LOGINJe n’avais jamais eu aussi froid de ma vie, et pourtant je ne sentais rien. Pas le sol gelé sous mes pieds nus, pas le vent qui me lacérait le visage, pas même la douleur dans mes jambes. Tout ce que je voyais, c’était Lila, son regard, ce mélange d’effroi et de dégoût, juste avant que les portes de l’ascenseur ne se referment. Une seconde, une seule, et ma vie venait de s’effondrer pour la deuxième fois.J’ai couru sans réfléchir, sans même enfiler un pantalon. J’ai dévalé les escaliers du trentième étage comme un forcené, le cœur battant si fort que j’en avais la nausée. Chaque pas résonnait dans ma tête comme un coup de marteau. Quand j’ai atteint le cinquième étage, j’ai failli m’écrouler. Vincent et Luke étaient là, encore en pleine partie de plaisir, incapables de comprendre ce qui se passait.— Bordel, qu’est-ce que tu fous, Dante ?— Lila ! Lila était là ! Elle m’a vu ! Elle m’a vu avec cette fille !Je tremblais de panique. Luke s’est figé, Vincent a cligné des yeux, incrédul
L’air de la nuit m’a giflée en plein visage dès que j’ai franchi les portes de l’immeuble. Mes jambes tremblaient, mais je courais quand même. Je ne savais pas où j’allais. Seulement qu’il fallait fuir. Loin de lui. Loin de ce que j’avais vu.Mes talons heurtaient le trottoir mouillé, l’écho de leurs claquements se mêlait à mes sanglots. Chaque pas était une brûlure. Chaque respiration, un coup de couteau dans la poitrine. J’avais la nausée. L’image de leurs corps emmêlés me revenait encore et encore — comme un film que je ne pouvais pas arrêter. Sa peau contre celle d’une autre. Ses mains. Ses soupirs. Son visage incliné, tendu dans le plaisir.Je l’ai vu. Je l’ai vu, bordel.J’ai traversé la rue sans regarder. Un taxi a freiné net, le klaxon a hurlé. Le chauffeur a crié quelque chose, mais je n’ai rien entendu. Tout autour de moi semblait étouffé, noyé sous le grondement du sang dans mes tempes.Je me suis arrêtée un instant, haletante, les bras serrés contre moi. Mes doigts se sont
Depuis des jours, je tournais en rond, incapable de prendre une décision, mais il fallait que je le fasse.J’étais enceinte. Et, même si tout en moi criait que ce n’était pas possible, le test ne mentait pas. Deux barres nettes, l’échographie indiscutables.Je m’étais demandé mille fois ce que je devais faire. Avorter, peut-être. Oublier cette erreur médicale. Mais à chaque fois que je posais la main sur mon ventre, une chaleur douce et instinctive me rappelait que, peu importe la manière, une vie était là. Et je n’avais pas la force de l’effacer.Je savais pourtant ce que signifiait ce choix : replonger dans le passé. Affronter le seul homme que j’ai vraiment aimé et que j’ai quitté pour ma liberté.Mais avant d’aller jusqu’à lui, il me fallait savoir. Si cette grossesse n’était pas un hasard. Si Dante n’y était pas mêlé. Car si c’était le cas… si c’était lui qui avait orchestré tout cela, alors il n’aurait plus jamais accès à ma vie. Ni à celle de Mila, ni à celle de Léna, ni à cell
Ma semaine avait été un enfer.— Tu sais que t’as une sale tête, Dante ?— Ferme-la, Luke.— Non, sérieux, t’as dormi combien cette semaine ?— Trois heures. Par nuit. Si on peut appeler ça dormir.— Trois heures ? Pas étonnant que t’aboyes sur tout le monde. Rachel est encore en train de pleurer dans les chiottes, tu le sais ?— Elle n’avait qu’à pas me tendre un dossier à moitié rempli.— Tu vas finir par faire une crise cardiaque, mon vieux.— Ce serait pas plus mal.— Et Vincent, il a disparu ou quoi ?— Il se planque. Depuis trois jours, pas un mot. Il sait que je vais lui arracher la tête s’il me reparle de cette foutue clinique.— T’es vraiment à bout, Dante.— Tu crois ? Regarde ce bureau, Luke. Ces dossiers s’empilent comme un rappel de tout ce que je ne contrôle plus.— Alors respire, bordel. Avant que quelqu’un y passe pour de bon.— Trop tard. Tout le monde a déjà payé le prix de ma mauvaise humeur.Le septième jour, Vincent revint.Toujours la même mine contrite.— On ne
Je n’ai pas dormi de la nuit.Pas vraiment.J’ai l’impression d’avoir passé des heures à fixer le plafond, le cerveau saturé de chiffres, de rendez-vous, de dossiers, de tout sauf de repos. Quand le soleil s’est levé, j’étais déjà assis dans le salon, chemise blanche, cravate impeccable, tasse de café vide à la main. Comme un automate.La journée avait commencé comme toutes les autres.Puis la porte de mon bureau s’est refermée derrière moi.Et j’ai cru que j’allais enfin respirer.Erreur.Vers dix heures, Vincent a débarqué sans prévenir, le visage blême, la main crispée sur une pochette cartonnée. Je l’ai vu dès qu’il a ouvert la porte. Quelque chose clochait. Et pas qu’un peu.— T’as une sale tête, ai-je lancé sans lever les yeux de l’écran.Il n’a pas répondu. Il s’est contenté de refermer la porte derrière lui et de rester planté là, comme s’il hésitait à parler.J’ai soupiré, fatigué avant même d’entendre la connerie qu’il allait m’annoncer.— Dis-moi que ce n’est pas un autre p
L’aéroport de Keflavík baignait dans une lumière gris-argent.Charlotte resserra son manteau, les joues rougies par le vent, tandis que Bjorn traînait leur unique valise avec un air las.— Tu sais que je t’en veux encore de m’avoir fait quitter Tbilissi sans dîner ?— Bjorn, s’il te plaît…— Non, vraiment. J’avais repéré un petit resto avec des khachapuris fumants, et toi, tu m’as traîné dans un taxi en pleine panique.— Parce qu’on avait un avion à prendre. Et une amie à sauver.— Et moi, j’avais faim.— T’es insupportable.— Je sais. Mais j’ai faim quand même.Charlotte leva les yeux au ciel, les doigts crispés sur son téléphone. La photo du dossier de Lila s’affichait toujours sur l’écran : Donneur W348-DW — Dante Whitemore.Elle la fixait comme si elle pouvait soudain cesser d’exister.— Tu réalises que tu marmonnes son nom depuis dix minutes ? fit remarquer Bjorn.— Dante Whitemore ?— Oui. C’est limite inquiétant.— J’essaie juste de comprendre comment c’est arrivé.— Bah, à ma







