Je restai un instant immobile, incapable de prononcer un mot. Jason avait toujours eu ce don de me désarmer, mais ce soir, l’alcool rendait ses aveux bruts, sans filtre.— Viens, soufflai-je finalement, tirant doucement sur son bras.Il se laissa guider, titubant, et nous sortîmes dans la fraîcheur nocturne. Je hélai un taxi. Dès qu’il s’arrêta, je poussai Jason à l’intérieur. Je pris place à côté de lui.Je me demandai si c’était une bonne idée de le raccompagner à l’hôtel. Si on nous voyait entrer ensemble ? Il ne fallait pas grand-chose pour que les rumeurs se propagent… Dante entendrait parler de tout, tôt ou tard. Le ramener chez lui semblait plus sûr.— Donne ton adresse au chauffeur, dis-je doucement.Jason leva la tête vers l’homme au volant, les yeux troubles.— C’est… 14… heu… non… 48… non, attends…— L’adresse complète, Jason.Il fronça les sourcils, cherchant ses mots comme on cherche un interrupteur dans le noir.— Je crois que c’est… sur… un truc avec un arbre… rue des…
Trois jours passèrent dans une atmosphère étouffante. Dante ne parlait que lorsqu’il avait besoin d’une réponse précise. Je vivais à pas mesurés, pour éviter toute dispute inutile. Je ne parle même plus des visites intempestives d’Elena ou de la mère de Dante, qui autrefois m’avait tellement soutenue, à la maison.Ce mercredi après-midi-là, pendant que je classais les dossiers de la dernière mission de Dante, mon téléphone vibra :Mina, la manager du bar.Je n’avais pas entendu sa voix depuis des mois.— Lila ? C’est Mina. Tu as oublié quelque chose au bar.Je fronçai les sourcils.— Oublié ?— Oui… je suis tombée sur ta carte de crédit en faisant du rangement ce matin.Mon cœur manqua un battement.— Quelle carte ? Je n’ai jamais eu de carte de crédit.— Celle que tu as laissée dans l’enveloppe. Le pourboire que t’a laissé Jason Stuart. Tu sais… les cinq cent mille dollars.Cinq cent mille dollars. Mince. Je les ai complètement oubliés ? — Je… je vois, répondis-je en essayant de ga
— Très bien, dit-il. Voici les règles, Lila.Première : tu ne reverras plus jamais Jason Stuart. Pas en face, pas au téléphone, pas même par message. Pour toi, il n’existe plus.Deuxième : tu ne parleras plus de lui à quiconque. Son nom ne franchira plus tes lèvres.Troisième : tu ne remets pas en question mes décisions. Tu es à moi, et ce qui te concerne passe par moi.Je serrai les poings.— Si j’accepte, tu répares tout. Tout de suite.Son regard s’accrocha au mien. Puis il sortit son téléphone, composa un numéro et appuya sur haut-parleur.— Annulez toutes les opérations contre Stuart & Co, dit-il d’un ton sec. Rétablissez les lignes de crédit, informez les investisseurs que la société est sécurisée. Et je veux un communiqué dès cet après-midi pour calmer le marché. Compris ?Une voix à l’autre bout répondit, nerveuse :— Oui, monsieur.Il raccrocha sans un mot et rangea son téléphone.— C’est réglé.Je le fixai, incapable de bouger. Il venait de détruire une vie, puis de la répar
Une semaine s’était écoulée depuis cette nuit où j’avais sombré, brûlante de fièvre, dans les bras de Dante. Durant les premiers jours, il avait veillé sur moi presque sans relâche… jusqu’au moment où il avait dû partir en voyage d’affaires à Genève.Il m’avait laissée aux bons soins d’une infirmière. mais c’était Rachel, sa secrétaire personnelle, qui passait souvent me voir pour s’assurer que je ne manquais de rien.Cela faisait quelques jours que j’étais enfin de retour au bureau.Je n’avais pas revu Dante autrement qu’en réunion depuis mon rétablissement, et c’était peut-être mieux ainsi. Je m’étais jetée corps et âme dans le travail, préférant me noyer dans les rapports et les chiffres plutôt que dans mes pensées.Ce matin-là, alors que je rangeais quelques dossiers, Rachel s’approcha de mon bureau, un gobelet de café à la main.— T’as vu ça ? lança-t-elle d’un ton mi-inquiet, mi-curieux.Elle me tendit son téléphone. À l’écran, un article d’actualité s’affichait."La société St
— Lila… Lila, tu m’entends ?Je clignai des yeux, à demi-consciente, la tête lourde. Le visage de Dante était penché au-dessus du mien. Inquiet. Il semblait inquiet.— Pourquoi tu n’as pas demandé à un chauffeur ? Pourquoi t’es partie seule, comme ça ?J’aurais voulu lui répondre. Lui dire que j’en avais eu marre qu’il me traite ainsi. Que je n’avais pas d’argent sur moi. Mais mes lèvres étaient engourdies.— Je… n’y ai pas pensé.Il grogna doucement, plus pour lui que pour moi. Puis sans rien ajouter, il m’attrapa dans ses bras et me porta à l’intérieur de la maison comme si je ne pesais rien.Je protestai faiblement, les joues en feu.— Je… je peux marcher…— Laisse-moi faire, souffla-t-il d’un ton sans appel. Tu tiens à peine debout.Il me porta jusqu’à ma chambre, déposa mes affaires sur une chaise, et me fit asseoir sur le lit. Il passa le dos de sa main contre mon front.— Tu brûles.J’avais la gorge en feu. J’essayai de sourire mais ma vision dansait.— Je vais bien…— Tu ne va
J’attendais que le service logistique m’apporte les dossiers imprimés pour la mission. En attendant, j’ouvris le carton posé sur mon bureau : un smartphone flambant neuf. Je retirai les plastiques, insérai ma carte SIM, et laissai l’appareil s’allumer. L’écran me demanda une adresse mail. Un blanc. Pendant une seconde, je crus avoir tout oublié. Mais les automatismes reviennent vite, même après des années. Mes doigts tapèrent l’adresse presque par réflexe.À peine le téléphone activé, une pluie de notifications se déchaîna.Je savais que ce n’était pas une bonne idée. J’aurais dû me contenter de le configurer, rien de plus. Mais la curiosité… cette fichue curiosité : comme si une partie de moi avait besoin d’aller gratter là où ça fait mal. Je finis par ouvrir l’application Facebook. Je ne l’avais pas utilisée depuis si longtemps.Des visages familiers défilèrent ainsi que des statuts anodins, des photos de vacances, de mariages, de bébés. J’avais appartenu à ce monde, autrefois. Le v