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Chapitre 2

Author: Léa Bailli
Mirabelle a marqué un temps d'arrêt, s'est retournée pour prendre un coton-tige qu'elle a trempé dans une solution désinfectante spéciale pour la bouche :

« Ouvrez la bouche. »

Gervais l'a fixée d'un regard venimeux, comme un serpent prêt à frapper, et a ricané :

« Tu me donnes des ordres, maintenant ? »

Les cils de Mirabelle, baissés, ont tremblé deux fois, et sa voix s'est faite encore plus glaciale :

« Président Houard, ouvrez la bouche, s'il vous plaît. »

Gervais a brusquement changé de ton :

« Je te fais juste une remarque et tu fais la gueule ? Tu oses me faire la tête ? »

Mirabelle a lentement reposé sa main et a enfin levé les yeux vers lui. Dans son regard, se lisait un mélange de désarroi et d'épuisement.

« Si vous préférez que je ne m'en charge pas, secrétaire Léo est juste dehors. Je peux le faire entrer. »

Elle a commencé à se détourner, mais Gervais, d'un geste réflexe, a levé la main et a saisi ses longs cheveux et n'a plus lâché.

Mirabelle a laissé échapper un léger gémissement, sa tête penchée sur le côté. Ses yeux, encore froids quelques secondes plus tôt, se sont embués.

Ça lui faisait mal ?

Bien fait.

Gervais a tiré un peu plus fort sur ses cheveux, d'un ton hautain :

« C'est à toi de décider, peut-être ? »

Mirabelle a pris une longue inspiration, puis est revenue vers lui. Sans un mot, elle a attrapé le coton-tige et l'a appliqué directement sur la plaie à sa lèvre.

Elle était juste là, à portée de main. Pas besoin de la supplier : elle revenait toujours d'elle-même.

L'humeur de Gervais s'est soudainement adoucie - sans qu'il sache pourquoi - mais il n'en a pas moins continué à la provoquer :

« Ce n'était qu'un terrain, non ? Si Léo y était allé, il aurait réglé ça en une semaine. Mais toi, tu y restes deux. Secrétaire Mirabelle ne serait-elle pas un peu lente ? »

La main de Mirabelle a tremblé.

« Aïe ! »

Gervais, pris de douleur, a tiré brutalement sur ses cheveux, la ramenant presque contre lui.

« Tu l'as fait exprès ? ! » a-t-il grondé.

Mirabelle a tenté de se contenir, mais ses mains ont effleuré sa poitrine malgré elle.

Un grognement a échappé à Gervais, sa respiration devenue soudain plus lourde.

Son regard brûlant a glissé lentement de son visage jusqu'à son torse. En la voyant retirer sa main comme si elle s'était brûlée, il a baissé la tête, la mâchoire contractée, la langue pressée contre sa joue.

Il n'avait pas de peignoir. Sa peau fiévreuse réclamait ce contact froid. Cette caresse involontaire l'avait presque rendu fou.

Il en voulait plus - il voulait que ses mains glacées parcourent tout son corps…

Mais Mirabelle a reculé d'un pas, baissant les yeux.

« Pardon, monsieur. L'affaire est un peu complexe. Ce terrain implique plus de monde que prévu… »

« Ah oui ? » l'a coupée Gervais, agacé. « Ou bien t'es juste tombée sur un ancien amant dans ta bonne vieille Ville Ronille ? »

Mirabelle a brusquement levé les yeux. Son regard, indéchiffrable, a vacillé un instant. Avant qu'il ne puisse en saisir le sens, elle a détourné le visage et a tiré sur ses propres cheveux pour se libérer.

Son geste était si brusque que Gervais a aussitôt relâché sa prise. Quelques mèches arrachées sont restées dans sa main.

« Mais qu'est-ce que tu fais, enfin ? ! » a-t-il rugi.

Ces quelques cheveux dans sa paume lui ont donné l'impression qu'on venait de lui arracher un morceau de lui-même.

Mirabelle a jeté le coton-tige dans la poubelle et a tourné les talons.

« Reviens ici ! » a tonné Gervais. « T'es incapable de faire ton boulot, tu fais perdre des jours entiers à tout le monde, et je n'aurais pas le droit de te le dire ? Tu crois vraiment pouvoir me planter là comme ça ? ! »

La tête lui tournait déjà. Sa colère et la fièvre le faisaient chanceler - il s'est agrippé au lavabo, le visage fermé, les yeux brûlants.

Si Mirabelle osait sortir cette fois, il la dévorerait vivante.

Mais Mirabelle, sans un mot, est allée chercher son peignoir au pied du lit. Puis elle est revenue vers lui et l'a aidé à l'enfiler.

Le visage de Gervais, d'abord sombre, s'est peu à peu détendu à mesure qu'elle s'approchait.

Elle a ajusté le tissu autour de lui, resserré la ceinture, et pendant ses gestes, le parfum de femme a enveloppé Gervais.

Toutes les paroles acides qu'il avait sur le bout de la langue se sont évanouies.

Mirabelle a sorti un nouveau coton-tige, l'a trempé dans le désinfectant et l'a regardé calmement :

« Président, il faut désinfecter l'intérieur de votre bouche. »

Cette fois, Gervais n'a rien dit. Il s'est contenté de la fixer, puis a entrouvert les lèvres.

Mais à cette hauteur, c'était impossible : il mesurait bien un mètre quatre-vingt-dix, tandis qu'elle, même perchée sur ses talons, ne dépassait pas un mètre soixante-treize. Elle ne pouvait pas voir la plaie à l'intérieur de sa bouche.

Mirabelle l'a observé un instant, espérant qu'il se pencherait de lui-même.

Mais Gervais, fiévreux, les yeux légèrement troubles, s'est contenté de la regarder se débattre avec la situation, sans le moindre geste.

C'était volontaire. Il aimait la provoquer.

Un vrai patron tyrannique en public, mais, en privé, un sale gosse, capricieux et insupportable.

Voyant qu'il ne bougeait toujours pas, Mirabelle a baissé la main, prête à tourner.

Gervais a aussitôt changé de ton :

« Tu vas encore faire ta tête ? C'est quoi ce cirque pour une simple désinfection ? »

Mirabelle a répondu d'une voix posée :

« Vous êtes trop grand, je n'arrive pas à atteindre la plaie. Si vous ne voulez pas vous pencher, je vais chercher une chaise. »

Complètement fiévreux, Gervais n'a pas compris où elle voulait en venir et s'est même permis de se moquer :

« Et tu vas monter dessus pour me soigner, c'est ça ? Bravo. »

Sans rien répondre, Mirabelle est allée chercher une chaise et l'a posée derrière lui.

« Asseyez-vous, s'il vous plaît. »

Son sourire s'est figé un instant, puis son visage s'est assombri de nouveau.

« T'amuses pas à me donner des ordres. Monte plutôt dessus, vu ta taille, tu devrais y arriver, non ? »

Sans discuter, Mirabelle a retiré ses talons et est montée sur la chaise pieds nus.

Gervais en est resté un moment interdit. La vue de ses pieds clairs et délicats sur le velours noir du siège lui a fait tourner la tête.

Sa fièvre l'a enflammé tout entier, ses yeux déjà brûlants de fièvre ont rougi encore plus.

Il a secoué la tête, tenté de se ressaisir, mais la fièvre avait déjà brouillé sa volonté, et malgré lui, ses yeux sont restés accrochés à cette image.

Impossible de détourner le regard.

« Président Houard ? »

Mirabelle l'a appelé plusieurs fois, sans réponse. Alors, gantée, elle a relevé doucement son menton du bout des doigts.

Le contact froid l'a fait frissonner. Gervais a fermé les yeux un instant, apaisé.

En levant la tête, il a vu la courbe douce de sa poitrine juste devant lui. Sa respiration, déjà lourde, s'est faite plus âpre.

Mirabelle, impassible, a tenu son visage et a commencé à nettoyer sa bouche avec précaution.

Mais la plaie était profonde, les tissus abîmés en plusieurs endroits.

Ses sourcils se sont froncés malgré elle. Elle a tenté de cacher la douleur qu'elle ressentait pour lui, mais elle la portait dans chaque geste.

Elle s'est penchée davantage, inspectant minutieusement les blessures. Ses lèvres se sont serrées, comme pour retenir la brûlure dans sa gorge - cette boule d'émotion qui menaçait de se transformer en larmes.

En repensant à ce qu'elle avait vu tout à l'heure - cette façon violente dont il se « brossait » les dents - elle a compris. Ce n'était pas de l'hygiène. C'était de l'autodestruction.

La colère, l'inquiétude et la peine se sont entremêlées dans sa poitrine, mais elle a tout ravaler.

Elle ne pouvait rien dire. Rien montrer.

Pour qu'il lui fasse confiance, elle devait rester froide, presque distante.

Gervais souffrait d'un trouble profond : une phobie des femmes.

Le simple contact, un baiser surtout, pouvait le rendre fou - au point de se blesser lui-même.

Les traitements, les années de thérapie avaient adouci les symptômes, mais pas assez pour qu'elle ose franchir cette ligne.

Mirabelle avait attendu sept ans avant d'obtenir le droit de revenir près de lui. Et pour rester à ses côtés, elle avait dû enfermer son amour au plus profond d'elle-même.

Il ne devait jamais savoir qu'elle l'aimait depuis toutes ces années.

Encore moins qu'elle était la jeune fille qu'il avait sauvée, jadis, des mains de ces voyous.

Parce que, ce jour-là, quand elle l'avait retrouvé, pleine d'espoir, il lui avait lancé, froidement :

« Ne reviens jamais me voir. Jamais. »

Pour Mirabelle, Gervais n'était pas seulement un bienfaiteur. Il était sa rédemption.

Et l'homme dont elle était tombée amoureuse au premier regard.

Elle avait toujours été obstinée - dans ses études, comme dans ses sentiments.

Alors, malgré l'interdit, elle était revenue.

Elle avait désobéi, égoïstement, juste pour rester près de lui, alors elle ne pouvait absolument pas le laisser découvrir qui elle était.

Mais dans ses cauchemars, cette phrase revenait sans cesse.

Elle le voyait s'éloigner tandis qu'elle pleurait, le suppliant :

« Pourquoi ? Pourquoi ne veux-tu plus jamais me voir ? »

Et, à chaque fois, il disparaissait avant de répondre.
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