

En la voyant rester, Gervais a enfin senti la tension dans son corps se relâcher.

Mais la fièvre l'épuisait, il s'est affaissé dans la chaise, le souffle lourd et ralenti.

Léo est alors sorti prudemment de derrière la porte :

« Monsieur, vous voulez que je vous aide à aller vous allonger ? »

Gervais a relevé légèrement la tête. Son regard, sombre, a traversé la mèche de cheveux qui tombait sur son front.

« Comment se fait-il qu'elle soit revenue ? »

Léo a cligné des yeux, un peu pris de court. Même malade à ce point, son patron gardait l'esprit acéré.

« Mirabelle est rentrée aujourd'hui. Quand elle m'a envoyé un message pour le travail, je lui ai dit que vous étiez souffrant… »

Gervais l'a interrompu sèchement :

« Elle t'a écrit, à toi, mais pas à moi ? »

« Euh… oui, enfin… je crois. »

Un rictus a effleuré les lèvres blessées de Gervais. Il s'est renversé contre le dossier, les yeux plissés, un sourire ironique au coin de la bouche.

« Vous avez l'air très proches, tous les deux. »

Léo a blêmi. Il n'a pas su comment comprendre ce ton, ni cette expression.

« Non, Monsieur. C'était juste un échange professionnel. »

« Professionnel ? » a répété Gervais, sa voix s'enrouant dans une ironie sèche.

« Elle est censée me rendre des comptes à moi. Pas à toi. Tu veux peut-être prendre ma place ? Le secrétaire général au-dessus du président, c'est ça ? »

Des gouttes de sueur ont perlé sur le front de Léo.

« Je n'oserais jamais, Monsieur. »

Mais Gervais, d'un ton soudain plus calme, a changé de sujet :

« Dis-moi, elle savait que j'étais malade… Elle est venue d'elle-même, ou c'est toi qui lui as dit de venir ? »

Léo a hésité, muet.

Alors Gervais a compris.

Ses yeux se sont rétrécis, son expression est devenue coupante, presque blessée.

« Réponds-moi franchement. » a-t-il dit d'une voix basse, froide comme la lame d'un couteau.

Léo a fini par avouer à voix basse :

« C'est moi qui ai insisté pour que la secrétaire Mirabelle vienne, quoi qu'il arrive. »

Gervais n'a pas bougé. Quand Léo a levé timidement la tête, il a croisé un regard si sombre qu'il en a senti la peau du crâne se crisper.

« Ferme la porte. Je vais prendre une douche. »

Léo a refermé la porte de la salle de bain à toute vitesse, encore tremblant, avant d'aller chercher Mirabelle.

Sous la douche, Gervais a laissé la colère bouillir en lui. La vapeur a envahi la cabine, et du bout du doigt, il a tracé le prénom « Mirabelle » sur la vitre embuée.

« Froide, dure… » a-t-il murmuré entre ses dents serrées. « Attends un peu. Quand je saurai qui t'a envoyée pour me surveiller, je te ferai pleurer avant de te foutre dehors. »

-

Dans la cuisine, le riz bouillait doucement, dégageant un parfum chaud et apaisant.

Léo, accoudé au plan de travail, observait Mirabelle découper les légumes avec calme.

« Franchement, t'as le don. » a-t-il soufflé avec admiration. « Si t'étais pas revenue aujourd'hui, je crois que je savais plus quoi faire. »

Il a marqué une pause avant d'ajouter, avec un sourire ambigu :

« Mais faut dire que t'es un cas à part. En six ans de présidence, t'es la première femme que le patron engage comme secrétaire. Avant toi, il n'en voulait jamais. »

Mirabelle n'a pas réagi, concentrée sur ses gestes précis. Cette absence de vanité a forcé Léo à l'admirer davantage.

Il s'est penché vers elle, la voix plus basse :

« Fais attention. Il est encore plus lunatique qu'avant, ces temps-ci. »

Mirabelle a esquissé un léger sourire.

Elle avait connu le meilleur de Gervais, alors, quoi qu'il soit devenu, elle n'avait qu'un seul instinct : rester à ses côtés.

Ce n'était pas lui qu'elle devait faire attention… mais son propre cœur, qu'elle devait empêcher de trahir ce qu'elle ressentait.

« Qu'est-ce que vous fabriquez ? »

La voix rauque et glaciale a claqué dans la pièce.

Léo s'est aussitôt écarté :

« Président, je discutais simplement du travail avec Mirabelle. »

Mirabelle, le voyant en peignoir, rassurée qu'il ne prenne pas froid, n'a rien dit et a continué à couper ses légumes.

Mais Gervais a lancé un regard tranchant vers Léo, avant que ses yeux ne glissent sur les bras nus de Mirabelle, découverts par ses manches roulées.

« Discuter travail, c'est nécessairement se coller si près ? T'as pas peur qu'elle t'érafle la joue avec son couteau ? »

De là où il se tenait, il les avait vus penchés l'un vers l'autre, à cette distance, Léo semblait presque frôler le visage de Mirabelle.

Et elle, elle ne l'avait même pas repoussé.

Alors que lui, tout à l'heure, avait à peine posé une main sur elle, et elle avait reculé comme si elle avait touché du poison.

La différence de traitement lui vrillait la tête.

« Elle travaille pour moi depuis six mois à peine. » a-t-il lâché d'un ton glacial. « Comment votre relation a pu devenir aussi… intime sous mes yeux ? Expliquez-moi donc ça. »

Léo a senti la sueur froide couler dans son dos ; le patron devenait vraiment imprévisible.

« Monsieur, il n'y a rien entre la secrétaire Mirabelle et moi… »

Mais Gervais n'a pas voulu écouter. Il a fait un geste agacé de la main :

« Rentre chez toi. »

Léo s'est tu, et s'est éclipsé aussitôt.

Gervais s'est approché de Mirabelle. Elle a remarqué sa présence avant même qu'il parle, et, d'un mouvement fluide, elle s'est décalée pour aller chercher des assiettes dans le placard.

Ses lèvres se sont contractées, et un gémissement lui a échappé sous la douleur.

Mirabelle s'est retournée brusquement.

« Qu'est-ce qu'il y a ? »

Il ne savait pas si elle était simplement inquiète ou si c'était autre chose, mais cette attention, si minime soit-elle, a calmé un peu la rage qui lui rongeait la poitrine.

« Toi et Léo, qu'est-ce que c'est, au juste ? »

Mirabelle voulait simplement servir le porridge, mais Gervais refusait de bouger de là.

Elle n'osait pas s'approcher, craignant qu'un geste mal interprété ne soit encore vu comme une provocation.

Alors elle a préféré rincer une nouvelle fois les assiettes propres, juste pour s'occuper les mains.

« Des collègues, rien de plus. »

Gervais s'est avancé, se plaçant dans son dos. Son regard s'est arrêté sur la nuque pâle et douce de la jeune femme. Sa gorge s'est soudain asséchée, sa langue a effleuré ses lèvres sans qu'il s'en rende compte.

« Des collègues, hein ? Et c'est normal, entre simples collègues, de prévenir Léo dès ton retour, avant même de me prévenir, moi ? »
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